N’oublions pas le droit à Noël !

Publié le 26/12/2023

En fin d’année nous profitons tous de belles fêtes, mais les citoyens ne sont pas toujours conscients que le droit peut avoir quelques retombées, voire bloquer des moments chaleureux et qu’il peut y avoir quelques troubles au sein des familles. En effet, quand les fêtes de Noël approchent, il est important de s’y préparer, mais il est essentiel de ne pas oublier de tenir compte de certaines exigences liées au droit de la famille, au droit fiscal ou au droit public. Selon les cas, il faut faire du droit, mais il importe aussi de le connaître pour respecter les règles juridiques.

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Il est essentiel de ne pas oublier de tenir compte du droit quand Noël approche et que chacun s’apprête à profiter d’un sapin, d’un décor festif mis en lumière et des marchés de Noël, sans oublier le plaisir d’offrir des biens à ses proches.

Pour qu’il s’agisse d’un agréable temps festif, diverses mesures sont à prendre par les membres des communes afin de mettre en place un décor bien adapté et d’offrir aux citoyens des lieux joliment décorés pour se faire plaisir et par les chefs d’entreprise pour permettre à leurs salariés de profiter de ce temps festif (I). La préparation de Noël peut viser l’ensemble des citoyens mais les membres des familles ont aussi besoin de prendre un peu de temps pour préparer les fêtes, accueillir leurs proches et leur offrir des cadeaux, sachant que ces derniers, ainsi que les étrennes, que l’on peut faire en famille, constituent un moyen d’aider la jeune génération (II).

I – Les règles juridiques visant l’ensemble des personnes qui veulent profiter du temps de Noël

Pour que les individus puissent fêter Noël et passer un agréable temps de fin d’année, diverses mesures sont à prendre durant l’organisation des fêtes et il faut mettre en place des aides financières afin que chacun puisse ensuite bien accueillir ses proches. La préparation juridique des fêtes de fin d’année est confiée aux communes mais des règles sont à respecter et les chefs d’entreprise ou autres professionnels ont également des pistes à suivre.

Profiter du temps des fêtes de fin d’année est important et beaucoup de mesures sont à prendre pour faire plaisir aux citoyens ou aux salariés, ainsi qu’à ses voisins (A). Pour les aider à accueillir leurs proches et se faire plaisir, leur offrir de l’argent est également essentiel (B).

A – L’organisation des fêtes de Noël

Préparer cette période festive n’est pas toujours simple. En vue de partager au mieux la magie de Noël, on peut utiliser des calendriers de l’Avent, tradition bien ancrée, ouvrir des marchés de Noël, écrire des lettres au père Noël1 et lancer l’installation des crèches de Noël. La question de l’installation des crèches de Noël dans les établissements publics a été longuement débattue, de nombreuses personnes estimant que c’était contraire à la séparation des églises et de l’État depuis la loi de 1905, car les manifestations religieuses sont encadrées dans l’espace public. En 2016, le Conseil d’État a effectivement estimé qu’une crèche de Noël ne peut pas être installée dans un établissement public sauf si cela « présente un caractère culturel, artistique ou festif »2. Toutefois, faute de loi applicable à tout le territoire, les usages varient selon les régions et les traditions locales3.

Un autre problème pourrait être lié aux préparatifs de Noël car un agent contractuel territorial s’est vu reprocher des erreurs et négligences lors d’un repas de Noël, toutefois il a été jugé que cela ne justifie pas une sanction de licenciement4.

En outre, des problèmes juridiques peuvent être rencontrés durant cette période qui cristallise certaines tensions. Il pourrait en aller de même dans le cadre de la lutte contre le bruit.

C’est ainsi qu’en 2021 une dame a vécu un drame en Suisse. Ses voisins ont porté plainte contre elle parce qu’elle avait allumé ses décorations de Noël trop tôt5. En effet, dans cette commune du Nord de la Suisse, il est interdit d’illuminer sa maison avant le premier jour de l’Avent ou après le 6 janvier. Tel n’est pas le cas en France mais il faut veiller à ne pas démarrer dans sa cour des musiques de Noël de manière trop forte car trop de bruit peut conduire à des actions pour troubles du voisinage et nuisances sonores. De même, le soir du réveillon, on peut être condamné pour tapage nocturne. Il faut toutefois que les forces de l’ordre constatent que les bruits sont soit répétitifs, soit intensifs, soit durables dans le temps.

