Tribunal d’Évry : Robert a-t-il agressé sexuellement deux pensionnaires de sa maison de retraite ?

Publié le 19/12/2024

Robert, 77 ans, est prévenu d’agressions sexuelles sur deux résidentes octogénaires de la maison de retraite où lui-même réside aussi. Mercredi 18 décembre, le tribunal d’Évry doit se faire une opinion sur la base d’accusations fluctuantes.

Tribunal d'Évry : Robert a-t-il agressé sexuellement deux pensionnaires de sa maison de retraite ?
La salle des pas perdus du tribunal d’Évry  (Photo : ©I. Horlans)

 Robert est un vieil homme au crâne lisse et au nez pointu, dont la barbe blanche en collier se termine en pointe au menton. Il a aussi les lombaires douloureuses, à voir comment il s’avance péniblement, à petits pas, jusqu’à la barre, pour entendre la présidente énoncer les charges qui font de lui un prévenu.

Il s’agit d’agressions sexuelles contre deux femmes pensionnaires de la même maison de retraite que lui. Jacqueline, la première, a porté plainte, puis Hélène s’est jointe à la procédure. La présidente résume les faits en deux lignes, à quoi Robert répond d’un tonitruant : « Tout est faux ! »

En déposant plainte, Jacqueline, 83 ans, a raconté la chose suivante aux policiers : Robert était venu la visiter à son appartement pour lui remonter le moral, car elle était déprimée par la perte récente de son mari. Alors qu’elle lui faisait visiter l’appartement, il l’a plaquée dos au mur. Elle s’est dégagée, il l’a rattrapée et plaquée de nouveau, en lui tenant les bras. Elle pleurait. Il a essayé ses larmes en l’embrassant. Elle a fini par lui échapper. Avant de quitter les lieux, il lui aurait dit que si elle voulait se suicider, elle pouvait acheter une seringue et se piquer.

L’agression d’Hélène se déroule, elle, dans l’ascenseur. Ils s’y trouvaient tous les deux, quand Robert, a-t-elle déclaré, l’a plaquée violemment contre la vitre, lui a touché la poitrine et l’a embrassée. Elle a réussi à le repousser lorsque sa main a glissé vers ses parties intimes, rapporte-t-elle enfin.

Coupure de courant en pleine audience

À Robert de s’expliquer, désormais. De Jacqueline, il dit : « Elle est venue à la table où on prend le goûter pour me demander de l’aider à ranger ses papiers, car c’était son mari récemment décédé qui avait l’habitude de s’en occuper. Elle était déprimée et me disait que son mari lui manquait. Je suis venu chez elle et on s’en est occupé, puis je suis reparti. Voilà, c’est tout ce que je peux dire. »

Soudain (ça avait été annoncé), une coupure de courant plonge le tribunal dans le noir. Ça n’a pas perturbé Robert, qui a fini sa phrase tranquillement. Dehors, les talkie-walkie des agents de sécurité s’animent et les faisceaux des lampes torches balaient la salle des pas perdus. Une juge assesseure approche son portable pour éclairer la présidente, qui tente de lire un procès-verbal. Finalement, le groupe électrogène de secours « prend le relais », annonce l’huissier, et la lumière crue, trop blanche et aveuglante de la justice, réapparait dans la 7e chambre correctionnelle.

Présidente. « Mme Hélène E. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

— Rien du tout, étant donné que je venais de perdre mon époux deux jours avant, et je n’avais pas vraiment la tête à faire des trucs comme ça. »

Les faits qu’Hélène a dénoncés remontent à 2023, mais Robert en est sûr, ils ont été inventés. Ils habitent deux bâtiments différents et ne prennent jamais le même ascenseur. Interrogée à plusieurs reprises, la plaignante a d’abord estimé qu’ils s’étaient déroulés en janvier, puis en mai, et enfin en juillet 2023. Hélène est confuse, souligne l’avocat de Robert. C’est également ce qu’affirme le prévenu : elle n’est pas au mieux de sa forme cognitive, et semble, elle aussi, très affectée par la mort récente de son mari.

Prédateur ou victime d’un complot ?

Alors, qui est Robert ? Est-ce un prédateur enfin confondu, un vieil homme salace et un peu seul qui profite de femmes vulnérables, ou bien un paisible retraité victime d’une odieuse machination ourdie par Jacqueline ?

Une kinésithérapeute qui s’occupait de lui (il venait d’être opéré des hanches) a rapporté que le vieil homme la regardait bizarrement, ou bloquait son passage avec ses deux cannes. Pour son anniversaire, il lui a offert un collier dans un écrin en forme de cœur, après quoi, elle a préféré ne plus s’occuper de lui.  Que répond Robert ? « J’avais acheté ce collier pour mon épouse, je n’en avais pas l’usage, alors j’ai décidé de l’offrir, c’est tout. »

Robert l’affirme : « Jacqueline est une affabulatrice, on le sait tous, là-bas ». Il cite l’exemple d’un certain Jean-Louis, qui est sorti avec elle un soir et sur qui elle a répandu calomnies et fausses rumeurs pendant des semaines. Après le déclenchement de l’enquête, Robert a quitté la résidence, estimant avoir été sali – et sur les conseils de son avocat. Jacqueline l’a appelé à cinq reprises « pour aller boire un verre ». Il n’a pas donné suite.

Les psychiatres estiment que les deux femmes ont des problèmes psychologiques compatibles avec les faits, mais qui ne peuvent y être directement reliés avec certitude, leur état dépressif pouvant être la conséquence d’événements antérieurs comme, la perte de leur mari. Leur dossier médical confirme que cet état dépressif préexistait aux faits dénoncés.

« Jacqueline, elle fait des rumeurs »

La procureure, très succinctement, estime que les faits dénoncés sont corroborés par le témoignage de la kiné et par celui d’un agent qui, un jour, a vu Robert se masturber dans le local technique, porte ouverte. « Des éléments de contexte » qui emportent sa conviction. Elle demande six mois de prison.

L’avocat s’étonne. « Je pensais qu’au regard de l’instruction de Madame la Présidente, il y aurait des réquisitions de relaxe. Je suis surpris de la capacité du ministère public de présenter un dossier qui n’est pas vraiment le dossier. »

L’avocat rassemble les incohérences de date, les discours fluctuant, le manque de crédibilité de Jacqueline qui était connue pour faire du rentre-dedans à beaucoup d’hommes (et qui aurait agi par dépit ? L’avocat semble le suggérer). « Jacqueline, elle fait des rumeurs. » Il explique qu’au moment des faits, il avait deux béquilles, comment la plaquer contre le mur ?

En un peu moins d’une heure, le tribunal délibère sur les cinq dossiers de la journée. Robert se lève à l’appel de son nom, chemine à petits pas, entend  « Relaxe au bénéfice du doute » et repart, guilleret, vers la sortie du tribunal.

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