Paris Business Angels : « Aujourd’hui, nos business angels donnent du sens à leurs investissements »

Publié le 31/12/2021

L’association Paris Business Angels compte aujourd’hui 180 investisseurs individuels franciliens. C’est l’un des réseaux les plus importants en Île-de-France. Elle fait partie de la fédération France Angels. Au sein de cette association, le principe est le suivant : chaque membre investit le montant qu’il souhaite dans la start-up qu’il veut. Actuellement, les membres de Paris Business Angels possèdent un portefeuille de 150 start-up, majoritairement présentes en Île-de-France. En 2021, ils ont réalisé plus de 3 M€ d’investissement  dont une opération de près d’1 M€ dans une start-up parisienne dans le domaine de la santé. C’est un exemple d’une tendance établie au sein de cette association : les investisseurs cherchent des start-up qui vont avoir un impact sur la société. Élisabeth Lécuyer, présidente de Paris Business Angels, fait un bilan de ces deux années de crise sanitaire.

Actu-Juridique : Quel est le sentiment des membres du Paris Business Angels par rapport à la conjoncture économique actuelle ?

Élisabeth Lécuyer : Nos membres ont investi beaucoup plus que l’année dernière. Nous comptabilisons plus de 3 M€ d’investissement en 2021. Le double par rapport à 2020. Ils sont assez confiants et positifs pour l’avenir, après une période d’incertitude. Avec la crise sanitaire, à partir de mars 2020, l’ensemble des process du Paris Business Angels ont été modifiés, en version digitale. Avant, toutes les séances avaient lieu en physique. Pendant la crise nous avons travaillé en visioconférence et maintenant nous continuons sur la lancée.

Nous avons connu un temps d’adaptation et d’appréciation de cette crise par les investisseurs. Face à la crise sanitaire, le gouvernement a mis en place des aides pour soutenir la trésorerie des start-up comme le prêt garanti par l’État (PGE). Ce type de dispositif a permis aux start-up d’avoir un relais, de la visibilité et de perdurer. En 2021, nos investisseurs ont cru au rebond. Ils sont confiants, croient aux technologies qui ont et vont émerger et à la capacité des start-up à pivoter. Il y a une volonté de participer et de soutenir les start-up, malgré les périodes délicates. La vie économique d’une start-up est faite de haut, de bas et de rebond. Elle est aussi sujette à des événements macro-économiques indépendants de sa volonté. La mission du business angel est de s’inscrire dans la continuité, en mettant à profit son expérience et son expertise notamment sur la partie gestion de crise. Aujourd’hui, nous constatons que nos membres sont plus mobilisés qu’auparavant auprès de start-up pour les accompagner dans la reprise économique.

AJ : Quels ont été les investissements privilégiés en 2021 par les membres de Paris Business Angels ?

E. L. : D’abord, nous sommes un réseau généraliste. Nous n’avons pas de secteur de prédilection. Mais en 2020 et en 2021, le secteur de la santé a été dominant dans les investissements de nos membres. La crise sanitaire a fait émerger des solutions et des innovations dans le domaine de la santé. Nous retrouvons notamment la santé digitale et la medtech. Les secteurs de la greentech comme l’agriculture technologique, la foodtech ou encore la gestion intelligente des bâtiments sont aussi attractifs.

« Notre réseau a su développer sa capacité d’investissement pour accompagner au mieux les start-up »

Les investisseurs apprécient les projets qui apportent des solutions à un problème réel, sensible et visible à l’heure actuelle. Mais nous avons un portefeuille diversifié. Les entreprises en besoin de financement, qui font appel à nous, ont une volonté de croissance. Les montants demandés par les start-up sont de plus en plus importants. Avant c’était entre 300 000 et 500 000 €. Aujourd’hui, ils ont quasiment doublé. Notre réseau a su développer sa capacité d’investissement pour accompagner au mieux les start-up.

AJ : Comment les business angels de votre association orientent-ils leurs investissements ?

E. L. : Nous rencontrons une tendance de fond, très sensible. Aujourd’hui, nos business angels veulent donner du sens à leurs investissements. À travers leur engagement dans les secteurs de la santé, de l’agritech, de la foodtech, les investisseurs prennent en compte les enjeux sociétaux. L’idée c’est de rendre un monde meilleur et plus responsable. La responsabilité sociale et environnementale est un sujet totalement transversal et nous en tenons compte lors de l’analyse des dossiers qui nous sont présentés. Certains de nos membres ont des compétences particulières sur ces sujets. Ils vont ainsi apporter leurs connaissances aux membres en charge de l’instruction du dossier. Puis, nous avons beaucoup de start-up qui dans leur pitch pointent des critères d’économie d’eau, d’énergie ou d’autres ressources et des sujets sociétaux telle que la mixité. Presque toutes les start-up prennent en compte cette dimension RSE et nos investisseurs y sont sensibles.

AJ : De quelle manière vos membres ont-ils prêté attention aux différents fonds sectoriels qui ont alimenté la relance économique ?