B – Le versement de sommes d’argent dans le cadre des fêtes de Noël

En recevant de l’argent, on peut bien se préparer à Noël, raison pour laquelle l’État ou l’établissement employeur peut décider de soutenir certaines personnes.

Certes, on peut être aidé financièrement par sa famille, mais il est possible aussi de bénéficier d’une prime de Noël qui est une aide financière cruciale en période de fêtes, destinée à soutenir les foyers les plus modestes. Instaurée par le gouvernement français, cette aide est octroyée à certains bénéficiaires de minima sociaux, en particulier aux familles monoparentales. Comme chaque année, la CAF attribue une prime à près de 2,3 millions de ménages modestes pour Noël. Cette année, elle sera versée le 15 décembre et certains foyers pourraient même recevoir une aide supplémentaire d’un montant maximal de 200 €. Par ailleurs, dans le cadre de l’examen du projet de loi de fin de gestion pour 2023, l’Assemblée nationale a voté, à l’initiative du groupe socialiste, une allocation exceptionnelle de 115 à 200 € pour les familles monoparentales précaires, en complément de la prime de Noël 2023, prime majorée pour celles de ces familles vivant sous le seuil de pauvreté.

Indépendamment de la mise en place des congés de Noël, les entreprises peuvent également prévoir des cadeaux pour leurs salariés. Des cadeaux de Noël peuvent effectivement être faits en entreprise mais ils doivent avoir une valeur modique, c’est-à-dire 5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 171 € par évènement. Le cadeau doit être remis lors d’un évènement particulier, en l’occurrence les fêtes de Noël, et n’avoir aucun lien avec l’activité professionnelle du salarié. Les cadeaux de valeur modique offerts par l’entreprise à ses salariés à Noël sont exonérés d’impôt sur le revenu.

II – Les règles juridiques concernant les familles dans le cadre de Noël

Cette période festive permet de se réunir en famille ou avec des amis à l’occasion des fêtes de fin d’année, mais certaines personnes rencontrent des difficultés (A). Pourtant, c’est un plaisir de pouvoir offrir des cadeaux à ses proches6. Il est toutefois essentiel de connaître les conséquences juridiques de la transmission des divers biens ou sommes d’argent (B), et de bien comprendre que parfois certains membres de la famille souffrent de constater que leurs proches ont été plus gâtés qu’eux (C).

A – Les difficultés liées au temps des fêtes

En droit des personnes et de la famille, la volonté occupe une grande place mais il n’est pas toujours possible de faire ce que l’on veut à l’occasion de cette période festive.

On a certes le droit de faire croire à ses enfants que c’est le père Noël qui prépare leurs cadeaux, et chacun peut programmer ses achats pour préparer les festivités de fin d’année et bien décorer sa maison, ses tenues et ses repas, mais bien sûr il est interdit de voler ce matériel, y compris à des membres de sa famille. À ce titre, il faut noter que de nombreuses précautions sont à prendre avant de gratifier ses proches, car on ne peut faire de cadeaux qu’avec les objets qui nous appartiennent.

Il faut aussi se méfier de l’utilisation de l’argent du ménage quand on vit en couple dans une famille recomposée et que l’on prépare des cadeaux pour les enfants d’une première union, car le nouveau conjoint peut être en désaccord. Pour les donations de biens communs, il faut effectivement réunir le consentement des deux époux.

Il arrive toutefois que l’on regrette d’avoir fait des cadeaux, car on se rend compte qu’ils ne plaisent pas à la personne visée. Effectivement rien n’interdit juridiquement de refuser des cadeaux. Les donataires sont généralement très satisfaits des cadeaux qu’ils reçoivent, mais si les cadeaux reçus ne plaisent pas, ils peuvent être vendus après les fêtes, notamment sur Leboncoin, rien en droit n’obligeant les uns et les autres à conserver ces biens. Ils peuvent aussi rester au fond d’une armoire ou d’un tiroir, mais ils sont parfois jetés avec les papiers d’emballage. Il est pertinent de noter que de nombreuses associations caritatives acceptent des cadeaux pour les redistribuer.

