La constitution a 60 ans. Retours sur un esprit, des institutions et une pratique

Publié le 08/04/2019

La constitution française instituant la Ve République a 60 ans. Sa longévité est remarquable, enrichie de plus de vingt révisions constitutionnelles. Cette longévité est-elle le reflet du génie des pères fondateurs de cette norme fondamentale ou bien plutôt du bien-fondé des révisions, nombreuses, qui ont modifié le texte ? Sans doute les deux réponses se combinent-elles. À l’aube d’une nouvelle révision constitutionnelle, un retour comparant l’avant révision et l’après révision sur les éléments essentiels du régime constitutionnel français permet de dresser un bilan et de présenter les perspectives constitutionnelles.

Une constitution, c’est un esprit, des institutions et une pratique, affirmait avec clairvoyance le Général de Gaulle, dans sa conférence de presse du 31 janvier 19641. À l’heure des 60 ans de la constitution de 1958, nettement marquée de l’empreinte du président de Gaulle, qu’en est-il de ces institutions, pensées dans le sens d’un chef de l’État fort et d’un parlementarisme rationalisé, de cet esprit, marqué par une ardente nécessité de stabilité, et de la pratique, qui s’est moulée dans ce texte dont la plasticité aura permis d’absorber nombre de soubresauts politiques et sociaux ?

Depuis 1958, se sont succédé au pouvoir huit présidents de la République, de Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et, en fonction depuis le printemps 2017 ; Emmanuel Macron. Chacun a pu, initialement hostile ou pas au régime, ayant connu ou non la naissance de la Ve République, exercer les fonctions dévolues au chef de l’État par la constitution. Le président de Gaulle fut, entre autres réalisations, celui de la révision majeure tendant à l’élection du président de la République au suffrage universel en 1962, par l’usage controversé de l’article 11 de la constitution, au lieu et place de la procédure dédiée à la révision constitutionnelle de l’article 89, mais aussi celui de la mise en œuvre des pouvoirs dits exceptionnels de l’article 16 de la constitution. Le président Pompidou, élu après le départ annoncé prématurément du général de Gaulle à la suite de l’échec du référendum de 19692, assura la continuité de l’État et témoigna, par la stabilité de la période, de l’efficacité des institutions encore récentes. Le président Giscard d’Estaing fut à l’initiative de ce qui fut, fort injustement, qualifié de réformette3, la révision de 1974, permettant à 60 députés ou 60 sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel d’une loi votée par le Parlement, avant sa promulgation.

Engagé dans la construction supranationale européenne, il mit fin au feu des débats houleux sur l’acte relatif à l’élection des membres de l’Assemblée européenne au suffrage universel direct4, grâce à une heureuse saisine du Conseil constitutionnel, qui put alors débuter une riche et évolutive jurisprudence relative à la souveraineté et son possible partage5. Le président Mitterrand, auteur du « coup d’État permanent6 », fut sans doute, par l’alternance politique qu’il incarnait sous la Ve République, le témoin de la capacité des institutions créées 23 ans plus tôt, à s’adapter au changement politique. Les deux mandats de 7 ans exercés par François Mitterrand furent riches de plusieurs évènements politiques, que la constitution accompagna.

La cohabitation, voyant l’élection d’une majorité politique à l’Assemblée nationale d’un bord différent de la majorité présidentielle, suscita d’abord de nombreuses interrogations. Sans doute, celle-ci, dans sa première expérience, de 1986 à 1988, conduisit − car nécessité fit loi − à une application plus littérale du texte constitutionnel, sous le contrôle croissant du Conseil constitutionnel. Cette présidence fut aussi celle d’une accélération du processus d’intégration européenne, dont témoignent autant le traité de Maastricht, premier traité à être censuré par le Conseil constitutionnel7, que la constitutionnalisation consécutive, de l’appartenance française à l’Union européenne. La présidence Mitterrand se manifeste aussi, et surtout peut-être, par l’abolition de la peine de mort, sous la houlette de Robert Badinter. La présidence Chirac marque un retour du balancier de l’alternance. Sa présidence est aussi marquée par une nouvelle cohabitation, à fronts renversés, et dans un contexte de dissolution8 − dite manquée au regard des résultats des élections législatives. La présidence de Nicolas Sarkozy est notamment celle de la révision constitutionnelle qui introduit la question prioritaire de constitutionnalité mais aussi celle de ce qui avait été appelé « l’ouverture », faisant entrer au gouvernement des personnalités n’appartenant pas a priori à la majorité présidentielle. C’est aussi la présidence qui ne connaît qu’un Premier ministre sur l’ensemble du mandat. Enfin la présidence Macron, encore en cours, se caractérise par une volonté du président de dépasser les partis traditionnels, pourtant inscrits à l’article 4 de la constitution. Cet ensemble de président a, chacun avec sa personnalité, son programme politique, les évènements politiques ayant jalonné son mandat, endossé les habits de la Ve République. Si l’on reprend la définition de la constitution donnée par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, alors un double prisme d’étude des 60 ans de la constitution s’impose. Selon cet article « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ».

Un retour sur image de 1958, comparé avec la photographie de la constitution en 2018, permet d’observer que la séparation des pouvoirs s’est fondée sur une pratique élastique des équilibres institutionnels (I). La protection des droits, quant à elle se trouve renforcée par les perfectionnements successifs de l’État de droit (II).

I – La séparation des pouvoirs ou la pratique élastique des équilibres institutionnels

La séparation des pouvoirs doit s’observer, sous la Ve République, à la fois d’un point de vue horizontal et d’un point de vue vertical. Le premier angle révèle, avec le recul des 60 ans, un rééquilibrage incomplet du parlementarisme (A). Le second révèle la fin de la centralisation à la française, par les mécanismes symétriques de décentralisation et de supranationalisation (B).

A – La séparation horizontale des pouvoirs ou le rééquilibrage incomplet du parlementarisme

La séparation horizontale des pouvoirs s’observe sous le triple prisme du pouvoir exécutif, du pouvoir législatif et de l’autorité judiciaire. Sur la période de 1958 à 2018, s’observent des relations contrastées du président de la République et du Premier ministre, entre duel et duo (1), une évolution de la rationalisation vers une extension du parlementarisme (2). Ce que la Constitution appelle toujours, depuis 1958, l’« autorité judiciaire » a fait place à la construction d’un pouvoir juridictionnel (3).

1 – Les relations entre le président de la République et le Premier ministre entre duel et duo

La dialectique du duo et du duel résume les relations entre le président de la République et le Premier ministre sous la Ve République. Que l’on pense à la réalité ou au mythe de la lettre de démission pré-signée du second à l’attention du premier ou encore des relations conflictuelles de nombreux présidents avec leur Premier ministre, en passant par le dévalorisant terme de collaborateur que le président Nicolas Sarkozy utilisa pour qualifier son Premier ministre, cette dialectique est constante.

Cependant, il convient de distinguer plusieurs périodes et la différence évidente entre les modifications nombreuses de la constitution quant au président et l’absence de modification du texte constitutionnel quant aux pouvoirs – textuels en tout cas – du Premier ministre.

