Génération en révolution
Musée Cognacq-Jay
Les peintres de la période néo-classique avaient un goût pour une nature épurée et sensuelle, et ce goût a coexisté avec un attrait pour les représentations du genre héroïque. Les figures qu’ils dessinèrent et peignèrent sont puissantes et musculeuses ; elles trouvent leur origine dans l’Hercule Farnèse, par exemple, ou le Laocoon. Quand Charles Meynier (1768-1832) réalisa son Milon de Crotone, il emprunta au Laocoon sa caractéristique pathétique.
Les représentations valorisant le nu nous projettent à la fois un absolu esthétique et moral.
La figure, ainsi représentée, est l’expression d’une exaltation héroïque de la vertu ; vertu et héroïsme, les deux caractéristiques qui forgèrent la société romaine…
L’exposition qui se tient actuellement au musée Cognacq-Jay se développe suivant quatre thèmes.
Dans la salle 1, Dessiner pour apprendre : La formation académique était codifiée pour apprendre à dessiner de manière rigoureuse, lors de séances avec des modèles. À la fin du XVIIIe siècle, l’institution académique royale stimulait la création dans des écoles gratuites régionales, comme celle de Montpellier. Elles furent conservées à la Révolution. Pour les théoriciens et les amateurs de l’époque, le dessin le plus noble était celui consacré à la figure humaine. C’est la raison pour laquelle le nu masculin fut appelé « dessin académique ».
Dans la salle 2, Éloge de l’individu : Les sujets historiques occupaient le haut de la hiérarchie des thèmes en peinture, mais les représentations de la vie quotidienne et des plaisirs attirèrent une nombreuse clientèle à l’aube de la Révolution. Des peintres, tel Fragonard, s’y étaient spécialisés, puisant leur inspiration dans le XVIIe siècle hollandais. Cependant, ce ne fut pas par goût personnel que Fragonard se détourna de la peinture d’histoire pour s’orienter vers le portrait et les scènes de genre, mais pour des raisons économiques. Les collectionneurs bourgeois prisaient davantage les scènes de Fragonard, pour lesquelles il excellait. Son dessin, La Gifle, intitulé aussi La Défense inutile, est le témoin de l’inégalité des sexes et des rapports qui en découlaient alors.
Dans la salle 3, Les Vertus de l’histoire : À la Révolution, le genre historique est prédominant voire exacerbé, et il se double d’un rôle moralisateur. La République naissante puisa dans la Rome antique les exemples de vertu et d’héroïsme. D’autres imaginaires parallèlement fascinèrent les peintres : le passé national et le Proche-Orient, qui fut révélé par les recherches scientifiques et les campagnes militaires. Le dessin d’Anne-Louis Girodet, Énée et ses compagnons abordant dans le Latium est un bel exemple. Élève de Jacques-Louis David, Girodet reçut de lui une commande pour illustrer six épisodes de L’Énéide. Il représenta sur un dessin le chef troyen Énée, arrivant sur le site de la future cité de Rome. On le voit invoquant Jupiter, qui apparut sur la forme d’un aigle, symbolisant le présage de la glorieuse destinée de la ville.
Dans la Salle 4, Voyages et Nature : Le voyage en Italie joua un rôle important dans l’évolution du paysage de la fin du XVIIIe siècle. Les peintres français furent attirés par les chefs-d’œuvre de l’Antiquité et de la Renaissance, et ils étudièrent les variations atmosphériques de la campagne romaine. D’autres s’intéressèrent aux vestiges gallo-romains, en France, et la nature en bordure des villes. Un dessin d’Antoine-Laurent Castellan, Étude de nuage, révèle son goût pour la nature « qui seule me soutient et m’inspire », écrira-t-il. Il s’inscrivait ainsi dans la tradition néo-classique d’une nature idéalisée, et il conçut une œuvre graphique et littéraire qui lui donna une certaine renommée, pour que Lord Byron recommandât de ne partir en Turquie « qu’avec son Castellan en Poche »…