Le droit bancaire et financier à l’épreuve des Cours suprêmes

Publié le 04/10/2017

Le 17 novembre prochain, le Centre universitaire méditerranéen (CUM) organise un colloque européen sur le thème suivant : « Le droit bancaire et financier à l’épreuve des Cours suprêmes ».

Qu’est-ce qu’une Cour suprême ? Cette question est faussement simple en ce qu’elle soulève une interrogation délicate, celle de savoir ce qu’est un « tiers impartial et désintéressé » en dernier ressort. Faussement simple, la question est pourtant essentielle pour les juristes – et même au-delà du monde du droit – au regard des exigences fondamentales d’une société démocratique.

Les juristes pensent classiquement que les Cours suprêmes sont définies par des critères formels qui permettent sans doute d’identifier comme telles la Cour européenne des droits de l’Homme, la Cour de justice de l’UE ou encore les cours constitutionnelles nationales et les juridictions placées au sommet de leur hiérarchie juridictionnelle.

Pourtant, l’épreuve des faits nous amène à une autre intuition : la notion de Cour suprême ne serait pas formelle mais substantielle, en ce qu’elle réserve à une institution le privilège de dire le droit, sans contestation possible, à propos de litiges soulevant une difficulté juridique particulière. Il s’agit donc du pouvoir d’affirmer le droit, plus que de le dire, ce qui transforme l’instance dotée de ce privilège en une véritable autorité.

Quant à la matière soumise à l’appréciation du juge suprême, elle revêt une originalité certaine car elle est porteuse d’enjeux majeurs, soit en termes de technicité juridique soit en termes d’importance économique et sociale. Ce sont ces enjeux qui justifient la compétence d’un juge « hors norme ». Enfin, le juge suprême est le gardien d’un texte fondamental (Constitution ou autre texte placé au sommet d’une pyramide normative). Dès lors, dans quelle mesure le droit bancaire et financier, doté d’enjeux économiques majeurs, se trouve-t-il mis à l’épreuve par les Cours suprêmes ?

La première partie du colloque abordera ce questionnement sous un angle institutionnel et nous donnera l’occasion de définir la notion de Cour suprême, dans le domaine du droit bancaire et financier. Nous aurons le sentiment que le « juge » (pris dans son sens substantiel) dépasse les instances assez classiques telles que la CEDH ou la CJUE, et s’apparente à un pouvoir d’autorité, dont la compétence et la légitimité sont fondées par des objets globaux (notamment les flux d’argent, le financement du terrorisme, la lutte contre l’évasion fiscale…). Par ailleurs, la question demeure encore de savoir ce qu’est une Cour suprême et quels en sont les critères, ce qui permettrait de qualifier comme telles des autorités qui n’en ont pas la légitimité formelle. Cette intuition devra encore être démontrée et tel sera l’objet de la première partie du colloque.

Il s’agira ensuite, dans une seconde partie, d’évaluer le pouvoir d’influence des Cours suprêmes sur le droit bancaire et financier. En sens inverse, il sera également intéressant de renverser la perspective et de s’interroger sur l’influence que l’ordre bancaire et financier impose au juge suprême. Peut-on déceler des inflexions ou des atteintes aux principes fondamentaux dont la justification trouverait sa cause dans un « ordre public » bancaire et financier qui s’imposerait au juge suprême ?

Nous placerons ainsi les droits fondamentaux à l’épreuve du droit bancaire et financier et nous rechercherons ce qui fonde la compétence du juge suprême en la matière : nous retiendrons plus spécifiquement une compétence fondée sur des objets de régulation transnationaux (lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, lutte contre l’évasion fiscale, maintien de la stabilité monétaire, etc.).

Le droit comparé sera source d’inspiration, notamment au regard de la pratique de la Cour suprême du Canada, afin d’étudier le couplage entre les juridictions nationales et les Cours suprêmes ou entre juges suprêmes eux-mêmes. Mais l’art du dialogue est délicat et le couplage peut se réduire à un clivage dès lors que les juges suprêmes se trouvent en situation de rivalité : la position de la CJUE est riche d’enseignements à cet égard, par l’affirmation d’une certaine indépendance en matière bancaire et financière vis-à-vis des autres cours et autorités suprêmes nationales.

Programme :

Première partie : Approche institutionnelle : qu’est-ce qu’un juge suprême en droit bancaire et financier ?, sous la présidence effective de Philippe Pradal, ancien maire de Nice, chargé d’enseignement à la faculté de droit de Nice.

Introduction, par Jean-Marie Canac, président de l’AEDBF Europe, chargé d’enseignement à la faculté de droit de Nice et à l’École de droit de la Sorbonne, Philippe Pradal, ancien maire de Nice, chargé d’enseignement à la faculté de droit de Nice et Marina Teller, directeur scientifique du colloque, professeur des facultés de droit.

— Cours suprêmes ou Autorités suprêmes : la définition du juge, à l’épreuve d’une analyse substantielle

— De l’existence formelle de Cours suprêmes à l’existence substantielle d’autorités suprêmes : du pouvoir juridictionnel au pouvoir d’autorité, par Séverine Ménétrey, professeur associée, université du Luxembourg

— Les Cours suprêmes à l’initiative d’un fédéralisme économique européen ? Le cas de la Banque centrale européenne, par Francesco Martucci, professeur des facultés de droit, université Paris 2 Panthéon-Assas

— L’indépendance des banques centrales confrontées au juge, par Matthias Lehmann, directeur de l’Institute of Private International and Comparative Law, université de Bonn

— Les jeux de pouvoirs et d’influences entre autorités concurrentes

— Les autorités suprêmes et la recomposition du paysage des Cours suprêmes, par François Boucard, avocat aux Conseils, Paris

— Vers un juge « global » ?, par Pauline Bégasse, Supervision, Banque nationale de Belgique, Bruxelles

Seconde partie : Approche matérielle : l’influence du droit bancaire et financier sur les cours et autorités suprêmes

— Une compétence fondée sur des objets de régulation transnationaux (lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, lutte contre l’évasion fiscale, prévention du risque systémique), par Jean-Sylvestre Bergé, professeur des facultés de droit, université Lyon 3

— Un objet de régulation global : le devoir de diligence appréhendée par les Cours suprêmes, par Danny Busch, professeur, université Radboud, Nijmegen

— L’influence de la CEDH sur les procédures de sanction des cours et autorités suprêmes, par Andrea Pisaneschi, professeur, université de Sienne

— Rapport de synthèse, par Michèle Grégoire, professeure invitée à l’université Paris II Panthéon-Assas, présidente du Centre de droit privé de l’université libre de Bruxelles, avocate aux barreaux de Bruxelles et de Paris

— Clôture des travaux, par Jean-Marie Canac, président de l’AEDBF Europe

LPA 04 Oct. 2017, n° 130d5, p.2

Référence : LPA 04 Oct. 2017, n° 130d5, p.2

Plan