Le prix d’éloquence Olivier Schnerb récompense la capacité d’improvisation des candidats

Publié le 20/06/2025 à 10h22

La 3e édition du concours d’éloquence Olivier Schnerb s’est déroulée le 18 juin. Me François Martineau, est le promoteur du prix Olivier Schnerb, dont il a pris la suite dans l’enseignement des techniques argumentatives à la Conférence Olivaint depuis 2017. Il nous explique en quoi ce concours est spécifique.

Le prix d’éloquence Olivier Schnerb récompense la capacité d’improvisation des candidats
Me François Martineau (Photo : DR)

Actu-Juridique : La 3 édition du prix Olivier Schnerb a eu lieu mercredi. De quoi s’agit-il ?

François Martineau : Il s’agit d’un concours d’éloquence, organisé par la commission d’Art oratoire de la conférence Olivaint, cette année présidée par Inès Amari, après Aurélie Lambert et Mario Guguelmini. La conférence Olivaint, fondée en 1874 est l’une des associations estudiantines les plus anciennes du pays ; reconnue d’intérêt général, elle propose à ses membres des formations théoriques et pratiques aux techniques de prise de parole, ce qu’elle considère comme l’un des éléments essentiels de la vie de la cité. De nombreuses   personnalités, de tous horizons, en ont fait partie : par exemple, Laurent Fabius, Jean-Pierre Chevènement, Pierre Mendès-France, Michel Barnier, ou Éric Woerth, mais aussi Christine Ockrent, Éric Orsenna, Isabelle Huppert…

Actu-Juridique : Qui était Olivier Schnerb ?

FM : Olivier Schnerb était l’un des meilleurs avocats pénalistes de sa génération ; 1ᵉʳ secrétaire de la conférence du stage des avocats en 1981, il intervenait dans des affaires, souvent médiatiques, toujours complexes où le droit pénal le disputait aux réglementations financières d’une haute technicité. D’une grande culture, il était passionné par l’oratoire : ses succès, il les obtenait à la barre en déployant cette éloquence de l’esprit si rare aujourd’hui ; pour lui, les mots n’étaient pas une fin en soi, mais un moyen de nouer l’esprit des niais et de construire des raisonnements implacables. Il visait la conviction de la raison et non point la persuasion de l’auditoire par des arguments de pathos. Une fois lancé, il était irrésistible  : peu d’avocats ont été comme lui capables non point tant de domestiquer les mots que de les débusquer, en décortiquer le sens, dans l’intérêt de la thèse qu’il défendait, au scalpel de son ironie redoutable !

Sa générosité le poussait à partager ce goût pour les mots et surtout à l’enseigner ; il avait compris que la transmission, que le don accroît plutôt qu’il ne retranche ; pendant plus de 15 ans Olivier Schnerb a enseigné les principes de l’élocution et de l’action oratoires à l’École de Formation des Barreaux, puis il a créé au sein de la conférence Olivaint une école d’éloquence qu’il avait appelée « l’école des tribuns ». Olivier Schnerb nous a malheureusement quittés le 2 février 2017. Nous avons voulu, alors, perpétuer sa mémoire en créant ce prix d’éloquence  « Olivier Schnerb » qui récompenserait le meilleur discours improvisé sur une question philosophique ou politique.

Actu-Juridique : En quoi ce concours est-il spécifique ? 

FM : Depuis une décennie, et c’est heureux, on a vu se multiplier en France toutes sortes de concours d’éloquence, ce qui montre l’appétence des jeunes générations pour l’art de la parole ! Sans doute les jeunes, lassés des réseaux sociaux, veulent-ils aussi cesser d’être les sujets passifs d’une aliénation médiatique et affirmer cette autonomie de penser que leur donne l’enseignement rhétorique …Mais ces concours d’éloquence accordent aux candidats un large délai pour préparer leur discours, une semaine, voire quinze jours. Ce que nous avons voulu récompenser par le prix Olivier Schnerb, c’est la capacité d’improvisation du candidat, son art de la répartie. L’un de lauréat du prix, en 2023, Corentin Eveno a d’ailleurs écrit dans l’un de ses livres qu’il s’agissait du concours le plus difficile auquel il ait eu à participer !

C’est une vraie improvisation, dans la mesure où les sujets sur lesquels doivent concourir les candidats sont tenus secrets, et distribués quelques minutes seulement avant leur intervention ! Les intervenants disposent donc d’à peine quelques minutes pour penser et organiser leurs propos !

L’autre spécificité, émouvante celle-ci, se trouve dans la composition du jury, formée des anciens secrétaires de la Conférence du stage 1981, celle à laquelle Olivier Schnerb a appartenu, et qui, après 45 ans sont toujours unis par des liens que le temps n’a pas amoindris. Merci à Emmanuel Kneusé, Véronique Tuffal, Emmanuel Brochier, Pierre-François Veil et Jérôme Malzard de m’avoir accompagné dans l’organisation de ce concours !

Actu-Juridique : Quels étaient les sujets cette année ? Qui a remporté le prix ? 

FM : Des sujets d’actualité, bien sûr, mais aussi des sujets qui incitaient à la réflexion philosophique, et permettaient aux six candidats de puiser dans leur culture de nombreux éléments argumentatifs :

– L’information est-elle une opinion ? (NDLR : C’est le slogan d’une campagne de communication de France Info)

– L’histoire donne-t-elle des leçons ?

– Doit-on supprimer les réseaux sociaux ?

Les six candidats dans l’ordre de passage étaient : Dominik Abbas, Nathan Kohn, Pauline Bizet, Jacques de Crécy, Mohamed Scander, Alain Nana-Katcha.

Tous ont manifesté leur talent et leur parfaite compréhension de l’art oratoire ! Pendant quatre à six minutes chacun, ils ont, par leur discours grave ou humoristique, rendu à Olivier Schnerb le plus bel hommage que l’on puisse imaginer. Il a été bien difficile de les départager, mais cette année le prix d’improvisation Olivier Schnerb a été remis à Jacques de Crécy. Nul doute qu’il excellera dans la carrière de magistrat à laquelle il se destine.

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