L’aventure du Cavalier Bleu : Franz Marc et August Macke

Publié le 28/05/2019

Chien couché dans la neige, Franz Marc (1911).

Städel Museum – ARTOTHEK

Si l’Allemagne s’est vraiment intéressée à l’art moderne à partir de 1900, elle s’est imposée avec l’expressionnisme, en particulier avec le groupe du Blaue Reiter (« Le cavalier Bleu »), fondé à Munich en 1911 par Kandinsky, Franz Marc et August Macke, qui fut dissout en 1914. Ils voulaient prôner l’avant-garde. Cette période expressionniste intense revit sur les cimaises du musée de l’Orangerie, avec les œuvres de Franz Marc, né à Munich en 1880, et d’August Macke qui naît en 1887 en Westphalie. Ils se rencontrent en 1910 et se lient d’une forte amitié. Tous les deux ont un destin tragique puisqu’ils sont tués à la guerre de 1914. Marc a étudié la philosophie et la théologie, Macke s’est formé à l’école des Beaux-Arts et l’école d’Arts appliqués à Düsseldorf.

Durant son premier voyage à Paris en 1903, Franz Marc s’intéresse à l’impressionnisme. Il revient dans la capitale en 1907 et découvre Gauguin et van Gogh. Il s’intéresse au fauvisme, dont il retient les audaces chromatiques. August Macke, quant à lui, découvre Cézanne. Dès l’entrée de l’exposition, l’intensité des couleurs fortes et lumineuses saisit le visiteur. Les artistes ont en commun l’amour de la nature, mais leurs thèmes diffèrent. Franz Marc peint les animaux souvent avec tendresse ; il apparaît lyrique et tourmenté parfois dans ses représentations de chevaux, de chiens ou de loups, qu’il peint avec dynamisme en aplats de couleurs pures, vives, nuancées dans un monde souvent paradisiaque.

En une figuration parfois allusive, August Macke réalise jeunes femmes, parcs, et portraits vivants, tel celui de Franz Marc. De ses compositions réalisées en un chaleureux chromatisme, émane souvent un bonheur tranquille. Avant le Blaue Reiter, Franz Marc peint des fleurs en liberté aux tons pastel. Sa rencontre avec Kandinsky en 1911 est décisive ; sa peinture prend un tournant radical, il confère aux animaux des couleurs arbitraires sans toutefois les dénaturer. Les artistes désirent une nouvelle orientation : « Nous cherchons aujourd’hui derrière le voile des apparences la nature des choses cachées qui nous semblent plus importantes que les découvertes impressionnistes ». Une profession de foi et une croyance en leur démarche. Franz Marc exploite les teintes complémentaires, la simplification de la forme, en des toiles rythmées où les plans se côtoient. Une légère influence cubiste se lit dans certaines œuvres. Parfois, il peut employer de douces harmonies ocrées : Chien courant dans la neige. Puis, il passe à des tonalités violentes : Le Moulin ensorcelé, où apparaît une certaine géométrie : maisons, roue et une gerbe d’eau puissante à l’image d’une cascade. On lit ici l’influence de Delaunay, rencontré à Paris avec August Macke en 1912 ; c’est encore le dynamisme et la gestualité de La Cascade. Malgré la simplification des volumes et les couleurs arbitraires, les chevaux sont habités de dynamisme.

August Macke possède les mêmes admirations pour Delaunay et partage l’idée du pouvoir expressif de la couleur ; il organise ses toiles en des vibrations colorées. Il sait aussi être rigoureux et coloriste, en témoigne L’Église Sainte-Marie de Bonn, avec à ses côtés Promenade dans un parc du Douanier Rousseau, une analogie entre ces œuvres par la géométrie. L’avant-garde européenne exerce une influence sur les deux artistes : Couple dans la forêt, où August Macke révèle sa proximité avec le cubisme, et Franz Marc s’inspire de Delaunay, insérant des formes géométriques dans ses œuvres. À partir de 1913, ils démontrent un intérêt pour l’abstraction : ce sont Les Carreaux qu’August Macke peint en une joyeuse harmonie et dans un bel équilibre, Franz Marc dans Paysage avec une maison et deux vaches, peint au milieu de droites et d’obliques de cercles, de droites et d’obliques. Dans Paysage avec vaches, voilier et figures haut en couleur, August Macke mêle figuration et abstraction. Son voyage en Tunisie avec Klee en 1914 lui révèle la lumière et il réalise des compositions libres, sereines à la discrète géométrie. Franz Marc peint Les Loups ; les animaux représentent ici la cruauté des hommes. Son œuvre témoigne d’une ferveur panthéiste ; il privilégie le rapport homme/nature.

LPA 28 Mai. 2019, n° 144r3, p.16

Référence : LPA 28 Mai. 2019, n° 144r3, p.16

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