Chronique de droit du sport (janvier 2018 – février 2019) (Suite et fin)
La présente chronique couvre la période située entre les mois de janvier 2018 et février 2019.
I – Le cadre juridique du sport
A – Les législateurs du sport (…)
B – Les lois du sport
1 – Légalité des décisions des fédérations
2 – Concours de normes (…)
C – La justice du sport
1 – Droit disciplinaire
2 – Arbitrage : tribunal arbitral du sport
3 – Arbitrage : chambre arbitrale du sport (…)
4 – Justice publique
5 – Justice sportive (…)
II – Les acteurs du sport
A – Les groupements sportifs (…)
B – Le sportif
1 – Sports collectifs
2 – Sports individuels (…)
C – Les autres acteurs
1 – Entraîneurs (…)
2 – Agents
3 – Arbitres (…)
4 – Médias (…)
5 – Médecins (…)
III – L’activité sportive
A – Le théâtre de l’activité
B – Les compétitions et manifestations sportives
1 – Accès aux compétitions
2 – Résultats des compétitions
3 – Traitement du dopage
4 – Sécurité des compétitions
5 – Organisation des compétitions
C – Les responsabilités
D – Les assurances (…)
IV – Le financement du sport
A – Le financement public (…)
B – Le financement privé
1 – Droits de propriété intellectuelle
2 – Paris sportifs en ligne
Paris sportifs et escroquerie
Cass. crim., 21 nov. 2018, n° 17-81096. On se souvient qu’il y a quelques années, plusieurs handballeurs de renom avaient été poursuivis sur le plan pénal pour avoir manipulé une rencontre sportive tout en pariant sur lesdites compétitions. Plus précisément, il était reproché à 17 personnes d’avoir, par le biais de manœuvres frauduleuses, participé à une entente préalable en vue d’engager des paris sportifs sur le score à la mi-temps de la rencontre Cesson-Sévigné contre Montpellier Agglomération Handball (MAHB) en vue de parvenir, par modification ou altération du jeu à un score favorable à l’équipe de Cresson à la mi-temps, lequel avait déterminé frauduleusement la remise par la FDJ de sommes d’argent au bénéfice des manipulateurs de la compétition qui avaient pariés ou fait parier sur la phase de jeu en cause.
Les juges du fond avaient retenu la qualification d’escroquerie et la Cour de cassation les approuve. Elle considère que constitue une escroquerie la participation en toute connaissance de cause à une entente frauduleuse des différents parieurs, qui se caractérise notamment par des modalités particulières de paris et qui repose sur la modification ou l’altération du jeu sur la première mi-temps du match litigieux, ensemble constitutifs de manœuvres frauduleuses qui ont déterminé la FDJ à verser des gains hors de proportion avec ceux payés habituellement pour ce genre de manifestation.
Cette affaire est intéressante dans la mesure où elle montre les ressources du droit pénal des affaires pour s’adapter à une multitude de comportements spéciaux. Cela étant, cette adaptation doit aller jusqu’à son terme. Aussi, la Cour de cassation, refuse-t-elle justement, à la suite des juges d’appel, la constitution de partie civile du club de Montpellier alors que ce dernier avait subi un préjudice en raison du retentissement médiatique négatif sur le club de cette affaire. Comme le rappelle la haute juridiction, les droits de la partie civile ne peuvent être exercés que par les personnes justifiant d’un préjudice résultant de l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction visée à la poursuite, ce qui n’est pas le cas du préjudice découlant du comportement consistant, pour des participants à une compétition sportive, à s’entendre pour en fausser le résultat, ce comportement n’étant que l’un des faits constitutifs de l’infraction d’escroquerie. Il appartiendra donc au club de Montpellier de saisir les juridictions civiles pour obtenir réparation des dommages que lui ont causé les personnes ayant manipulé sa compétition.
