Les opinions en économie de Turgot

Publié le 11/08/2021

Jean-Baptiste Tenant de Latour (1779-1862) fut nommé en 1846, bibliothécaire du roi, Louis-Philippe Ier, au palais de Compiègne. La somme de ses connaissances a été réunie dans ses Mémoires d’un bibliophile, livre paru en 1861. Cet ouvrage se présente sous forme de lettres à une femme bibliophile (la comtesse de Ranc… [Le Masson de Rancé]), et se compose de nombreuses réflexions sur la bibliophilie, les écrivains et le monde des Lettres. Nous reprenons cet été la publication de la Lettre XI consacrée au « Cabinet de M. Turgot ».

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« Je me mis donc en devoir de m’identifier de mon mieux avec celui qui avait déposé dans ces titres quelques-unes de ses pensées. Là respirait, en effet, tout entier l’esprit sceptique de l’époque ; là se révélaient, à chaque ligne, les opinions de M. Turgot en économie politique. Enfin, Madame, je me trouvai bientôt en plein Louis XV, et si je ne puis pas vous donner ici un relevé complet de ces titres, je veux, du moins, en attendant que je mette sous vos yeux le fac-simile qu’un homme rempli d’obligeance en a fait faire pour moi, vous citer quelques-uns de ceux qui sont le plus en rapport avec les sujets que nous traitons habituellement.

Mais tout en ne faisant ici qu’un choix, Madame, je ne vous dissimule pas qu’il faut souvent un assez grand effort de mémoire, parfois même quelques recherches, pour se remettre dans l’esprit les circonstances politiques ou littéraires qui font tout le sel des épigrammes de Turgot, car c’est, à proprement parler, un véritable recueil d’épigrammes : le philosophe le plus cauteleux parmi tous les autres, celui dont on a dit que nul n’avait mieux l’art de tirer la flèche et de cacher la main, s’en est là donné à cœur joie ; on a, dis-je, besoin de se rappeler, en lisant ces titres, tantôt que l’abbé de Caveirac, à peu près oublié aujourd’hui, publia, vers le milieu du dernier siècle, plusieurs ouvrages remplis d’intolérance contre les protestants ; tantôt que Linguet fut longtemps l’ennemi des philosophes, et défendit le pouvoir arbitraire, avant d’entrer dans une autre voie ; que l’abbé Galiani, dans ses Dialogues sur le commerce des blés, soutint, touchant cette matière, quoique passablement philosophe lui-même, une opinion contraire à celle des économistes, qui du reste, on le sait, faisaient bande à part sur beaucoup de points ; enfin, il faut se rappeler qu’à tort ou à raison, l’on reprocha aux frères Pâris d’avoir fort accru leur fortune dans la fourniture des armées ; tout cela est plus ou moins finement indiqué dans les premiers titres qui suivent : Traité de la charité chrétienne, par l’abbé de Caveirac ; Délices du gouvern. turc, dédiés au kislaraga, par S. N. H. Linguet ; Art de compliquer les questions simples, par l’abbé Galiani ; Véritable utilité de la guerre, par les frères Pâris ». (À suivre)

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