Un esprit de liberté
L’affiche de l’exposition.
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Nous nous rappellerons que Mme de Staël était la fille du banquier Jacques Necker, ministre de Louis XVI, et de Suzanne Curchod. Elle naquit à Paris le 22 avril 1766 et mourut dans la même ville le 14 juillet 1817. Elle fut écrivaine, femme de tête, opposante à Napoléon Bonaparte. Son destin croisa celui de Benjamin Constant, lequel naquit à Lausanne le 25 octobre 1767 et mourut à Paris le 8 décembre 1830. Deux destins, deux intellectuels qui incarnèrent le cosmopolitisme, le romantisme, le libéralisme et la modernité de l’intimité littéraire. Ils militèrent aussi pour la cause sociale. Mme de Staël et Benjamin Constant se situent entre les Lumières et la Restauration des libéraux, nourris de Montesquieu, Rousseau, Voltaire, la philosophie anglaise et l’anti-jacobinisme. Ils endossèrent les causes universelles des libertés individuelles, de l’abolitionnisme de la traite négrière et l’anti-despotisme. Germaine de Staël et Benjamin Constant jouèrent un rôle prépondérant dans la vie intellectuelle de leur époque.
La fondation Martin-Bodmer célèbre aujourd’hui le bicentenaire de la mort de l’auteure de Corinne (1807) et les 250 ans de la naissance de l’auteur d’Adolphe (1816). Ces deux anniversaires nous permettent de nous éclairer sur les vies passionnées et passionnantes, les œuvres et la renommée de deux enfants des Lumières. L’exposition est un regard sur leurs destins, entre enfance riante, rigide formation intellectuelle, expérience et culture politiques de la Révolution, création littéraire, mondanités, liaisons dangereuses dès 1794, exil.
Dans une lettre à Louis-Adolphe de Ribbing, de septembre 1794, Mme de Staël écrivit : « J’ai trouvé ici ce soir un homme de beaucoup d’esprit qui s’appelle Benjamin Constant. Pas trop bien de figure, mais singulièrement spirituel ». Quant à Benjamin Constant, il écrivait en 1810 : « Je rencontrai la personne la plus célèbre de notre siècle, par ses écrits et par sa conversation. Je n’avais rien vu de pareil au monde. J’en devins passionnément amoureux. (…) Son esprit m’éblouit, sa gaîté m’enchanta, ses louanges me firent tourner la tête. Au bout d’une heure elle prit sur moi l’empire le plus illimité qu’une femme n’ait peut-être jamais exercé ».
En 1788, Mme de Staël écrivit le premier essai consacré à Rousseau (Lettres sur les ouvrages et caractères de Jean-Jacques Rousseau). Elle fut favorable à la monarchie constitutionnelle mais aussi à la République, pourvu qu’elles soient libérales. Pour sa fronde, elle fut chassée de Paris dès 1803 sur ordre de Bonaparte. Elle se réfugia alors au château familial de Coppet, proche de la République de Genève. En ce lieu, qui devint un cénacle d’opposants à l’empereur, Mme de Staël publia Delphine (1802) ou De l’Allemagne (1813). Quant à Benjamin Constant, il adhéra aux idéaux de 1789, rédigea, en 1797, les Effets de la Terreur contre le pouvoir absolu, puis loua le « système représentatif » pour la démocratie moderne dans son discours De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes (1819). Nous lui devons aussi l’Appel aux nations chrétiennes en faveurs de Grecs (1825), Mélanges de littérature et de politique (1829) ou De la religion considérée dans sa source, ses formes et son développement (1824-1830). Benjamin Constant fut élu député en 1818. Chef de file de l’opposition libérale, connue sous le nom des « Indépendants », il fut un orateur très en vue à la Chambre des députés et défendit le régime parlementaire. Il soutint l’installation de Louis-Philippe sur le trône lors de la Révolution de juillet 1830.