S’agissant des périodes, la cohabitation inaugurée en 1986, aussi inédite qu’inattendue et imprévue par le texte constitutionnel, s’est finalement déroulée dans une relative sérénité. Cette dernière est sans aucun doute un des révélateurs de l’efficacité et de la plasticité du texte constitutionnel. La pratique menée n’était peut-être pas entièrement conforme à l’esprit des institutions, mais les institutions fonctionnèrent sans véritables heurts. La relecture plus stricte de la répartition des compétences et pouvoirs entre les deux têtes de l’exécutif ne conduisit pas à de majeurs heurts, nonobstant quelques interrogations sur le sens du présent de l’indicatif de l’article 13 de la constitution qui dispose que le président signe les décrets et ordonnances délibérés en conseil des ministres. Ce présent vaut-il, ou non impératif ? Sans doute la réponse est-elle positive. La période de cohabitation conduisit aussi à un plein exercice de sa fonction de contrôle de la constitutionnalité de la loi par le Conseil constitutionnel. Son contrôle des lois de privatisations votées en 1986, lui permit ainsi d’équilibrer sa jurisprudence conciliatrice entre nationalisation et privatisation.

S’agissant des modifications du texte, un contraste s’observe entre la stabilité des articles dédiés au gouvernement et la relative mobilité de celles relatives au président de la République. Seul le statut pénal des membres de l’exécutif a évolué pour chaque membre. Ainsi désormais, le chef de l’État voit sa responsabilité pénale régie par les articles 67 et 68 de la constitution. Selon ces articles, qui n’existaient pas en tant que tels en 1958, le président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68. Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu. Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions (article 67). Le président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en haute cour. La proposition de réunion de la haute cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l’autre qui se prononce dans les 15 jours. La haute cour est présidée par le président de l’Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d’un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d’effet immédiat. Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l’assemblée concernée ou la haute cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la haute cour ou à la destitution. Une loi organique fixe les conditions d’application du présent article (article 68). Ces dispositions ont été introduites en 2007, et reprennent la position qu’avait adoptée la Cour de cassation en 20019.

Les membres du gouvernement voient, depuis 1993, leur responsabilité pénale régie par les dispositions des articles 68-1, 68-2, et 68-3, selon lesquels, Les membres du gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Cour de justice de la République. La Cour de justice de la République est liée par la définition des crimes et délits ainsi que par la détermination des peines telles qu’elles résultent de la loi (article 68-1).

La Cour de justice de la République comprend 15 juges : 12 parlementaires élus, en leur sein et en nombre égal, par l’Assemblée nationale et par le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel de ces assemblées et 3 magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l’un préside la Cour de justice de la République. Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du gouvernement dans l’exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d’une commission des requêtes. Cette commission ordonne soit le classement de la procédure, soit sa transmission au procureur général près la Cour de cassation aux fins de saisine de la Cour de justice de la République. Le procureur général près la Cour de cassation peut aussi saisir d’office la Cour de justice de la République sur avis conforme de la commission des requêtes. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article (article 68-2). L’article 68-3 pose le principe selon lequel les dispositions des articles précédents sont applicables aux faits qui sont antérieurs à leur introduction dans la constitution.

Ainsi, à l’exception des dispositions sur la responsabilité des membres du gouvernement, les dispositions relatives au gouvernement n’ont pas été modifiées. En revanche, il faut souligner que les dispositions relatives à la direction de l’action du gouvernement par le Premier ministre, à la disposition de l’Administration par ce dernier, ainsi qu’au pouvoir d’initiative des lois, n’ont pas fait l’objet de modification, en tout cas dans les relations entre les deux têtes de l’exécutif. Pour autant, un élément majeur doit être souligné. Il réside dans la décision de passer du septennat présidentiel au quinquennat. Ce quinquennat, seule réforme constitutionnelle adoptée par le peuple sur la base de l’article 89 de la constitution, qui a 18 ans, semble emporter des effets domino.

Changer la durée du mandat présidentiel, présenté comme une modernisation de la vie publique, ne pouvait rester sans impact sur le régime parlementaire à la française. En effet, en synchronisant les durées des mandats des députés et du président, la fonction – et la perception par le peuple, sans doute – d’un président, arbitre au-dessus des partis, se modifie immanquablement. L’impact majeur et l’illustration par excellence de cet effet domino, réside dans les relations entre le président de la République et le Parlement, ou plus précisément, dans ses relations avec l’Assemblée nationale. En effet, alors que le régime parlementaire se définit par des moyens d’action réciproque du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif et inversement, la concomitance des mandats rend la dissolution, sans doute pas désuète, mais en tout cas moins probable. En tout état de cause, aucune dissolution n’a eu lieu depuis 18 ans. Faut-il pour autant en déduire un déséquilibre au sein même du régime parlementaire, en mettant en relation cette désuétude et la permanence du pouvoir de motion de censure ? Il est sans doute trop tôt pour le déduire, même s’il est possible, sur la période des 60 ans de Ve République, d’observer une extension du parlementarisme, après la rationalisation première.

2 – Les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif entre rationalisation et extension du parlementarisme

La première conception de la constitution de 1958 réside dans un parlementarisme dit rationalisé, selon l’expression connue de Mirkine Guetzévitch. Le discours de Michel Debré au Conseil d’État donne le la de l’esprit de 1958. Il précise : « Pas de régime conventionnel, pas de régime présidentiel : la voie devant nous est étroite, c’est celle du régime parlementaire. À la confusion des pouvoirs dans une seule assemblée, à la stricte séparation des pouvoirs avec priorité au chef de l’État, il convient de préférer la collaboration des pouvoirs : un chef de l’État et un Parlement séparés, encadrant un gouvernement issu du premier et responsable devant le second, entre eux un partage des attributions donnant à chacun une semblable importance dans la marche de l’État et assurant les moyens de résoudre les conflits qui sont, dans tout système démocratique, la rançon de la liberté. Le projet de constitution, tel qu’il vous est soumis, a l’ambition de créer un régime parlementaire. Il le fait par quatre mesures ou séries de mesures : 1° un strict régime des sessions ; 2° un effort pour définir le domaine de la loi ;

3° une réorganisation profonde de la procédure législative et budgétaire ; 4° une mise au point des mécanismes juridiques indispensables à l’équilibre et à la bonne marche des fonctions politiques ».

Sur la rationalisation, précisément, il indique « supprimer cet arbitraire parlementaire qui, sous prétexte de souveraineté, non de la nation (qui est juste), mais des assemblées (qui est fallacieux), mettait en cause, sans limites, la valeur de la constitution, celle de la loi et l’autorité des gouvernements. La création du Conseil constitutionnel manifeste la volonté de subordonner la loi, c’est-à-dire la volonté du Parlement, à la règle supérieure édictée par la constitution. Il n’est ni dans l’esprit du régime parlementaire, ni dans la tradition française, de donner à la justice, c’est-à-dire à chaque justiciable, le droit d’examiner la valeur de la loi. Le projet a donc imaginé une institution particulière que peuvent seules saisir quatre autorités : le président de la République, le Premier ministre, les deux présidents d’assemblées. À ce conseil d’autres attributions ont été données, notamment l’examen du règlement des assemblées et le jugement des élections contestées, afin de faire disparaître le scandale des invalidations partisanes. L’existence de ce conseil, l’autorité qui doit être la sienne représentent une grande et nécessaire innovation. La constitution crée ainsi une arme contre la déviation du régime parlementaire. La difficile procédure de la motion de censure doit tempérer le défaut que nous connaissons bien et depuis trop longtemps. La question de confiance est l’arme du gouvernement, et de lui seul. Les députés ne peuvent user que de la motion de censure, et celle-ci est entourée de conditions qui ne sont discutées que par ceux qui ne veulent pas se souvenir. L’expérience a conduit à prévoir en outre une disposition quelque peu exceptionnelle pour assurer, malgré les manœuvres, le vote d’un texte indispensable ».

