Tchékhov à la folie

Publié le 15/10/2019

Théâtre de Poche-Montparnasse

C’est la reprise d’un succès qu’il faut aller voir si ce n’est déjà fait ! La critique a été unanime pour saluer le choix de ces deux courtes comédies en un acte du jeune Tchékhov : La demande en mariage et L’Ours.

La verve comique de ces « plaisanteries » avait conquis le public russe, qui s’était montré plus réticent à l’égard de son Ivanov représenté peu avant.

La critique fut aussi unanime pour louer la performance d’un trio d’acteurs absolument époustouflant !

Nous sommes dans la campagne profonde en Russie, chez des petits propriétaires terriens. Une demande en mariage est faite par un vieux garçon emprunté et névrotique, qui s’est décidé à convoler avec la vieille fille de son voisin.

Quant à L’Ours, il s’agit d’un débiteur ombrageux venu réclamer le remboursement de son prêt à une veuve éplorée par la mort récente de son mari.

Dans les deux cas, la rencontre vire au pugilat, chacun ne voulant pas céder sur des questions estimées d’importance : droit de propriété sur de petites parcelles et qualités d’un chien de chasse…

La violence tourne au paroxysme et même au pugilat, les pauses sont brèves. Si la fin est une réconciliation, on voit bien qu’avec de tels tempéraments, elle restera précaire. Les bons mots se succèdent, dans un texte ciselé et corrosif, mis en valeur par la fine traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan.

La mise en scène de Jean-Louis Benoît, subtile et précise, donne à l’ensemble un mouvement endiablé accentuant l’incongruité des situations et des répliques.

Quant à la performance des trois comédiens survoltés, c’est un véritable feu d’artifice. Pas un seul instant de répit dans une surenchère d’improvisations burlesques et de douce folie.

Expert en bouffonnerie poétique, Jean-Paul Farré excelle dans sa composition de père blasé et surtout d’ours-séducteur malgré lui ; Manuel Le Lièvre est irrésistible en fiancé transi, bourré de tics et enchaînant les crises de nerfs.

Émeline Bayart est tout aussi irrésistible en vieille fille virile et veuve coincée. À coups d’œillades assassines et de tirades modulées du grave à l’aigu, c’est elle qui mène allègrement ces danses dans des nids de joyeux coucous…

LPA 15 Oct. 2019, n° 148t7, p.15

Référence : LPA 15 Oct. 2019, n° 148t7, p.15

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