Art brut du Japon, un autre regard

Publié le 19/02/2019

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La notion « d’Art brut » rassemble des réalisations artistiques très diverses et souvent énigmatiques. Elle fut cantonnée, à ses débuts, aux travaux de personnes atteintes d’un handicap ou de troubles psychiques. Au Japon, ces créations furent reconnues très tardivement, et cette exposition nous les révèle.

Ce fut Jean Dubuffet qui définit l’Art brut, en promouvant une large compréhension des créations de ce domaine. Il incluait en effet des « œuvres ayant pour auteur des personnes étrangères aux milieux intellectuels, le plus souvent indemnes de toute éducation artistique et chez qui l’invention s’exerce, de ce fait, sans qu’aucune incidence ne vienne altérer leur spontanéité ».

Il est possible d’accepter – ou non – ces créations relevant de la simple spontanéité, de personnes n’ayant acquis aucun enseignement artistique… Cependant, cet art existe dans tous les pays, et nous devons le regarder comme l’expression d’expériences de vie, même s’il dérange. Nous pouvons alors nous poser la question suivante : l’art doit-il être le résultat d’un défoulement, ou doit-il répondre à une réflexion et à une maîtrise pour amener des formes et des couleurs qui permettent de transcender le quotidien ou le mal-être ?

Edward M. Gómez a conçu cette exposition à Lausanne, dans l’optique définie par Jean Dubuffet. Il a réuni des réalisations issues d’ateliers d’expression, souvent rattachés à des institutions ; d’autres proviennent de galeries ou de créateurs travaillant chez eux, de façon autonome. Il en résulte un ensemble étonnant, curieux, voire décoiffant ! Le seul point commun partagé par les 24 artistes présentés est certainement la singularité de leur vision, parfois étrange ou lumineuse. Des figurines en terre de Kömei Bekki aux œuvres textiles de Momoka Imura et Nana Yamazaki, jusqu’aux dessins atmosphériques de Hiroyuki Doi, en passant par les amoncellements de colle colorée de Ryûji Nomoto… un grand nombre de ces réalisations reste inclassable ; pour d’autres, nous pouvons y reconnaître des emprunts à la culture traditionnelle japonaise, comme les masques de « Strange Knight » ou les créatures fantomatiques d’Isao Monma.

Ces dessins, peintures, photographies, sculptures et créations textiles nous proviennent de plusieurs régions japonaises, et leurs auteurs sont très hétéroclites. Jeunes ou âgés, ils vivent dans les grandes villes ou les zones rurales. La majorité d’entre eux est en marge de la société et de la culture nippone dominante.

Cette exposition nous permet de découvrir un foisonnement d’œuvres « autodidactes », créées dans un Japon aux fortes traditions. Il élargit, sans contexte, notre vision pour cet art à travers des œuvres drôles, inventives, inattendues… dissidentes.

 

LPA 19 Fév. 2019, n° 142e7, p.16

Référence : LPA 19 Fév. 2019, n° 142e7, p.16

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