La rationalisation a été efficace, au regard de la stabilité des gouvernements, par contraste avec les régimes précédents. Cependant, au regard de cette approche initiale, on observe à la fois que le domaine de la loi ne fut finalement pas si contraignant, conduisant le professeur à conclure que la révolution annoncée n’aura finalement pas eu lieu, et que le Conseil constitutionnel, loin d’être un organe d’encadrement excessif du Parlement, construisit une jurisprudence toujours plus protectrice des droits fondamentaux.

Cette stabilité assurée, plusieurs révisions constitutionnelles ont visé à renforcer les pouvoirs du parlement. On retiendra ainsi la révision du 4 août 1995 qui pose notamment le principe de la session parlementaire unique. La révision du 23 juillet 2008 apporte quant à elle une nouveauté afin de limiter l’excessive origine gouvernementale de la plupart des lois adoptées. Elle modifie ainsi l’article 48 de la constitution qui dispose désormais que : « Sans préjudice de l’application des trois derniers alinéas de l’article 28, l’ordre du jour est fixé par chaque assemblée. Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l’ordre que le gouvernement a fixé, à l’examen des textes et aux débats dont il demande l’inscription à l’ordre du jour. En outre, l’examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et, sous réserve des dispositions de l’alinéa suivant, des textes transmis par l’autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d’autorisation visées à l’article 35 est, à la demande du gouvernement, inscrit à l’ordre du jour par priorité. Une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l’ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l’action du gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques. Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l’initiative des groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’à celle des groupes minoritaires. Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du gouvernement.

L’article 49-3 est un instrument par excellence de rationalisation du parlementarisme, en ce qu’il permet au gouvernement d’engager sa responsabilité sur un texte de loi. Comme l’usage de cet article a pu paraître excessif, la révision constitutionnelle de 2008 limite son usage. Il dispose désormais que : « Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session ». C’est la dernière partie de la loi que la loi constitutionnelle de 2008 ajoute10.

S’agissant des pouvoirs du Parlement, on observe ainsi une volonté de rééquilibrage des pouvoirs, la stabilité gouvernementale semblant désormais assurer sans que l’on puisse projeter de certitudes sur l’avenir.

Les pouvoirs exécutif − bicéphale et législatif – bicaméral, connaissent ainsi un équilibre qui évolue dans le sens d’une limitation de la rationalisation du parlementarisme. Le troisième pouvoir, quant à lui, d’ailleurs non qualifié de « pouvoir » dans la constitution, mais d’« autorité » connaît plusieurs évolutions sous la Ve République.

3 – L’autorité judiciaire ou la construction progressive d’un pouvoir juridictionnel

Le serpent de mer de l’indépendance de la justice ne laisse de susciter débats, controverses et révisions constitutionnelles. Plusieurs éléments doivent être analysés, voire élucidés sur ce thème. En premier lieu, il faut rappeler la dualité de juridiction qui caractérise la France depuis plusieurs siècles. En deuxième lieu, il convient de mettre en perspective les enjeux de l’indépendance de la justice avec les prérogatives du gouvernement. Enfin, la spécificité de la juridiction constitutionnelle s’analyse au prisme de l’histoire légicentriste de l’État unitaire qu’est la France.

a – La dualité juridictionnelle et la tardive inscription constitutionnelle du juge administratif

Si le Conseil d’État, juge administratif suprême est créé depuis 1799, connaît la justice dite déléguée depuis 1872 et a traversé les siècles, par-delà des crises et des mises en cause, son inscription constitutionnelle textuelle se fait tardive, et encore, par la nécessité des conditions de la question prioritaire de constitutionnalité, dont le principe est introduit en 2008.

Pour autant, son existence, mise à part la crise suscitée par l’affaire Canal de 1962, dont la décision du même nom fut déclarée « nulle et non avenue » par le général de Gaulle, promettant ses foudres réformatrices, est bel et bien pérenne sous la Ve République. C’est au prisme de la conception française de la séparation des pouvoirs que le Conseil constitutionnel donne une assise constitutionnelle d’abord jurisprudentielle à l’indépendance du Conseil d’État et à son existence.

Ainsi par sa décision du 22 juillet 198011, le Conseil constitutionnel, alors qu’il doit se prononcer sur la constitutionnalité de lois de validation, affirme le principe d’indépendance de la juridiction administrative. Il affirme en effet qu’il résulte des dispositions de l’article 64 de la constitution en ce qui concerne l’autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l’indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le gouvernement ; qu’ainsi, il n’appartient ni au législateur ni au gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d’adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence12.

La décision de 1987 relative au Conseil de la concurrence13 complète l’édifice en reconnaissant cette fois l’existence même de la juridiction administrative. Le juge constitutionnel affirme en effet alors que les dispositions des articles 10 et 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III qui ont posé dans sa généralité le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n’ont pas en elles-mêmes valeur constitutionnelle ; que, néanmoins, conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » celui selon lequel, à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle14.

Quant au texte constitutionnel lui-même, il mentionne bel et bien le Conseil d’État, mais uniquement dans sa formation consultative. L’article 37 dispose en effet que les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décrets pris après avis du Conseil d’État. L’article 38 dispose que les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d’État. L’article 39 enfin, dispose que « les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d’État et déposés sur le bureau de l’une des deux assemblées ».

Il faut ainsi attendre l’inscription de la question prioritaire de constitutionnalité, en 2008, dans le texte constitutionnel, pour que le Conseil d’État, entre, par cette porte, de plain-pied dans la constitution en tant que juge suprême de l’ordre administratif. Ainsi selon l’article 61-1 de la constitution, depuis 2008, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article.

L’édifice juridictionnel se voit donc composé, constitutionnellement, de deux ordres juridictionnels dits ordinaires − par contraste avec le juge constitutionnel. La question de l’indépendance de la justice reste sous-jacente des débats constitutionnels sur la longue période de la Ve République.

b – Les enjeux de l’indépendance de la justice face aux prérogatives gouvernementales

Pour comprendre ce débat, il faut rappeler en premier lieu que les magistrats du siège comme du parquet sont régis par le principe d’indépendance. Aujourd’hui, le ministère public n’est pas un agent du pouvoir exécutif, même s’il a pu l’être historiquement.

Le parquet doit mettre en œuvre la politique pénale du gouvernement, menée dans le cadre de l’article 20 de la constitution. C’est cette dualité, de mise en œuvre d’une politique gouvernementale, et de garant des libertés, en tant que magistrat qui a pu susciter des doutes. Ceux-ci ont d’ailleurs été relevés par la Cour européenne des droits de l’Homme dans son arrêt de 201015.