D’autres difficultés peuvent être rencontrées, car chacun aime rejoindre ses proches mais de nombreux problèmes ont été vécus ces derniers temps au cœur des périodes Covid. En effet, quand les drames liés au Covid-19 ont été nombreux, il n’a pas été possible de fêter Noël comme les années précédentes. Des gestes barrières et la distanciation sociale ont été imposés afin d’éviter sa propagation pendant cette période où beaucoup de personnes avaient contracté la maladie, voire étaient en réanimation. En outre, des marchés de Noël ont été fermés et des déplacements en transport en commun ont été impossibles.

Un autre problème juridique est en lien avec les parents qui se sont séparés, car la répartition des vacances pendant les fêtes de Noël entre les père et mère qui ne vivent plus ensemble ou qui ont divorcé mais qui veulent fêter Noël avec leurs enfants est fréquemment une source de conflit (C. civ., art. 373-2-1). Pour éviter d’être perturbé, il est préférable de saisir le juge aux affaires familiales afin de fixer précisément les modalités du droit de visite et d’hébergement, mais aussi de sécuriser les parents, l’idéal étant d’organiser un partage égalitaire des fêtes de fin d’année et une alternance entre années paires et impaires.

B – Les difficultés liées à la qualification juridique des cadeaux de Noël

Il est vrai que beaucoup de personnes comptent préparer de beaux cadeaux pour les fêtes de fin d’année, mais il faut être vigilant pour s’assurer qu’il ne s’agisse pas de donations7. En effet, ces cadeaux entrent dans la catégorie des présents d’usage et non des dons, sauf exception, raison pour laquelle il faut rechercher les conditions à remplir pour l’une ou l’autre de ces catégories mais surtout quelles sont les différences sous l’angle juridique et l’intérêt que les cadeaux de Noël soient bien des présents d’usage et non des donations.

Donner de l’argent à ses enfants est une pratique courante. Les étrennes et les cadeaux que l’on peut faire en famille constituent notamment un moyen d’aider la jeune génération.

Le terme « cadeau » n’est pas mentionné dans le Code civil. Néanmoins, depuis de nombreuses années, les juges ont qualifié tous ces cadeaux de « présents d’usage ». Il ne faut pas se tromper, car ce n’est pas parce qu’on fait des dons à ses proches qu’il s’agit de donations. Quand ils traduisent de forts liens d’affection ou d’amitié et que leur valeur reste raisonnable, les cadeaux, et en particulier les cadeaux de Noël, sont effectivement des présents d’usage. En revanche, même si l’on est toujours animé de la volonté de faire plaisir à ses proches à l’occasion des fêtes de fin d’année, il faut tenir compte du montant offert et des revenus de la personne. En effet, dès lors que le cadeau offert à Noël dépasse un certain prix, montant à apprécier au cas par cas en fonction de l’état de fortune du donateur, il faut alors changer d’analyse et appliquer le régime juridique des donations. En effet, pour la Cour de cassation, les présents d’usage « sont les cadeaux faits à l’occasion de certains événements conformément à un usage et n’excédant pas une certaine valeur » (Cass. 1re civ., 6 déc. 1988, n° 87-150838). Il est vrai toutefois que l’on note que certaines personnes se sont lourdement endettées pour Noël, moment de l’année où l’on fait les plus grosses dépenses.

La notion de présent d’usage est bien adaptée, car il est d’usage de s’offrir des cadeaux lors de certains moments de la vie familiale ou amicale (fiançailles, mariage, pacs, naissance, baptême, anniversaire, obtention d’un diplôme, et bien sûr à l’occasion des fêtes de Noël). Il s’agit assurément d’événements où il est d’usage de s’échanger des cadeaux. Offerts à Noël, il s’agit de présents d’usage sauf si le montant est trop important. Il faut donc tenir compte de la valeur du bien à l’époque où le cadeau est fait, raison pour laquelle il n’est pas possible pour les parents d’offrir leur maison à leur fils ou leur fille à cette occasion. En revanche, il peut s’agir de différents biens mais aussi de liasses de billets. Toutefois, il a été jugé que le versement de chèques n’était pas toujours en lien avec une fête familiale ; tel est le cas si le bénéficiaire les a reçus non pas en une fois mais en les étalant sur seize mois9. Il est également impossible de parler de cadeau de Noël quand les parents ont versé des chèques début décembre ou en janvier.

