Marie-Antoinette
Théâtre de Poche-Montparnasse
Marie-Antoinette est l’une des plus accomplies et des plus célèbres biographies de Stefan Zweig, qui excellait dans ce genre.
Attiré par les personnages hors du commun, il a écrit celle de Marie Stuart, Fouché et Magellan, et on ne peut qu’être saisi par sa finesse d’introspection psychologique, qui n’a d’égal que sa finesse d’interprétation des événements de l’histoire.
Peinture libre et très personnelle et unité dans la démonstration de la transfiguration d’une personne ordinaire en héros ou une héroïne lorsqu’un fait tragique lui en offre l’occasion.
Ainsi il décrit la reine Marie-Antoinette avec un regard caustique : « Elle n’était ni la grande sainte du royalisme ni la grande grue de la Révolution, mais un être moyen, une femme en somme ordinaire, pas trop intelligente, pas trop niaise, un être ni de feu, ni de glace, sans inclination pour le bien, sans le moindre amour du mal, la femme moyenne, d’hier, d’aujourd’hui de demain ». Une princesse et une vie « insignifiante », sans l’irruption de la Révolution.
Adapter cette bibliographie, très documentée à partir d’une masse de sources et de jugements contrastés, et la résumer en une heure et demie était une entreprise audacieuse et délicate ! Marion Bierry l’a magistralement réussi, en choisissant les passages les plus forts pour décrire un parcours qui va du mariage avec le Dauphin en 1770, jusqu’à la guillotine en 1793.
On entend alors un texte magnifique, on a rendez-vous avec l’histoire, traitée par un romancier avec perspicacité, on comprend les erreurs de la reine, enfermée à Versailles dans un cercle de courtisans, manquant son rendez-vous avec le peuple, comme le lui conseillait sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse.
Méandres intimes et méandres de l’histoire sont liés. Et quelle perspicacité pour décrire la puissance de la rumeur et de la calomnie sur les événements de la grande histoire ! Quel hommage à la dignité face aux hordes déchaînées !
La sobriété de sa mise en scène, impulsée par de discrets jeux de lumière et de musique, met en valeur l’intensité du texte présenté comme un dialogue entre Marion Bierry et Thomas Cousseau, l’un et l’autre remarquables.
Quelques déplacements, peu de gestuelles, mais une force et une émotion dans leur récit, telles que les images surgissent et que l’on se projette à Versailles, aux Tuileries, à Varennes, au Temple, à la Conciergerie vers la fin d’un monde, celui de l’Ancien Régime, qui faisait craindre à cet humaniste, sensible à la montée des périls, la fin d’un autre monde perceptible lorsque paru le livre en 1933…
Il y a mille façons de présenter des personnages historiques et toute liberté laissée aux romanciers et aux metteurs en scène pour le faire. Il y a quelques mois, Bob Wilson mettait en scène le long monologue de Darryl Pinckney sur les derniers instants de Marie Stuart. Élégance, certes, mais quelle froideur et sécheresse. Ici rien de froid, rien de sophistiqué, pas d’autre prétention que de servir un texte où l’intelligence, la sensibilité, la finesse sont au plus haut niveau.
On aimerait que Marion Bierry présente sa Marie Stuart…