La folie en tête
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L’exposition La Folie en tête, présentée à la Maison de Victor Hugo, à Paris, est en relation avec le drame du poète durement éprouvé par la maladie mentale de son frère et de sa fille Adèle. Elle évoque l’évolution de la vision des psychiatres sur ces compositions durant le XIXe siècle.
Tout d’abord ignoré, les aliénistes ont peu à peu découvert le rôle que la création pouvait jouer dans l’évolution de la maladie. Une grande avancée sur le regard que l’on portait jusque-là sur la folie. Les médecins commencent à acquérir des œuvres de ces patients, soit par goût esthétique, soit pour affiner leur jugement thérapeutique. Certains ont réalisé une véritable collection ; quatre d’entre elles figurent ici et réunissent 200 numéros rassemblant peintures, dessins, broderies ou objets divers.
Non seulement ces œuvres souvent fragiles, en raison des supports employés, ont été utiles à la médecine, mais elles ont aussi ouvert la voie à l’art brut. Jean Dubuffet qui en fut l’initiateur a lui-même découvert cet art resté secret le plus souvent, il a été frappé par l’invention qui s’en dégage. Il s’en est inspiré en partie pour créer des œuvres libres, hors de toute sphère intellectuelle.
Le docteur Browne médecin-chef s’avère d’une réelle humanité. Outre les médicaments il propose à ses patients des activités propres à leur permettre de s’évader, au moins un moment, de leur maladie : théâtre, musique, peinture, dessin. Regardant ces réalisations on est frappé par la diversité, la force des thèmes et, souvent, l’aisance à les traduire. Joseph Askew affirme une certaine sérénité et une intéressante stylisation. Alberto G. se révèle minutieux dans le dessin et J.G. très précis, il insère des phrases dans ses compositions comme Cathart, dont les dessins à la plume affirment une liberté d’écriture. Parfois les œuvres apparaissent saturées, fermées sur elles-mêmes.
Grand collectionneur, le docteur Marie médecin-chef à Villejuif puis à Sainte-Anne incite lui aussi ses patients à s’ouvrir à l’art. Dès 1908, ce sont 1 500 œuvres réalisées. Certaines intéressent André Breton qui en acquiert deux. Parmi ces créations Le Cœur mystique de Victor François, ou le dynamisme, avec ses courbes rythmées du Voyageur Français, aquarelliste, qui témoigne aussi de calme, de précision dans ses compositions fleuries avec un vrai regard de peintre. Parfois l’idée de mort est présente dans ces créations.
L’asile de la Valdau en Suisse, près de Berne, est fort connu. Dirigé par le docteur Walter Morgenthaler, la psychanalyse y est pratiquée ; ce médecin se révèle proche de ses patients artistes et une collection de 2 500 dessins et 2 000 textes est constituée, à laquelle s’ajoute d’intéressants objets confectionnés en argile, bois, métal, ou encore en tissu. Adolf Wölfli figure parmi les artistes les plus connus de cet établissement. Il élabore une œuvre importante, dessins dans lesquels il mêle références autobiographiques et invention. Il réalise des dessins très colorés où il recrée un univers, comme une protection sur le monde extérieur. Vaste est son champ d’investigation. À partir de 1913 il exécutera des collages.
Il aura fallu l’action de Hans Prinzhorn qui n’était pas psychiatre pour que la collection qui porte son nom existe. Elle réunit peintures, dessins, sculptures, créés par 450 malades. On retient en particulier August Klett, à la palette lumineuse et aux multiples personnages expressifs bien que schématisés. Elsa Blankerhorn évoque avec sensibilité des jeunes femmes esquissées comme dans un nuage et rehaussées d’or. C’est encore l’œuvre très fermée de Peter Meyer rappelant les icônes ou la remarquable exécution en fil de coton d’un plateau de Heldwig Wilms et l’on devine l’obsession de Grebing qui aligne une série de chiffres en rangs serrés.
Une forte inventivité émane de ces œuvres nées de la souffrance, de l’enferment.