Responsabilité civile et responsabilité pénale. À la recherche d’une cohérence perdue
La responsabilité civile est traditionnellement attachée à la réparation des préjudices individuels. Pour sa part, le droit pénal est présenté comme la branche du droit qui assure la défense de l’intérêt général par la sanction de la transgression des valeurs sociales. Cette distinction de finalités justifie une hiérarchie des disciplines, traduite par une primauté accordée au droit pénal. Pourtant, on se propose de démontrer que le législateur et le juge semblent considérer qu’une simple différence de degré distingue droit civil et droit pénal, là où existe en réalité une différence de nature entre eux. De ce postulat inexact, naît une confusion généralisée qui conduit chaque discipline à s’approprier les considérations de l’autre : le droit civil devient punitif tandis que, dans le même temps, le droit pénal accorde une place sans cesse accrue à la réparation du préjudice. Ce mouvement semble notamment porteur d’un double danger : en premier lieu, le droit pénal délaisse sa fonction protectrice de l’intérêt général lorsqu’il s’attache à réparer des préjudices purement individuels ; en second lieu, le droit civil punitif, délié des garanties fondamentales dont est assortie la matière répressive, peut se révéler une menace pour les libertés individuelles. Ce mouvement croisé met en péril la cohérence de leurs régimes : leurs influences réciproques doivent être révélées afin de mieux cerner les faiblesses du droit de la responsabilité et d’y proposer des remèdes.