À la suite de cette décision, on peut se demander s’il ne conviendrait pas de criminaliser spécialement les comportements manipulatoires d’une compétition sportive dans la mesure où ces derniers constituent un véritable cancer pour le sport. Aujourd’hui, tel n’est pas le cas puisque seule est pénalement sanctionnée la corruption sportive. Peut-être faudrait-il aller plus loin en sanctionnant au plan pénal toute action intentionnelle de manipulation d’une compétition sportive, peu important le motif de la manipulation. Cela éviterait à tout le moins de trop solliciter les infractions classiques du droit pénal, qui doivent en principe être strictement interprétées.
En toute hypothèse, il nous semble essentiel qu’à l’avenir au moins une disposition générale du Code du sport pose une prohibition claire de tout comportement volontaire (y compris une abstention) destiné, pour quelque cause que ce soit, à modifier l’aléa d’une compétition sportive1 si l’on souhaite lutter efficacement contre le fléau de la manipulation des compétitions sportives.
Didier PORACCHIA
3 – Droits audiovisuels
Confirmation de la qualification d’éditeur des sites internet de streaming illicites
Cass. com., 6 déc. 2018, n° 17-20146. En tant que vendeur exclusif, la ligue de football professionnel (LFP) a intérêt à protéger les investissements des acquéreurs des droits audiovisuels qui versent des sommes importantes pour disposer du droit de diffuser les images des compétitions. La LFP a ainsi obtenu la condamnation d’une société de droit espagnol exploitant un site internet de streaming qui permet de visionner gratuitement les matchs de ligue 1. Dans un jugement du 19 mars 2015, le tribunal de grande instance de Paris avait ordonné à la société espagnole de supprimer sur ses sites tous les éléments permettant d’accéder aux images des compétitions françaises depuis le territoire français2. Ce litige s’est prolongé sur la question de la liquidation de l’astreinte prononcée à l’encontre de la société exploitant le site espagnol et a donné lieu à plusieurs décisions condamnant cette dernière3. L’une d’elles a fait l’objet d’un pourvoi en cassation qui a été rejeté et qui a surtout donné l’occasion à la haute juridiction de confirmer la solution selon laquelle un site de streaming illicite relève du régime de la responsabilité des éditeurs et en aucun cas de celui des hébergeurs4.
Fabrice RIZZO
Le droit exclusif d’exploitation des compétitions sportives ne concerne pas les situations constituées avant son entrée en vigueur
CE, 26 oct. 2018, n° 411819. La société Gaumont Pathé Archives (GPA) commercialise des images d’anciennes compétitions sportives. La fédération française de football (FFF) et la ligue de football professionnel (LFP) estiment que cette activité porte atteinte à leur monopole d’exploitation des manifestations qu’elles organisent, reconnu par les dispositions de l’article L. 333-1 du Code du sport. Elles ont alors saisi le TGI de Paris d’une demande visant à faire cesser cette commercialisation et à obtenir réparation de leur préjudice évalué à 1,2 millions d’euros. Le TGI s’est déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire devant le tribunal de commerce de Paris.
Le problème juridique posé était le suivant : est-il possible de considérer que, sur le fondement de l’article L. 333-1 du Code du sport, les organisateurs de compétitions sportives disposent d’un droit exclusif d’exploitation des images de leurs manifestations captées avant l’entrée en vigueur de ce texte ? La FFF et la LFP ont plaidé en faveur d’une réponse positive afin de dénier à GPA le droit de commercialiser des images d’archives sans leur autorisation.
Toutefois, l’article L. 333-1 ne donnant aucune précision sur l’assiette du droit exclusif, ni sur sa nature et sa durée, la société GPA a invité le juge consulaire à soulever la question de la conformité de l’interprétation de l’article L. 333-1 soutenue par la FFF et la LFP au regard des articles 2, 11, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, de l’article 34 de la constitution et de l’article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Saisi de cette exception d’illégalité, le Conseil d’État a alors répondu que la loi qui avait institué l’article L. 333-1 du Code du sport n’ayant pas prévu d’effet rétroactif, elle ne disposait que pour l’avenir sans pouvoir saisir des situations définitivement constituées avant sa publication5. Dans ces conditions, le juge administratif a estimé que l’article L. 333-1 du Code du sport ne méconnaît aucune des dispositions constitutionnelles invoquées.