E. L. : Nous sommes toujours attentifs au fait que les start-up aient différentes sources de financement. Pendant la crise, nos investisseurs conseillaient les start-up sur les dispositifs d’aide dont elles pouvaient bénéficier et notamment le PGE. Lever des fonds dans un contexte de crise a toujours été compliqué. La start-up peut avoir des difficultés à valoriser son business ou son métier surtout lorsqu’il est au ralenti voire à l’arrêt. Il s’agit donc d’être malin en allant chercher les financements aux bons endroits comme notamment le programme d’investissement d’avenir (PIA). Ces mesures leur ont permis de se financer pendant cette période, avant d’organiser de nouvelles levées de fonds pour financer leur croissance.

Paris Business Angels : « Aujourd’hui, nos business angels donnent du sens à leurs investissements »
©Syretshi / AdobeStock

AJ : Quel bilan faites-vous sur l’année 2020 ?

E. L. : En 2020, nos investissements avaient diminué. Ils avaient atteint 1,5 M€ en 2020 alors qu’en 2019, nos membres avaient investi 1,8 M€. Cette année, avec plus de 3 M€, nous faisons mieux que 2019 et 2020 et même 2018 puisque nous étions à 2 M€. Malgré la crise sanitaire, il y a donc eu des investissements. Par exemple, juste au tout début du confinement, nous avons réussi à finaliser une levée de fond pour une start-up. Nous avons réalisé des réunions en visioconférence par rapport à cette opération. Autre exemple avec la start-up parisienne Yelda spécialisée dans l’intelligence artificielle dédiée au traitement de la voix. Elle a levé 400 000 € auprès de nos membres en pleine crise sanitaire. Pendant 2020, nos business angels ont aussi largement accompagné les entrepreneurs : un soutien moral, une aide pour prendre les décisions, un accompagnement aussi pour bénéficier des aides gouvernementales face à la crise sanitaire. D’ailleurs, nous n’avons pas eu de start-up qui ont fait faillite, durant cette période-là.

AJ : Comment fonctionne le système de Paris Business Angels de l’identification des start-up à la présentation devant vos membres ?

E. L. : Le sourcing des start-up est effectué par l’équipe permanente de Paris Business Angels. Elle est accompagnée par certains de nos membres qui font partie de notre comité de sélection. Les entrepreneurs des start-up sélectionnées viennent pitcher devant l’ensemble de notre réseau. Ensuite, les membres décident d’instruire le dossier de la start-up ou ils déclinent. La réalisation de l’investissement prend entre deux mois et trois mois depuis le pitch de la start-up.

AJ : Quels sont les critères sur lesquels vos membres s’appuient pour réaliser un investissement ?

E. L. : Nous investissons très tôt dans la phase de développement d’une start-up, entre six et trente-six mois. À Paris Business Angels, nous avons trois critères d’investissement. D’abord, l’équipe de la start-up qui doit montrer une réelle ambition et une complémentarité. C’est notre critère N°1 et son poids est dominant dans la décision. Ensuite, il y a le marché, qui doit être important et croissant. Enfin, nous devons sentir un degré d’innovation technologique ou de service. Mais, il faut répondre de manière différenciante à ce qu’il se fait aujourd’hui, avec une proposition de valeur ajoutée réelle.

AJ : Comment les start-up utilisent-elles les fonds investis par vos membres ?

E. L. : Aujourd’hui, il y a une forte compétition entre les start-up. Il faut donc se développer rapidement et optimiser tous les canaux pour accomplir cet objectif. Concernant les start-up engagées sur une technologie avec de la R&D, le financement de la technologie est nécessaire. La proposition de valeur mise en avant doit être effective le plus rapidement possible. Ensuite, le financement sert aussi au recrutement de compétence clé. Puis, les start-up doivent financer de la communication et du marketing pour se faire connaître, auprès de partenaire, de fournisseur et de client. L’ambition est de préempter le marché national et aussi de voir plus gros à travers le marché européen voire mondial en fonction des situations.

« Aujourd’hui, il y a une forte compétition entre les start-up »

En résumé, quand une start-up nous présente son besoin de financement, c’est souvent du développement technologique, du recrutement et de la communication car ce sont les principaux leviers d’une croissance rapide.

AJ : Comment travaillez-vous avec les autres acteurs de l’investissement pour accompagner au mieux les start-up ?

E. L. : Nous avons constitué tout récemment une association baptisée Paris Region Angels qui regroupe tous les grands réseaux d’Île-de-France. Son lancement a eu lieu début novembre 2021 à BpiFrance. Les membres fondateurs avec nous sont Val’Angels, Angels Santé, Business Angels des grandes écoles, Arts et Métiers Business Angels et Femmes Business Angels. D’autres réseaux vont bientôt nous rejoindre. L’objectif est de permettre d’augmenter les capacités de co-investissement et de mieux travailler ensemble. Et nous développons un partenariat très constructif avec la région Île-de-France.

 

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