Pour être qualifié de présent d’usage, il importe donc que le cadeau de Noël ne soit pas excessif par rapport à la situation financière, au train de vie, aux ressources et aux habitudes de la personne qui l’offre, raison pour laquelle il faut tenir compte de l’état de fortune du donateur. Cependant, si le don est vraiment modique (jouets, peluches, bonnet, boîtes de chocolats, etc.), il n’est pas nécessaire d’apprécier l’état de fortune de son auteur.

S’il n’est pas question de présent d’usage mais de donation, cela peut avoir des retombées sur le droit fiscal. Il arrive que des personnes tentent de camoufler leurs donations dans le but d’échapper au versement de l’impôt mais de ce fait, les personnes qui, à Noël, trouveront sous leur sapin des cadeaux de grande valeur vont peut-être déchanter. En effet, si l’administration fiscale tolère les présents d’usage et ne les taxe pas, il n’en va pas de même pour les donations dont le régime est fort différent, car elles ouvrent droit à des taxes, sauf quand des exonérations fiscales sont prévues, abattements de 100 000 € entre parents et enfants (depuis le 17 août 2012, 159 325 € avant cette date) ; de 31 865 € entre grands-parents et petits-enfants ; de 15 932 € entre frères et sœurs ; de 7 967 € pour les neveux et nièces et de 80 724 € entre époux et partenaires pacsés (aucun abattement n’étant prévu entre concubins).

L’administration fiscale peut découvrir l’existence de cette donation volumineuse par des relevés de compte, des contrôles fiscaux, des informations transmises par les membres de la famille ou par internet. Il faut, en effet, veiller au développement de l’intelligence artificielle pouvant surveiller les réseaux sociaux pour repérer les fraudeurs. Il est donc recommandé de ne pas publier de photos de ses cadeaux de Noël très onéreux sur des plateformes numériques ou de ne pas y faire de commentaires en guise de remerciement pour des présents hors de prix. En revanche, si les cadeaux de Noël sont des présents d’usage, ils échappent au régime des donations entre vifs. Ils échappent également à toute imposition, car il n’est pas question d’appliquer les dispositions de l’article 784 du Code général des impôts quand il s’agit de dons manuels qualifiés de présents d’usage. En effet « le présent d’usage constitue une tolérance de l’administration fiscale »10.

C – Les conséquences au cœur de la famille de la transmission des retombées familiales de certains cadeaux de Noël

Les enfants peuvent estimer que les membres de leur famille ne les apprécient pas comme leurs frères et sœurs et cela peut avoir de lourdes retombées sur les relations familiales, notamment parce que cela risque de rompre l’égalité entre les héritiers qui est pourtant un principe du droit successoral français. Il est vrai que les enfants ou petits-enfants sont des héritiers réservataires mais cela ne veut pas dire que leurs droits sont égaux car le parent peut disposer comme il l’entend de la quotité disponible et faire plus de dons ou legs à l’un de ses proches. À ce titre, offrir lors des fêtes à un membre de la famille toute la quotité disponible (qui dépend du nombre d’héritiers réservataires) constitue un cadeau de Noël considérable.

Ces cadeaux peuvent exacerber des jalousies au sein de fratries et nourrir des conflits familiaux, notamment lors de l’ouverture d’une succession. Il est vrai que les héritiers peuvent alors réclamer la requalification des présents reçus lors des fêtes en « donations de Noël », ce qui entraîne un régime totalement différent pour les dons reçus lors des fêtes.

En effet, ranger les cadeaux de Noël dans la catégorie des donations peut ouvrir des discussions entre époux, mais cela modifie surtout les relations entre héritiers. La transmission de biens effectuée à l’occasion des fêtes de fin d’année peut donc déboucher sur des conflits familiaux qui obligeront à rappeler aux uns et aux autres le sort des acquisitions à titre gratuit réalisées au sein de la famille.

