Le Greco au Grand Palais

Publié le 17/10/2019

Grand Palais

Domínikos Theotokópoulos, dit Le Greco, est né à Candie, en Crète, en 1541. Son apprentissage s’effectue dans la tradition byzantine des milieux crétois, encore plongés dans la foi médiévale. Le Greco restera profondément marqué par sa formation de peintre d’icônes, qu’il effectua dans un atelier rattaché aux couvents de Crète. Vers 1560, il arrive à Venise, où l’art pictural se trouve sous l’influence de Jacopo Bassano, Véronèse, Le Tintoret et Titien, chez lequel il travaille de 1567 à 1569. De cette période datent, par exemple, Guérison de l’aveugle et L’Adoration des bergers, dont le traitement est imprégné de byzantinisme. Lorsqu’il arrive à Rome, son goût s’affirme pour les architectures picturales ovales ou circulaires, et pour un type idéal de personnages souvent représentés dans des attitudes contournées. Il travaille au palais Farnèse, peint des portraits et des scènes religieuses, comme L’Expulsion des marchands du temple. Mais son séjour fut interrompu par la polémique autour du Jugement dernier de Michel-Ange. Le Greco remit en question l’enseignement de ce denier ainsi que celui de Raphaël.

Quitter Rome, c’était quitter une ville trop académique. Il se rend donc en Espagne. À Madrid, il aurait rencontré la compagne de sa vie, Dona Jeronima de las Cuevas. La commande du retable de Santo Domigo el Antiguo indique qu’il était dans cette ville en 1577. Comme dans la plupart de ses tableaux, les lois classiques de la composition sont revisitées par une exigence intérieure : plan unique, rythmé par les masses plus importantes de deux groupes au premier plan. La perspective est inversée, ce qui permet un allongement délibéré des visages, entre réalisme et spiritualité.

Chez Le Greco, nous trouvons l’expression de l’élan vital et le dépassement spirituel. Sa peinture vibre d’une sensibilité particulière. Dans ses œuvres, comme L’Assomption de la Vierge, nous sommes attirés vers le haut, c’est-à-dire le ciel, dans un mouvement d’élévation. Alors, l’artiste étire la forme, hausse la couleur et fera éclater la lumière. Et quand il se fixe à Tolède, dans cette Espagne chauffée par le soleil, il parvint à affirmer un art particulier : le sien.

Vers 1580, Le Greco peint Le Martyre de saint Maurice pour l’une des chapelles de l’Escurial. Cette œuvre déplut au roi ; il rentra alors à Tolède. Le Greco était en parfaite harmonie avec le mysticisme et la rudesse de cette ville. Il y demeura jusqu’à sa mort, en 1614. En 1586, il exécuta pour la petite église Santa Tomé son œuvre majeure : L’Enterrement de comte d’Orgaz. Les constants thèmes de son inquiétude, la mort et le salut, y sont représentés.

Parmi les plus beaux personnages peints par l’artiste, nous noterons Le Chevalier à la main sur la poitrine, Don Fernando Nino de Guevara, Le Cardinal Tavera et Julian Romero de las Azamas, qui ont une grande intensité d’expression. Au fait de sa gloire, il entreprendra, vers 1596, de grands ensembles, dont un retable pour le monastère de la Silsa, où figure Le Couronnement de la Vierge.

La personnalité du Greco est à l’égal de son art : il échappe à toute commune mesure. Il dissimulait sous un abord austère une violence intérieure, un mysticisme passionné, qui permirent à son œuvre d’échapper au conformisme. À la fin de sa vie, nous voyons dans ses peintures une véritable désintégration des formes : les corps s’allongent et se tordent, comme des flammes. Le coup de pinceau est large et traîné, la couleur est presque pure et la lumière émerge de la matière. Il a créé, avec trois siècles d’avance, la révolution dans la peinture.

 

LPA 17 Oct. 2019, n° 148p3, p.15

Référence : LPA 17 Oct. 2019, n° 148p3, p.15

Plan
X