Aussi, sur le fondement de ce texte du Code du sport, les organisateurs ne peuvent pas revendiquer un droit exclusif d’exploitation sur les manifestations sportives qu’ils ont organisées avant l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1992 qui avait consacré ce monopole d’exploitation.
Fabrice RIZZO
4 – Contrats de sponsoring
La clause prévoyant une indemnité maximum en cas de résiliation anticipée du contrat est une clause pénale et non une clause de dédit
Cass. 1re civ., 5 déc. 2018, n° 17-22346. Le club de rugby de Toulon et son équipementier Puma ont conclu des contrats successifs, dont le dernier contenait une clause intitulée « résiliation anticipée du contrat » et qui prévoyait qu’en cas de changement de marque d’équipements sportifs par le club avant le terme du contrat, Puma avait la possibilité de résilier la convention en réclamant une pénalité d’un montant maximum de 450 000 euros. Comment qualifier cette clause ? Au surplus, le club pouvait-il être condamné à verser des sommes en sus de celles prévues dans cette stipulation ? Telles sont les questions auxquelles répond la Cour de cassation dans son arrêt inédit rendu le 5 décembre 20186. Sur le premier point, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel qui avait retenu la qualification de clause pénale. Pour ce faire, elle se fonde sur un ensemble de constatations des juges du fond : clause insérée dans un article relatif à la résiliation du contrat à l’initiative de l’équipementier, caractère comminatoire résultant du montant particulièrement élevée de la somme mentionnée, somme expressément qualifiée de « pénalité » par les parties… La Cour de cassation, exerçant en l’occurrence un contrôle approfondi de la qualification de la clause, a alors jugé que la cour d’appel avait « ainsi fait ressortir que cette clause avait pour objet de contraindre le RCT à exécuter le contrat jusque son terme et d’évaluer de manière forfaitaire le préjudice subi par la société », ce dont elle a « exactement déduit qu’elle s’analysait en une clause pénale et non de dédit permettant au RCT de dénoncer le contrat moyennant le versement de la somme de 450 000 euros ». En somme, le montant prévu ne constituait pas le prix d’une prérogative potestative accordée au club, mais au contraire le prix de sanction par le club de son obligation de se maintenir dans le lien contractuel ! Une question pouvait se poser néanmoins : le fait que ce montant soit plafonné n’excluait-il pas la qualification de clause pénale au profit de celle de clause limitative de responsabilité, laquelle a précisément pour objet de caper le montant des dommages et intérêt dus en cas d’inexécution ? À dire vrai, les deux qualifications ne sont pas exclusives l’une de l’autre dès lors que le montant de la clause est inférieur au préjudice effectivement subi, ce qui semble être le cas en l’espèce puisqu’en cause d’appel, le club avait été condamné à verser 730 000 euros à son équipementier. Précisément, c’est là l’objet de la critique formulée dans le second moyen : à retenir la qualification de clause pénale, la cour d’appel pouvait-elle allouer à Puma une somme supérieure au montant stipulé comme plafond ? Pour ce faire, les juges du fond avaient jugé que l’équipementier pouvait demander réparation, en sus, du défaut d’exécution du contrat par le club pour les deux saisons qui restaient à courir, ce dommage étant distinct de celui résultant du seul changement d’équipementier. La cassation intervient aux visas des articles 1147 et 1149 du Code civil dans leur version applicable à l’espèce. Selon la Cour de cassation, « en statuant ainsi, sans expliquer en quoi le préjudice résultant du changement d’équipementier avant le terme du contrat était distinct de celui causé par le défaut d’exécution du contrat par le RCT pour les deux années à courir, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ». Il ne s’agit donc pas d’une censure de principe. C’est en l’occurrence une insuffisance de motivation qui est reprochée à travers la cassation pour défaut de base légale. Cela étant, on imagine difficilement la cour d’appel de renvoi motiver de manière convaincante une distinction entre les deux préjudices ! Le changement d’équipementier a bien, pour conséquence principale, que le club n’exécutera pas ses obligations pendant les deux années de contrat qui restaient à courir.