La question se pose généralement lors de l’ouverture de la succession du donateur mais elle peut également être source de difficulté en cas de prédécès du donataire. En effet, lorsque les père et mère ont gratifié leur enfant par un don manuel correspondant à une somme d’argent, ils peuvent bénéficier d’un droit de retour si le gratifié décède avant eux et, surtout, sans descendance (C. civ., art. 738-2).

L’intérêt des présents d’usage est que, contrairement aux donations, ils ne sont ni rapportables à la succession, ni réductibles pour atteinte à la réserve11, ni taxables, ni révocables pour ingratitude. Les présents d’usage entre époux, partenaires, concubins, membres de la famille ou amis, sont définitifs et irrévocables, le bien passant d’un patrimoine à un autre. Comme ils ne sont pas rapportables lors de la succession, ils n’ont pas à être mentionnés lors d’une déclaration de succession, ce qui conduit à écarter la suspicion du recel successoral12. En revanche, en présence d’un don manuel, les héritiers réservataires qui se pensent lésés peuvent défendre leurs droits successoraux en agissant en réduction des libéralités excessives. En effet, les dons qui ne peuvent pas être qualifiés de présents d’usage doivent être réintégrés pour leur valeur, au jour du décès du donateur, dans l’actif de la succession afin d’être partagés entre les héritiers. Cette démarche permet de maintenir l’égalité entre les héritiers au moment du partage des biens du de cujus (C. civ., art. 843). Toutefois cela peut réserver de mauvaises surprises à ceux qui avaient été gratifiés lors des fêtes de fin d’année dans la mesure où ce n’est pas la valeur de leurs présents à Noël qui est prise en compte mais l’évaluation faite au moment du décès du donateur. Le problème tient au fait que, pour certains biens, une énorme plus-value peut se constituer au fil du temps (toile d’un artiste peintre, œuvre d’art, bijoux en or, parts sociales, etc.). Le raisonnement n’est pas plus avantageux pour le dépôt de liasses de billets sous le sapin (sous réserve de pouvoir en rapporter la preuve) car, lorsque la somme donnée a été réinvestie, c’est la valeur du bien acquis grâce à ce cadeau qui doit être mentionnée dans l’actif successoral.

En outre, les cadeaux faits par un époux à l’autre peuvent aussi avoir des retombées qu’il faudrait éviter. Entre époux, ranger le cadeau de Noël dans la catégorie des donations a des répercussions mais, avant le 1er janvier 2005, les donations entre époux étaient révocables, ce qui n’est plus le cas. Certains cas de révocabilité subsistent néanmoins pour l’ensemble des donations, y compris celles réalisées au moment des fêtes de fin d’année, notamment pour ingratitude (C. civ., art. 1096). Il faut donc rester près de ses proches.

S’agissant des couples mariés, parler de donation pour un présent d’une valeur certaine a des incidences sur la composition des masses de biens selon leur régime matrimonial. Ainsi, pour le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, le cadeau entre alors dans la masse des biens propres, biens qui échappent à la communauté. Tel est déjà le cas si le cadeau a consisté en l’acquisition de vêtements ou linges à l’usage personnel de l’un des époux et plus généralement de biens présentant un caractère personnel car il s’agit de biens propres par leur nature, même s’ils sont acquis pendant le mariage, et ce sans récompense (C. civ., art. 1404). Tel est surtout le cas pour toutes les donations reçues par un époux pendant le mariage, y compris à Noël si leur valeur oblige à écarter la notion de présents d’usage : les biens reçus dans ces conditions sont qualifiés de biens propres, car il s’agit d’une acquisition à titre gratuit pendant le mariage (C. civ., art. 1405). Dès lors, grâce à cette qualification de bien propre, l’époux donataire pourra les conserver en cas de rupture du couple, la liquidation de la communauté nécessitant une opération préalable de reprise des biens propres.

Conclusion. Espérons que cette année sera plaisante et que nous n’aurons pas à souffrir des blocages liés au Covid, mais surtout que nous ne subirons pas un attentat comme il en a été question à Strasbourg dans la soirée du 11 décembre 201813. Fêtons Noël comme d’habitude mais tenons compte des règles juridiques. Le problème étant que les démarches à faire ne sont pas totalement autonomes et qu’elles sont encadrées par différents textes, malheureusement souvent méconnus du grand public.