Cependant, ainsi que le juge constitutionnel a pu le rappeler, le procureur n’est pas une partie au procès comme une autre. Il est spécifique en tant que l’intérêt qu’il défend est le respect du droit et l’intérêt général. L’indépendance est renforcée par le fait que si les membres du parquet sont nommés par le gouvernement après avis du Conseil supérieur de la magistrature, ses avis sont suivis par les ministres de la Justice successifs, même s’ils n’y sont pas juridiquement tenus. Le projet de réforme constitutionnelle prévoit l’inscription de ce qui est devenu une coutume16. La question de l’indépendance a pu se poser aussi, dans des termes différents, concernant le Conseil constitutionnel.

c – La spécificité de la juridiction constitutionnelle

Le Conseil constitutionnel est une innovation de la Ve République. La conception première de cette institution est de veiller à la procédure législative. Progressivement, ainsi qu’on le verra plus bas, le Conseil constitutionnel devient un véritable garant de l’État de droit.

Sa spécificité tient beaucoup à sa composition, souvent critiquée d’ailleurs. Il est composé de personnalités nommées par les plus hautes autorités politiques. Trois membres, dont le président, sont nommés par le président de la République, trois sont nommés par le président de l’Assemblée nationale et trois le sont par le président du Sénat. Les membres sont nommés pour neuf ans et sont renouvelés par tiers tous les trois ans. Aucun critère n’est fixé a priori. Quant à leur profil et compétences.

Ils sont régis par les principes classiques d’indépendance et d’impartialité. Ils ne sont pas renouvelables. Ils sont désormais et depuis 2008 soumis à des auditions devant les assemblées avant leur nomination, ce qui donne à la fois plus de transparence et d’assise démocratique à leur nomination.

Celle-ci demeure contestée. La question de la nomination à vie des anciens présidents n’en est quasiment plus une, dans la mesure où désormais aucun ne siège. La révision constitutionnelle amorcée au printemps 2018 prévoit d’ailleurs d’officialiser ce changement17.

Les réformes de la juridiction constitutionnelle, couplées à la jurisprudence sophistiquée du Conseil constitutionnel ont conduit à la construction progressive d’un État de droit, fondé à la fois sur le respect de la hiérarchie des normes nationale mais aussi sur le respect de normes supranationale, dont l’intensité caractérise la Ve République.

B – La séparation verticale des pouvoirs ou la combinaison de la supranationalité et de la décentralisation

Autant la séparation horizontale des pouvoirs est une longue tradition française, autant l’idée même d’une séparation verticale des pouvoirs est peu familière du génie français. Pour autant, la Ve République a connu une série de révisions constitutionnelles, tant vers le haut (1), c’est-à-dire vis-à-vis de l’Union européenne, que vers le bas, c’est-à-dire au regard des collectivités territoriales (2).

1 – L’européanisation de la constitution

La souveraineté nationale appartient au peuple français qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Ainsi est formulé l’article 3 de la constitution. Le traité de Maastricht marque un saut qualitatif dans la construction européenne, dont la monnaie unique est un des symboles paroxystiques. Le Conseil constitutionnel censure ainsi sur trois points le traité et cela est une première historique. Qu’il s’agisse de l’évidence de la monnaie unique qui met fin au multiséculaire droit de battre monnaie, mais encore de la politique européenne des visas qui devait être régie par le principe du vote à la majorité qualifiée, ou enfin du droit de vote et d’éligibilité des citoyens de l’Union européenne aux élections municipales, ces trois éléments furent ainsi censurés.

En vertu de l’article 54 de la constitution, la seule solution pour surmonter cette décision d’inconstitutionnalité et pour pouvoir ratifier le traité de Maastricht, était de réviser la constitution. Tel est le choix souverain du pouvoir constituant. En créant un titre XV de la constitution entièrement dédié à l’appartenance française à l’Union européenne, le pouvoir constituant dérivé reconnaissait plus de 30 ans d’intégration européenne. Partant il donnait une définition des communautés et de l’Union.

L’article 88-1 de la constitution dispose en effet que la République participe à l’Union européenne constituée d’États qui ont choisi librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007.

Cet article sert de base juridique au Conseil constitutionnel pour contrôler la conformité des lois d’application du droit de l’Union européenne à celle-ci, opérant un bémol à sa jurisprudence IVG de 197518.

D’autres dispositions composent le titre XV sur des éléments qui pouvaient avoir été jugés contraires à la constitution. Le procédé utilisé par le pouvoir constituant, lors de chaque inconstitutionnalité d’un traité ou acte de l’Union européenne, été ce que l’on appelle la « révision-adjonction ». Ce procédé évite de devoir réviser ce qui, dans la constitution avait suscité la décision d’inconstitutionnalité. Un seul exemple suffit à se convaincre de la nécessité de ce procédé. Alors que plusieurs traités portent atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale, il eut été difficilement envisageable de réviser les dispositions constitutionnelles relatives à la souveraineté. Outre ce choix de bon sens et juridiquement plus sûr, quant à la levée de l’inconstitutionnalité, cette inscription constitutionnelle donne une base juridique au plus haut niveau de la hiérarchie des normes à l’appartenance française à l’Union européenne.

Ainsi l’article 88-2 permet de s’assurer de la constitutionnalité du mandat d’arrêt européen. Il dispose que la loi fixe les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l’Union européenne.

L’article 88-3 avait permis, en 1992 de surmonter la décision d’inconstitutionnalité des dispositions du traité de Maastricht sur le droit de vote et d’éligibilité des citoyens de l’Union aux élections municipales. Il dispose que sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article.

L’article 88-4 permet d’associer le parlement national à la prise de décision européenne, tandis que les articles 88-6 et 88-7 permettent, à la suite du traité de Lisbonne, au parlement de veiller à la fois au respect du principe de subsidiarité par les institutions européennes et de s’opposer à la modification de certaines règles de procédures dans le cadre du traité de Lisbonne.

Ainsi, selon l’article 88-4, le gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne, les projets d’actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d’actes de l’Union européenne. Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne. Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes. Selon les articles 88-6 et 88-7, l’Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité. L’avis est adressé par le président de l’assemblée concernée aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne. Le gouvernement en est informé. Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l’Union européenne par le gouvernement. À cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d’initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée. À la demande de 60 députés ou de 60 sénateurs, le recours est de droit. Par le vote d’une motion adoptée en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat, le Parlement peut s’opposer à une modification des règles d’adoption d’actes de l’Union européenne dans les cas prévus, au titre de la révision simplifiée des traités ou de la coopération judiciaire civile, par le traité sur l’Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007.

À cette supranationalisation du droit répond, dans une certaine mesure seulement, la territorialisation du droit.

2 – La territorialisation de la République

Si le texte constitutionnel de 1958 a permis le premier acte de la décentralisation en 1982, ainsi que la création des régions, les étapes suivantes de la décentralisation ont nécessité des révisons constitutionnelles conduisant finalement à un véritable pouvoir local de droit commun (a) et une série de cas dérogatoires (b).

a – Le pouvoir local de droit commun

L’article 72 de la constitution donne la base juridique première de la décentralisation au sein de l’État unitaire que demeure la France. Sa première partie existe depuis les débuts de la Ve République, tandis que sa seconde partie, marquant une étape supplémentaire dans la décentralisation, a été adoptée en 200319.

