Il n’y avait pas d’armures anciennes

Publié le 22/08/2022

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« Je ne suis pas expert et je ne veux point l’être. J’aime les vieilles choses pour le plaisir qu’elles me procurent, sans chercher à m’ériger en pontife de la curiosité », assurait Paul Eudel (1837-1912) dans son ouvrage intitulé : Trucs et truqueurs, au sous-titre évocateur: « Altérations, fraudes et contrefaçons dévoilées », dont nous avons retrouvé la dernière édition, celle de 1907. Nous en reprenons la publication en « feuilleton de l’été » consacré au « faux » en tout genre. BGF

Que sont donc devenues les véritables les armes de Monaldeschi ? Eudel l’ignorait, mais songeait-il, le mot de l’énigme est peut-être à Avon. Si l’on faisait ouvrir la tombe de Monaldeschi, ce qui n’a pas été fait.

« Tout porte à croire, en effet, que les Mathurins l’ont enterré sans le dévêtir et qu’ils se sont procuré, dans la suite, pour attirer les visiteurs à leur couvent, quelque vieille armure hors d’usage, dont ils ont fait la cotte de mailles de Monaldeschi. Ce ne serait pas la première fois que des artisans de fiction auraient mis ainsi à profit la crédulité humaine.

Pendant que nous sommes aux armures, perle des collections, orgueil des musées, rêve caressé souvent en vain par tant d’amateurs, voyons un peu ce qu’en ont fait nos modernes hâbleurs. Hélas ! ce n’est plus d’attributions erronées qu’il est question aujourd’hui. Ces admirables pièces, à l’épreuve des armes de jet et des balles d’arquebuse n’ont pu résister aux attaques réitérées des reîtres de la contrefaçon. On fabrique aujourd’hui une panoplie complète comme le plus habile platner d’Allemagne. On imite l’inimitable !

Rien n’est plus rare qu’une armure ancienne. Il n’en est venu aucune jusqu’à nous du XIVe siècle, pas une, pour ainsi dire, de la première moitié du XVe siècle et un très petit nombre de la seconde moitié. Quant aux armures comprises entre 1490 et 1510, ce sont les rara avis de la collection. Comment voulez-vous que les armuriers de la seconde moitié du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle aient laissé assez de chefs-d’œuvre pour satisfaire à l’insatiable curiosité des collectionneurs des deux mondes ?

D’ailleurs, ne l’oublions pas, les armures, même les plus communes, coûtaient fort cher à l’époque. Leur valeur en métal était suffisante pour qu’on les rebattît continuellement à la mode du jour et suivant la taille de leurs propriétaires successifs, au hasard des héritages et des guerres. Il n’y avait donc pas, à proprement parler, de vieilles armures, et le nombre des modèles qui auraient pu venir jusqu’à nous s’en trouve réduit d’autant ». (À suivre)

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