Dans peu de temps, nous découvrirons tous des cadeaux déposés sous le sapin. Si ce sont des cadeaux de grande valeur (bague sertie de diamant, voiture, terrain, important chèque), il faudra respecter les règles visant les donations pour que les finances publiques ne trouvent pas la situation suspecte. Une personne touchant le smic mais faisant un cadeau de 20 000 € pourra attirer quelques soupçons sur elle. En effet, il ne faut pas que l’objet ou la somme d’argent passe pour une donation cachée, échappant ainsi à l’impôt. En revanche, l’administration fiscale tolère les cadeaux d’usage, c’est-à-dire une somme d’argent, un véhicule ou encore un bijou donné en cadeau à Noël si le montant n’est pas excessif par rapport à la fortune du propriétaire de ces biens. En outre, de nombreuses donations bénéficient d’abattements. En effet, les parents peuvent donner 100 000 € à chacun de leurs enfants tous les 15 ans. En outre, chaque grand-parent peut donner jusqu’à 31 865 € à chacun de ses petits-enfants, sans avoir à payer quoi que ce soit à l’administration fiscale. Toutefois, le recours fréquent à la notion de présents d’usage permet effectivement de donner toute leur place aux sentiments familiaux et à la générosité des proches.

Notes de bas de pages

  • 1.
    E. Pierroux, « Lettre au père Noël », GPL 17 déc. 2019, n° GPL366k3.
  • 2.
    CE, ass., 9 nov. 2016, n° 395122 – CE, ass., 9 nov. 2016, n° 395223 : G. Eveillard, « Laïcité : la crèche de Noël, mode d’emploi », Dr. adm. 2017, p. 40 ; P. Spinosi, « Crèches de Noël dans les mairies : la laïcité sur mesure », JCP G 2016, 2170 ; M. Yazi-Roman et F. de La Morena, « Installation d’une crèche de Noël sur un emplacement public », AJCT 2017, p. 90.
  • 3.
    Reconnaissance du droit aux crèches traditionnelles de Noël et non aux crèches de la Nativité : TA Lyon, 22 nov. 2018, n° 1709279.
  • 4.
    C. Froger, « Des négligences fautives dans la préparation d’un repas de Noël communal ne justifient pas une sanction de licenciement », note ss CAA Marseille, 4 oct. 2022, n° 20MA02833, AJFP 2023, p. 106.
  • 5.
    Site bienpublic.com, « Ils portent plainte contre leur voisine… parce qu’elle a allumé ses décorations de Noël trop tôt », 23 nov. 2021 : https://lext.so/DJ4a3_.
  • 6.
    Ce n’est pas une invention de la société de consommation, dans la Grèce antique les enfants recevaient déjà des jouets en fin d’année.
  • 7.
    I. Corpart, « Les cadeaux de Noël, une affaire de sentiments ou de prix », JCP G 2020, 1471, n° 52.
  • 8.
    Bull. civ. I, n° 347 ; JCP G 1989, IV 49 ; Defrénois 1989, n° 34492, p. 480, obs. G. Champenois ; JCP N 1989, p. 305, note G. Venandet.
  • 9.
    Il a été question de don manuel dans cette affaire : TGI Strasbourg, 22 oct. 2009, n° 08-3878.
  • 10.
    BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10, 28 janv. 2014, nos 250 et s.
  • 11.
    G. Teilliais, « Présents d’usage et succession », JCP N 1997, 4151.
  • 12.
    Cass. 1re civ., 28 mars 2018, n° 16-21118 – CA Aix-en-Provence, 11 déc. 2019, n° 15/05041.
  • 13.
    Raison pour laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le 23 novembre 2023 une requête déposée par des avocats demandant l’annulation de l’arrêté préfectoral autorisant l’intervention de deux drones pour la surveillance du marché de Noël strasbourgeois. Les drones au marché de Noël ont donc le droit de voler au-dessus du marché de Noël pour surveiller un périmètre (DNA, 23 nov. 2023).
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