Le début de l’article donne les bases. Le seul ajout à ce début par la réforme de 2003 est l’inscription des régions, qui avaient été créées par la loi, d’abord en tant qu’établissement public en 1972 puis en tant que collectivité territoriale, ainsi que la constitution autorisait le législateur. Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa.

Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences.

Ce qui suit a été ajouté par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences.

Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune.

Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois.

D’autres articles ont aussi été ajoutés au même moment, ce sont les articles 72-1 et 72-2 mettant en place respectivement une possibilité de référendum local et le parallélisme de nouvelles compétences et de nouveaux financements. Selon ces articles, pour le 72-1, la loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l’exercice du droit de pétition, demander l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de cette collectivité d’une question relevant de sa compétence.

Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d’acte relevant de la compétence d’une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité.

Lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi.

Selon le 72-2, les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine. Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre.

Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales.

b – Les statuts locaux dérogatoires

La spécificité du territoire unitaire français est d’être à la fois composée d’un territoire métropolitain et de territoires situés outre-mer. L’article 74 prévoit un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d’elles au sein de la République. Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, qui fixe : les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ; – les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l’État ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l’article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ; – les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ; – les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d’ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l’approbation d’engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence.

La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l’autonomie, les conditions dans lesquelles : le Conseil d’État exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu’elle exerce dans le domaine de la loi ; l’assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ; – des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ; – la collectivité peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qu’il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques.

Selon l’article 74-1, dans les collectivités d’outre-mer visées à l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui demeurent de la compétence de l’État, étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l’organisation particulière de la collectivité concernée, sous réserve que la loi n’ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure.

Les articles 76 et 77 sont spécialement consacrés à la Nouvelle-Calédonie. Les populations de la Nouvelle-Calédonie sont appelées à se prononcer avant le 31 décembre 1998 sur les dispositions de l’accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 et publié le 27 mai 1998 au Journal officiel de la République française. Sont admises à participer au scrutin les personnes remplissant les conditions fixées à l’article 2 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988.

Les mesures nécessaires à l’organisation du scrutin sont prises par décret en Conseil d’État délibéré en conseil des ministres. Après approbation de l’accord lors de la consultation prévue à l’article 76, la loi organique, prise après avis de l’assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie, détermine, pour assurer l’évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par cet accord et selon les modalités nécessaires à sa mise en œuvre : – les compétences de l’État qui seront transférées, de façon définitive, aux institutions de la Nouvelle-Calédonie, l’échelonnement et les modalités de ces transferts, ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci ; – les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie et notamment les conditions dans lesquelles certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel ; – les règles relatives à la citoyenneté, au régime électoral, à l’emploi et au statut civil coutumier ; – les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l’accession à la pleine souveraineté.

Les autres mesures nécessaires à la mise en œuvre de l’accord mentionné à l’article 76 sont définies par la loi. Pour la définition du corps électoral appelé à élire les membres des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, le tableau auquel se réfèrent l’accord mentionné à l’article 76 et les articles 188 et 189 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est le tableau dressé à l’occasion du scrutin prévu audit article 76 et comprenant les personnes non admises à y participer.

Ces dispositions ont été le fruit de nombreuses négociations, dont la dernière étape en date est le référendum de 2018, qui a conclu au maintien de la Nouvelle Calédonie dans la République20.

La Ve République instaure donc un équilibre des pouvoirs, au niveau horizontal, qui vise à un régime parlementaire, dont la rationalisation s’atténue au fil du temps. Le niveau vertical de la séparation des pouvoirs connaît à n’en pas douter, des réformes de plus grande intensité, en ce que l’État souverain, par des révisions successives, transfère des pouvoir et compétences, à la fois au niveau infranational et au niveau supranational. Ce dernier est aussi un lieu de protection des droits et d’État de droit, qui se renforcent au gré des pratiques et réformes de la constitution de 1958.

II – La protection des droits ou les perfectionnements successifs de l’État de droit

La mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité peut s’analyser comme un élément de complétude de l’État de droit. La France connaissait en effet un isolement, non splendide, aussi longtemps qu’elle n’organisait pas de contrôle de constitutionnalité de la loi a posteriori. Ce principe même du contrôle de constitutionnalité (A) a permis au juge constitutionnel de renforcer la soumission de la loi aux normes qui lui sont supérieures, par une intensité croissante de son contrôle (B).

A – Le principe du contrôle de constitutionnalité, gage de l’effectivité des droits

Plusieurs âges du contrôle de constitutionnalité jalonnent la Ve République. Le premier est celui des tout débuts. C’est-à-dire un juge constitutionnel dont la mission est de veiller au respect de la rationalisation du parlementarisme. Il se déroule de 1958 à 1971. La date de 1971 marque un deuxième âge à la faveur de la décision relative à la liberté d’association. En décidant d’inaugurer ce qui s’appellera plus tard le bloc de constitutionnalité par la reconnaissance de « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » (PFRLR), le juge constitutionnel commence à endosser les habits du garant des droits. La réforme constitutionnelle décidée trois ans plus tard, si injustement d’abord qualifiée de réformette, fait du Conseil constitutionnel un des garants des droits de l’opposition. 60 députés ou 60 sénateurs s’ajoutent alors aux autorités jusqu’alors compétentes – président du Sénat, président de l’Assemblée nationale, Premier ministre, président de la République – pour saisir le Conseil constitutionnel d’une loi avant sa promulgation. Ce deuxième âge est celui de la construction progressive d’un contrôle de constitutionnalité, absent de la tradition française. Durant cette période, les méthodes se peaufinent peu à peu, comme il sera développé dans le point suivant sur l’intensité du contrôle. Ce deuxième âge est relativement long et marqué par l’absence de contrôle de constitutionnalité a posteriori de la loi. Or cette situation devenait de plus en plus anachronique, voire dans certains cas, peu conforme à l’effectivité de la hiérarchie des normes. Quant à l’anachronisme, force est d’observer que la période allant des années 1970 au début du XXIe siècle se caractérise par un développement des cours constitutionnelles dans plusieurs États européens, avec la capacité de ce contrôle concret et a posteriori. Cette période est aussi celle de la construction des jurisprudences européennes, que ce soit celle de la Cour de justice de l’Union européenne ou celle de la Cour européenne des droits de l’Homme. Or ces deux dernières ont largement œuvré dans le sens du respect de la primauté du droit européen, elle-même progressivement appliquée par le juge ordinaire national. Or, sachant que la jurisprudence quasi-séculaire aujourd’hui, dite de la loi écran entre l’acte administratif et la loi était toujours effective au moment où le juge administratif inaugure la jurisprudence Nicolo, par laquelle il accepte de contrôler pleinement la conventionalité de la loi, alors un hiatus se dessinait dans le contrôle de la hiérarchie normative. Il résultait en effet de l’absence de contrôle de constitutionnalité a posteriori et de l’existence d’un contrôle de conventionalité a posteriori, un contrôle plus effectif de la conventionalité que de celui de la constitutionnalité de la loi.

