Comment le numérique transforme le droit et la justice vers de nouveaux usages et un bouleversement de la prise de décision
La Mission de recherche Droit & Justice vient de publier un rapport pluridisciplinaire, intitulé : « Comment le numérique transforme le droit et la justice vers de nouveaux usages et un bouleversement de la prise de décision ».
Il a été élaboré sous la direction de Lêmy Godefroy, maître de conférences HDR en droit, GREDEG, université de Nice Sophia Antipolis ; Frédéric Lebaron, professeur en sociologie, IDHES, ENS Paris-Saclay et Jacques Lévy-Vehel, directeur de recherches, INRIA, président de Case Law Analytics.
Cette recherche comprend quatre volets.
Le premier présente le fonctionnement d’outils numériques existants d’analyse mathématique du droit. L’intelligence artificielle permet de modéliser certains aspects de l’activité juridique. En appliquant une méthodologie rigoureuse, on peut en particulier présenter l’éventail des décisions qui seraient prises par une juridiction donnée sur un dossier caractérisé par quelques dizaines de critères. Cette quantification fine de l’aléa judiciaire, qui va bien au-delà de simples statistiques, permet de comprendre et d’analyser les pratiques et, le cas échéant, de les faire évoluer.
Le deuxième volet est consacré à l’encadrement juridique de ces Modes algorithmiques d’analyse des décisions (MAAD). Leur domaine de compétence identifié – les contentieux juridiquement analogues – leur cadre juridique s’articule principalement autour de quatre points : les réutilisations des données judiciaires ; l’éthique avec un principe de transparence qui s’applique aux méthodes et aux résultats ; les responsabilités que le fait générateur soit constitué par une faute présumée ou qu’il provienne de l’autonomie de l’algorithme ; l’intégration des MAAD à des procédures dématérialisées de règlement judiciaire et extra-judiciaire des litiges.
Dans le troisième volet, une enquête a été menée auprès des présidents des tribunaux de grande instance et des cours d’appel de métropole et d’Outre-mer ainsi que de la Cour de cassation dans l’objectif de connaître leur perception de ces outils, leurs attentes et leurs suggestions quant à leur emploi. Elle a permis de recueillir les avis de magistrats intéressés par ces outils. Les magistrats soulignent la nécessité de réguler leur conception et d’accompagner leurs usages.
Le quatrième volet, sociologique, montre que les dynamiques internes au champ juridique, qui se traduisent par l’« appropriation des nouveaux outils par les acteurs du droit », seront déterminantes dans le processus de changement qui devrait se traduire par une montée en puissance des algorithmes au sein de l’institution qu’est la Justice. Si d’importantes forces de changement sont déjà à l’œuvre, elles reposent sur la mobilisation d’acteurs aux caractéristiques spécifiques plutôt « subalternes » dans le champ juridique voire, s’agissant des dirigeants de start-up, clairement périphériques. Ces derniers apparaissent atypiques par leur trajectoire, qu’elle soit professionnelle ou profane, et leur attitude réformatrice plus ou moins « radicale » relativement au monde du droit et de la justice.