Marie-Antoinette et sa harpe

Publié le 27/08/2021

« Je ne suis pas expert et je ne veux point l’être. J’aime les vieilles choses pour le plaisir qu’elles me procurent, sans chercher à m’ériger en pontife de la curiosité », assurait Paul Eudel (1837-1912) dans son ouvrage intitulé :Trucs et truqueurs, au sous-titre évocateur : « altérations, fraudes et contrefaçons dévoilées », dont nous avons retrouvé la dernière édition, celle de 1907. Nous en reprenons la publication, en feuilleton de l’été consacré au faux en tout genre.

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« Le Conservatoire offre à notre admiration la harpe authentique de Marie-Antoinette. L’instrument est superbe. La table, ornée d’attributs de musique, de géographie, de peinture, est finement décorée. Autour du bras, court une charmante guirlande de roses terminée par une feuille d’acanthe où perche un aigle aux ailes déployées. Ornant superbement la colonne, deux amours montés sur des chevaux marins, soufflent dans des conques. Tout l’instrument est à fond d’or, les clefs sont garnies de cailloux-diamants. C’est un bijou ciselé avec art, digne de mains royales.

S’ensuit-il qu’il ait jamais appartenu à la reine ? Non, évidemment, et j’avoue qu’il faut une foi robuste pour attribuer, sans preuve aucune, au mobilier de la couronne une harpe trouvée, en 1878, dans un grenier de l’hôtel de ville de Nancy. Mais personne, à l’époque, ne se demanda comment elle aurait pu venir s’échouer si loin. G. Chouquet l’inscrivit sur son catalogue comme une des deux harpes exécutées par Naderman père, en 1780, pour Marie-Antoinette.

Vous entendez bien ? Une des deux harpes ! Mais où est l’autre ? Cherchez l’instrument royal. Et, comme au jeu des questions, chacun s’efforce de retrouver la seconde. Le Kensington Museum la revendique, le Conservatoire de Bruxelles s’en fait gloire, le National Museum de Prague ne doute pas de la sienne. On demande les papiers authentiques.

Après tout, la véritable est peut-être chez un mélomane américain. Il l’aurait achetée à Paris après une restauration sérieuse de la dorure et de la peinture et une incrustation de cailloux du Rhin achetés au Palais-Royal. En attendant, un amateur de province en découvre une nouvelle dans le grenier de son château, un peintre en exhibe une autre à Bruxelles, et M. de Bricqueville se demande mélancoliquement s’il n’en existe pas une vingtaine en Amérique. La conclusion serait-elle dans les mémoires si précis de Mine Campan ?

Marie-Antoinette, dit-elle, ne jouait que d’un piano forte. Celui-là, on le connaît. La maison Erard, qui l’avait construit à la demande de la reine, en serait devenue propriétaire ». (À suivre)