Le troisième âge du contrôle de constitutionnalité, qui débute en 2010, met fin à ce hiatus. En mettant en place les conditions de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le pouvoir constituant ouvre un âge de complétude de l’État de droit, en tant que la loi, appliquée, en cas de question de constitutionnalité, peut désormais faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité, sous les conditions prévues par les textes. Ces évolutions, en trois âges, sont allées de pair avec la promotion des droits fondamentaux grâce à l’intensité du contrôle de constitutionnalité.

B – L’intensité du contrôle de constitutionnalité, facteur de promotion des droits

Une gradation dans l’intensité du contrôle de constitutionnalité s’observe à l’instar de l’évolution du principe même de ce contrôle. Le Conseil constitutionnel a rapidement quitté le simple contrôle de régularité, davantage orienté vers les procédures que sur le fond. À partir des outils dont le Conseil constitutionnel disposait dès l’origine, puis au gré des révisions étudiées plus haut, un bloc de constitutionnalité s’est construit pas à pas, s’enrichissant peu à peu de droit européen.

Dans un premier temps, une réflexion doit être menée sur ce qui a pu être appelé un régime concurrentiel d’énonciation de la volonté générale qu’incarnerait le juge constitutionnel21. En quittant la stricte alternative entre l’annulation et la validation de la loi contrôlée, le Conseil constitutionnel vise à un contrôle constructif de la loi. Il a en effet innové par l’usage de directives ou réserves d’interprétation.

Sur le contenu du bloc de constitutionnalité, le juge a intégré progressivement les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, les principes contenus dans le préambule de 1946, et les principes essentiels contenus dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. À partir de ces textes, il n’a pas hésité, de manière circonstanciée et mesurée, à dégager des principes qui n’étaient cependant pas formellement inscrits. Il en est ainsi par exemple du principe de dignité humaine, qu’il érige de manière hautement symbolique en 1994, à l’occasion de l’examen de constitutionnalité de la loi relative à la bioéthique. Il juge ainsi que : « Considérant que le préambule de la constitution de 1946 a réaffirmé et proclamé des droits, libertés et principes constitutionnels en soulignant d’emblée que : “Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés” ; qu’il en ressort que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle »22 ;

L’européanisation des systèmes normatifs des États membres de l’Union a aussi conduit les juges constitutionnels à intégrer la donne européenne à l’État de droit. Le Conseil constitutionnel s’était lui-même placé dans une situation particulière au regard du droit international par une interprétation de l’article 55 qui ne semblait pas d’emblée évidente. En effet, selon cet article, « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». Sa décision, connue, relative à l’interruption volontaire de grossesse, avait en effet dessiné une distinction nette entre la constitution, dont il doit assurer le respect et les traités, dont il refuse alors d’assurer le respect par la loi. L’argument majeur donné est notamment celui de la stabilité de la première contrairement à la relativité des seconds. Une autre interprétation, à la lecture littérale de l’article 55 de la constitution n’était sans doute pas inenvisageable, et, en tout état de cause pas contra legem. Dès lors en effet que l’article 55 pose le principe de la supériorité des traités régulièrement ratifiés et entrés en vigueur sur les lois nationales, juger que la constitution exige que la loi soit conforme aux traités et que par suite, le juge en charge du contrôle de constitutionnalité des lois doit censurer la loi contraire aux traités ne semble pas incohérent. Ce ne fut cependant pas le choix du Conseil constitutionnel en 1975. Il décide en effet de charger les juges ordinaires de ce contrôle.

Cependant l’inscription du titre XV de la constitution en 1992, enrichi plusieurs fois depuis lors a conduit nécessairement et quasi-mécaniquement le juge constitutionnel à dessiner une brèche dans sa jurisprudence IVG23.

Il prend acte de la décision souveraine du pouvoir constituant, qui, pour surmonter la décision d’inconstitutionnalité du traité de Maastricht en 1992, révise la Constitution et inscrit l’appartenance française à l’Union européenne. Il juge ainsi que transposer une directive est une exigence constitutionnelle. Dans sa décision du 10 juin 200424, le Conseil constitutionnel affirme « qu’aux termes de l’article 88-1 de la Constitution : “La République participe aux communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences” ; qu’ainsi, la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu’en raison d’une disposition expresse contraire de la Constitution ; qu’en l’absence d’une telle disposition, il n’appartient qu’au juge communautaire, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les traités que des droits fondamentaux garantis par l’article 6 du Traité sur l’Union européenne ».

Deux ans plus tard il garde la même logique en abandonnant la notion de « disposition constitutionnelle expresse contraire » au profit de celle d’« identité constitutionnelle ». Il affirme en effet, dans sa décision du 27 juillet 200625 « qu’aux termes du premier alinéa de l’article 88-1 de la constitution : “La République participe aux communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences” ; qu’ainsi, la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle, il précise qu’il appartient par suite au Conseil constitutionnel, saisi dans les conditions prévues par l’article 61 de la constitution d’une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une directive communautaire, de veiller au respect de cette exigence ; que, toutefois, le contrôle qu’il exerce à cet effet est soumis à une double limite ; en premier lieu, que la transposition d’une directive ne saurait aller à l’encontre d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti ; en second lieu, que, devant statuer avant la promulgation de la loi dans le délai prévu par l’article 61 de la constitution, le Conseil constitutionnel ne peut saisir la Cour de justice des Communautés européennes de la question préjudicielle prévue par l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne ; qu’il ne saurait en conséquence déclarer non conforme à l’article 88-1 de la constitution qu’une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu’elle a pour objet de transposer ; qu’en tout état de cause, il revient aux autorités juridictionnelles nationales, le cas échéant, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes à titre préjudiciel »26.

Ce faisant, il dessine ce qui reste un noyau dur de constitutionnalité qui pourrait faire obstacle au plein respect de la primauté du droit de l’Union européenne. Il s’agit de la notion d’identité constitutionnelle ; dont les éléments de contenu n’ont pas encore été précisés. En somme, sur ce terrain du contrôle de constitutionnalité enrichi de la donne européenne, le chemin parcouru depuis 1958 est particulièrement remarquable. En effet, alors que l’on peut estimer que l’article 54 de la constitution, rédigée quelques années seulement après l’échec de la Communauté européenne devant la représentation nationale française, par le vote de la question préalable, signifiant qu’il n’y a plus lieu de débattre, visait justement à empêcher une intégration européenne par trop supranationale, il aura finalement indirectement conduit à la constitutionnalisation du premier traité portant justement atteinte à la souveraineté !

