Pablo Picasso, Paul Éluard, une amitié sublime

Publié le 12/01/2021

Paul Éluard et Pablo Picasso.

Lee Miller Archives

Pablo Picasso et Paul Éluard, deux personnalités incontourables du XXe siècle. Le peintre et le poète se sont liés d’une amitié très forte dès les années 1930 ; ils avaient le même engagement politique, le même amour de l’art et une admiration réciproque.

Le musée de Saint-Denis fait revivre cette période de création de ces artistes, l’exaltation pour défendre la liberté et leur engagement artistique autant que politique. En près de 200 cents peintures, dessins, livres et documents, le visiteur découvre l’intimité de ces artistes qui, parfois, se sont inspirés mutuellement et ont été complémentaires.

Dès 1920, Éluard s’intéresse à l’œuvre de Picasso : il achète peintures, gravures, dessins. Fasciné par cet artiste hors normes, il lui consacre des poèmes, ainsi leur amitié va-t-elle se développer au fil du temps, notamment à partir de 1935.

Il est émouvant de découvrir les manuscrits du poète avec ses ratures, ils le rendent plus présent encore. Ce que le peintre exprime en tableaux, son ami l’exprime en mots. En 1936, Picasso exécute un premier portrait de profil de son ami d’une extrême finesse, Éluard le reprendra souvent comme frontispice pour ses ouvrages. Mais le peintre n’en reste pas là ; en 1941, il dessine 16 portraits, toujours de profil, en une journée, dans lesquels il stylise un peu la forme. Ils sont réunis pour la première fois à l’exposition.

Grande est la connivence entre ces artistes qui se comprennent parfaitement. Au cours des années 1930, ils passent souvent des vacances ensemble dans le Midi avec leurs compagnes. Nusch, la muse d’Éluard, devient le modèle du peintre, en témoigne le touchant portrait de la jeune femme. Dora Maar, quant à elle, réalise des photographies témoins de ces moments de détente à Mougins.

Paul Éluard admire la créativité de Picasso, son invention plastique permanente qui casse les codes établis ; il acquiert de nombreuses œuvres et constitue une importante collection de son ami complétée par des achats de créations de l’avant-garde : Giorgio de Chirico ou Max Ernst, parmi d’autres. À découvrir le fort intéressant collage : Buste d’une femme en blouse jaune au profil expressif, réalisé en touches synthétiques. Tout ce qui s’évade des sentiers battus intéresse le poète comme le peintre, qui souhaitent proposer au grand public leurs créations, c’est ainsi qu’ils n’hésitent pas à faire des dons de leurs œuvres au musée de Saint-Denis.

Durant la guerre civile d’Espagne, ils défendent les Républicains. Tandis qu’Éluard écrit Novembre, Picasso peint le célèbre Guernica, ville basque martyrisée, un tableau où l’artiste laisse percer ses fortes rancœurs contre l’armée. Artistes engagés à gauche, ils n’ont jamais renié leurs convictions. Si la guerre de 1940 les sépare quelque peu, ils continuent cependant de se rencontrer dès qu’ils le peuvent et même de travailler ensemble. Éluard calligraphie alors un recueil de 34 poèmes que Picasso illustre de fins dessins.

Si l’art les rapproche, la politique le fait donc tout autant : ils adhèrent au parti communiste, participent au « Mouvement pour la paix ». À cette occasion, Picasso dessine à l’encre une affiche où la paix est symbolisée par une colombe et par une ronde de personnages dansant.

Lors du mariage d’Éluard avec Dominique en 1949, le peintre offre aux mariés un vase qu’il a décoré d’une grande poésie : une jeune femme semble chanter la nature en des tonalités chaleureuses d’ocre. Entré dans la Résistance en 1942, Éluard publie le magnifique poème : Liberté, présent à l’exposition et reproduit en braille. Et c’est encore avec une colombe dessinée que Picasso rend hommage à son ami lors de son décès en 1962 ; c’est pour le peintre la perte d’une amitié solide, combative.

LPA 12 Jan. 2021, n° 158t6, p.23

Référence : LPA 12 Jan. 2021, n° 158t6, p.23

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