Il faut encore souligner que depuis sa décision de 2006, citée plus haut, dans laquelle il énonce, sans la définir, la notion d’identité constitutionnelle, il renvoie aux juges ordinaires le soin d’opérer un renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne. Depuis lors, et dans le contexte de question prioritaire de constitutionnalité, qui renouvelle, à n’en pas douter la manière de travailler du Conseil constitutionnel, ce dernier a effectué son premier renvoi préjudiciel à la Cour de Luxembourg, par sa décision QPC du 4 avril 201327. Il estime alors que pour juger de la conformité du quatrième alinéa de l’article 695-46 du Code de procédure pénale aux droits et libertés que garantit la constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de déterminer si la disposition de ce texte qui prévoit que la chambre de l’instruction « statue sans recours dans le délai de trente jours (…) à compter de la réception de la demande » découle nécessairement de l’obligation faite à l’autorité judiciaire de l’État membre par le paragraphe 4 de l’article 27 et le c) du paragraphe 3 de l’article 28 de la décision-cadre de prendre sa décision au plus tard 30 jours après la réception de la demande ; qu’au regard des termes précités de la décision-cadre, une appréciation sur la possibilité de prévoir un recours contre la décision de la juridiction initialement saisie au-delà du délai de 30 jours et suspendant l’exécution de cette décision exige qu’il soit préalablement statué sur l’interprétation de l’acte en cause ; que, conformément à l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union européenne est seule compétente pour se prononcer à titre préjudiciel sur une telle question ; que, par suite, il y a lieu de la lui renvoyer et de surseoir à statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. F.

Cette évolution devrait encore être renforcée par l’entrée en vigueur du protocole 16 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales qui permet au juge national de questionner pour avis la Cour européenne des droits de l’Homme. C’est ainsi un dialogue des juges à plusieurs niveaux pour un plus grand respect des droits fondamentaux qui se met en place.

Après 60 ans d’existence, la constitution instituant la Ve République, révisée plus de 20 fois, a traversé des situations impensées lors de sa rédaction, comme la cohabitation, ou encore la supranationalité européenne effective. Elle offre aujourd’hui l’image d’une stabilité, de ce que le doyen Vedel appelait une commode plasticité du droit. Sa longévité témoigne de sa valeur intrinsèque. Ce constat ne saurait passer sous silence une série de défis qui se présentent au régime sexagénaire. On en citera quelques-uns, sans prétendre à l’exhaustivité. En premier lieu, la désuétude apparente de la dissolution crée, de fait – et non en droit- un déséquilibre du régime parlementaire en la faveur du pouvoir de contrôle du Parlement – ou plutôt de l’Assemblée nationale − sur le gouvernement. En deuxième lieu, les rapports entre le Premier ministre et le président de la République sont aussi concernés par le passage au quinquennat présidentiel. Le principe d’un président de la République au-dessus des partis, conforme à l’esprit même de 58 apparaît moins évident en situation de concomitance des durées des mandats présidentiel et parlementaire. En troisième lieu, la question de la souveraineté mérite d’être repensée. Alors que le président de la République, lors de son discours à la Sorbonne à l’automne 2017 donnait trois termes clés pour qualifier l’Union européenne « Souveraineté, démocratie, unité », ces trois concepts au cœur du droit constitutionnel appellent des définitions renouvelées.

S’agissant de la souveraineté, elle connut, on l’a analysé plus haut, plusieurs évolutions notamment liées à la construction européenne. Cependant, outre la dimension de transfert de pouvoirs de souveraineté, comme celui, symbolique de la monnaie, vers l’Union européenne, il faut rappeler que l’article 3 de la constitution demeure dans sa formulation initiale suivante : « la souveraineté nationale appartient au peuple français qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Or à l’heure des bilans, force est de constater que les référendums sont peu nombreux sous la Ve République, et ce, malgré la révision de l’article 11 dans le sens d’un accroissement du champ d’action possible du référendum. En effet, depuis la révision constitutionnelle de 199528, l’article 11 dispose que « Le président de la République, sur proposition du gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».

Lorsque le référendum est organisé sur proposition du gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d’un débat. Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l’alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.

Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le président de la République la soumet au référendum. Lorsque la proposition de loi n’est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date du scrutin.

Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet ou de la proposition de loi, le président de la République promulgue la loi dans les 15 jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation. 

C’est le même constat de faible nombre que l’on peut faire au regard de la notion de référendum local. Selon l’article 72-1 créé par la révision constitutionnelle de 200329 : « La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l’exercice du droit de pétition, demander l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de cette collectivité d’une question relevant de sa compétence.

Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d’acte relevant de la compétence d’une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité.

Lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi ».

Pour autant, le référendum législatif n’a pas été utilisé depuis cette extension de son champ des possibles. La question du peuple, de son unité et de sa représentation est sans doute une question peu abordée sous la Ve République. On relèvera en forme de conclusion les éléments de révision qui révèlent des évolutions majeures de la société depuis 1958. Deux éléments, de nature différente, méritent d’être soulignés.

Le premier est le dernier élargissement en date du bloc de constitutionnalité, qu’il faut considérer comme relevant de la protection des droits. Il s’agit de la charte de l’environnement. La période d’adoption de la Ve République ne connaît évidemment pas les débats relatifs à la protection de l’environnement. Ce sont les années 1970 qui voient les premières réflexions sur le sujet. Adoptée en 2004, la charte de l’environnement affirme, notamment en son article premier que : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Son article 5 consacre le principe de précaution, en indiquant que : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

Le Conseil constitutionnel a rapidement intégré le principe même de la charte de l’environnement au sein du bloc de constitutionnalité. Dans sa décision relative au traité établissant une constitution pour l’Europe, en novembre 2004, il juge que ce traité n’est pas contraire à la charte. Lors d’autres décisions, il a pu entrer dans davantage de détails, à la suite des argumentations des requérants. Ainsi, par exemple, en 2012, observant que selon les associations requérantes, en n’imposant aucune participation du public préalablement à l’édiction des mesures autorisant la destruction des espèces protégées, les dispositions contestées méconnaissent les exigences découlant de l’article 7 de la charte de l’environnement. Il rappelle qu’aux termes du premier alinéa de l’article 61-1 de la constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la constitution garantit ; il juge que l’article 7 de la Charte de l’environnement dispose : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » ; que ces dispositions figurent au nombre des droits et libertés que la constitution garantit ; qu’il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions30.

Le deuxième élément à souligner est lié au principe d’égalité. Celui-ci a été conçu sur la longue période de la Ve République, comme ne pouvant admettre de forme de discrimination positive. Or peu à peu, la société française a évolué de telle sorte que la notion de parité entre les hommes et les femmes est devenue essentielle dans le débat. La fin des années 1990 et le débat des années 2000 connaissent ainsi deux révisions constitutionnelles, qui, à 10 ans d’intervalle, donnent les bases constitutionnelles nécessaires à l’adoption de loi favorisant une plus grande parité en politique et dans la vie économique et sociale.

En 60 ans, la société a ainsi voulu dépasser l’interdit posé par l’interprétation du principe d’égalité par le Conseil constitutionnel dans sa décision dite « quota par sexe » du 18 novembre 198231. La relecture du raisonnement du Conseil constitutionnel en 1982 illustre le chemin intellectuel et sociétal parcouru. Considérant qu’en vertu de l’article 4 de la loi soumise à l’examen du Conseil, les conseillers municipaux des villes de 3500 habitants et plus sont élus au scrutin de liste ; que les électeurs ne peuvent modifier ni le contenu ni l’ordre de présentation des listes et qu’en vertu de l’article L. 260 bis : « Les listes de candidats ne peuvent comporter plus de 75 % de personnes du même sexe ; Considérant qu’aux termes de l’article 3 de la constitution : “La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice”.

“Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la constitution. Il est toujours universel, égal et secret”. Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques, et qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen : “Tous les citoyens étant égaux” aux yeux de la loi “sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents” ; Considérant que du rapprochement de ces textes il résulte que la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu ; que ces principes de valeur constitutionnelle s’opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles ; qu’il en est ainsi pour tout suffrage politique, notamment pour l’élection des conseillers municipaux ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la règle qui, pour l’établissement des listes soumises aux électeurs, comporte une distinction entre candidats en raison de leur sexe, est contraire aux principes constitutionnels »32.

En 199833, puis en 200834 pour la fin de l’article, l’article 3 de la constitution, au terme de débats difficiles, dispose désormais que : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

Ces deux derniers exemples montrent la capacité de la constitution à intégrer des principes que l’on pourrait aisément qualifier, en paraphrasant le préambule de 1946, de principes particulièrement nécessaires à notre temps. Sans être exhaustif, ce regard comparé entre 1958 et 2018 montre que les révisions sont nombreuses aussi bien par leur nombre que par leur intensité. Deux conclusions au moins sont possibles. Il est possible de considérer, sur un mode plutôt négatif, qu’à force de révision, c’est la dénaturation du texte qui apparaît. Cependant, il n’est pas certain qu’un texte dénaturé pourrait continuer à régir un État et un peuple. Sur un mode plus favorable, il est possible de conclure à un texte capable d’absorber non seulement des évènements politiques inattendus, mais aussi de contenir des principes et des exceptions aux principes. C’est sans doute une des qualités majeures de cette constitution.

Notes de bas de pages

  • 1.
    http://www.gaullisme.fr/2014/08/08/conference-de-presse-du-31-janvier-1964/.
  • 2.
    Après les évènements de mai 1968, le général de Gaulle cherche à remobiliser son électorat et engage alors un référendum portant sur la réforme du Sénat et la régionalisation, l’enjeu dépassant largement ces questions. Il en convient d’ailleurs lui-même en affirmant, quelques heures avant le vote que « Votre réponse va engager le destin de la France parce que, si je suis désavoué par une majorité d’entre vous, solennellement, sur ce sujet capital, et quel que puisse être le nombre, l’ardeur de l’armée de ceux qui me soutiennent et qui, de toute façon, détiennent l’avenir de la patrie, ma tâche actuelle de chef de l’État deviendra évidemment impossible et je cesserai aussitôt d’exercer mes fonctions », v. : https://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu00118/le-referendum-de-1969-l-allocution-du-general-de-gaulle.html.
  • 3.
    L. const. n° 74-904, 29 oct. 1974.
  • 4.
    Déc.n° 76-71 DC du Cons., 20 sept. 1976, relative à l’élection de l’Assemblée au suffrage universel direct.
  • 5.
    Cons. const., 30 déc. 1976, n° 76-71 DC : « si le préambule de la constitution de 1946, confirmé par celui de la constitution de 1958, dispose que, sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix, aucune disposition de nature constitutionnelle n’autorise des transferts de tout ou partie de la souveraineté nationale à quelque organisation internationale que ce soit ».
  • 6.
    Mitterrand F., Le Coup d’État permanent, 1964, Paris, Les belles lettres.
  • 7.
    Cons. const., 9 avr. 1992, n° 92-308 DC.
  • 8.
    Les élections législatives françaises de 1997 ont lieu le 25 mai et le 1er juin 1997, soit un an avant le terme de la précédente mandature (XIe législature) en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le président de la République Jacques Chirac.
  • 9.
    Cass. ass. plén., 10 oct. 2001, n° 01-84922 : Bull. ass. plén., n° 11 ; Bull. crim., n° 206.
  • 10.
    L. const. n° 2008-724, 23 juill. 2008.
  • 11.
    Cons. const., 22 juill 1980, n° 80-119 DC : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1980/80119DC.htm.
  • 12.
    Considérant n° 6 de la déc. citée en note précédente.
  • 13.
    Cons. const., 23 janv. 1987, n° 86-224 : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1987/86224DC.htm.
  • 14.
    Considérant n° 15 de la déc. citée en note précédente.
  • 15.
    CEDH, 23 nov. 2000, n° 37104/06, Moulin.
  • 16.
    Pour une contribution récente, v.  Mathieu B., « Les garanties pour l’indépendance du parquet sont-elles suffisantes ? » in L’ENA hors les murs, Constitutions, p. 34.
  • 17.
    Article 10 du projet de loi constitutionnelle examiné en première lecture par l’Assemblée nationale le 10 juillet 2018. Article 56 de la constitution : « Est supprimée la disposition aux termes de laquelle les anciens présidents de la République sont membres de droit du Conseil constitutionnel. Ceux qui y ont siégé dans l’année précédant la délibération de ce projet de révision en conseil des ministres demeureront membres du Conseil constitutionnel ».
  • 18.
    Cons. const., 15 janv. 1975, n° 74-54 DC.
  • 19.
    Adopté le 11 décembre 2002 par le Parlement, le projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République est soumis le 17 mars 2003 au Parlement réuni en congrès, qui le ratifie par 584 voix contre 278. Une organisation décentralisée de la République, affirmée dès l’article premier, le recours à des démarches expérimentales et la création possible de collectivités territoriales à statut particulier, l’utilisation de formes de démocratie locale directe, la garantie d’une autonomie financière des collectivités locales assortie de mécanismes de péréquation, tels sont, avec des dispositions spécifiques pour l’outre-mer, les axes principaux du texte voté par le Parlement : http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/decentralisation/reforme-constitutionnelle/.
  • 20.
    Référendum du 4 octobre 1998.
  • 21.
    Rousseau D., La démocratie continue, 1995, LGDJ.
  • 22.
    https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1994/94343_344DC.htm.
  • 23.
    Cons. const., 15 janv. 1975, n° 74-54 DC.
  • 24.
    Cons. const., 10 juin 2004, n° 2004-496 DC.
  • 25.
    Cons. const., 27 juill. 2006, n° 2006-540 DC.
  • 26.
    Cons. const., 27 juill. 2006, n° 2006-540 DC.
  • 27.
    Cons. const., 4 avr. 2013, n° 2013-314P QPC.
  • 28.
    L. const. n° 95-880, 4 août 1995, portant extension du champ d’application du référendum, instituant une session parlementaire ordinaire unique, modifiant le régime de l’inviolabilité parlementaire et abrogeant les dispositions relatives à la communauté et les dispositions transitoires.
  • 29.
    http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/decentralisation/reforme-constitutionnelle/.
  • 30.
    Cons. const., 27 juill. 2012, n° 2012-269 QPC.
  • 31.
    Cons. const., 18 nov. 1982, n° 82-146 DC : Rec. Cons. const., p. 66.
  • 32.
    Cons. const., 18 nov. 1982, n° 82-146 DC : Rec. Cons. const., p. 66.
  • 33.
    L. const. n° 99-569, 8 juill. 1999.
  • 34.
    L. const. n° 2008-724, 23 juill. 2008, de modernisation des institutions de la Ve République.
X