Claude-Albéric MAETZ
Contrats de parrainage et exception d’inexécution
CA Aix-en-Provence, 17 mai 2018, n° 17/09665. L’exceptio non adimpleti contractus est désormais consacrée dans l’article 1219 du Code civil. Elle était déjà, avant la réforme, une institution traditionnelle du droit des contrats régulièrement convoquée par le débiteur aux fins de justifier l’inexécution – en principe provisoire – de ses propres obligations. Hier comme aujourd’hui, l’efficacité de ce moyen de défense nécessite de prouver l’inexécution elle-même et au-delà, la gravité de celle-ci. Et le juge d’être particulièrement vigilant afin d’éviter son instrumentalisation. C’est ce dont témoigne l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 17 mai 2018 (n° 17/09665). En l’espèce, un contrat de partenariat avait été conclu entre le club de football professionnel de Nîmes et l’un de ses sponsors, le premier reprochant au second de ne pas s’être acquitté des quelque 30 000 euros dus au titre de ladite convention. Sans contester qu’il n’avait pas procédé au règlement, le débiteur faisait valoir que son inertie était justifiée par la volonté de ne pas associer son image au scandale des matchs truqués lors de la saison 2013/2014, lequel scandale avait éclaboussé le club gardois quelques mois plus tard. Sur le fond, le motif pouvait être entendu : l’image de marque d’un partenaire peut en effet être entachée par ce type d’évènement. Néanmoins, pour écarter l’exception d’inexécution et donc confirmer l’injonction de payer, la cour d’appel relève une incohérence de calendrier. Elle constate en effet que l’affaire des matchs truqués a été révélée fin 2014/début 2015 cependant que la convention prévoyait des dates de règlement successivement le 24 juillet 2014, puis au plus tard le 15 octobre 2014, le 15 décembre 2015 et le 15 février 2015. Cette motivation appelle plusieurs remarques. En premier lieu, et à considérer à juste titre que la date de révélation de l’affaire est décisive, le constat selon lequel l’affaire « aurait été révélée fin 2014/début 2015 » constitue, selon les termes de la Cour de cassation, un motif dubitatif qui trahit un vice de motivation. En second lieu, pourquoi ne pas ventiler d’un côté les défauts de paiement potentiellement justifiés – ceux correspondant aux échéances de juillet et d’octobre 2014 – et ceux postérieurs à la révélation des évènements ? Sauf, le cas échéant, à identifier dans la convention une clause de déchéance du terme, ce que la Cour ne fait pas en l’espèce. Au-delà, on peut légitimement se demander si le biais de l’exception d’inexécution était le plus approprié, tant l’évènement qui la sous-tend a vocation à produire ses effets négatifs irrémédiables dans la durée, de sorte que l’exécution attendue devient alors impossible. Pourquoi ne pas avoir alors sollicité, en pareille hypothèse, la résiliation du contrat aux torts du club ?
Claude-Albéric MAETZ
5 – Contrats de transfert (…)
6 – Contrats de billetterie
L’article L. 313-6-2 du Code pénal prohibant la vente ou la cession irrégulière de titres d’accès à une manifestation sportive est conforme à la constitution
Cons. const., 14 déc. 2018, n° 2018-754 QPC. La Cour de cassation avait été saisie par la société Viagogo d’une question prioritaire portant sur la constitutionnalité de l’article L. 313-6-2 du Code pénal au regard notamment du principe de nécessité des délits et des peines. Ce texte sanctionne « le fait de vendre, d’offrir à la vente ou d’exposer en vue de la vente ou de la cession ou de fournir les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d’accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l’autorisation du producteur, de l’organisateur ou du propriétaire des droits d’exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle ». Constatant la nouveauté et le caractère sérieux de la question, la chambre criminelle a décidé de la transmettre au Conseil constitutionnel7. L’auteur de la question se recommandait notamment d’une décision du 10 mars 2011 dans laquelle le même conseil avait déclaré contraire à la constitution l’article 53 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011, lequel interdisait la revente de billets d’entrée ou de titres d’accès sans accord préalable des organisateurs8. Le Conseil avait alors décidé qu’en réprimant, pour préserver les droits des producteurs, organisateurs ou propriétaires de droits d’exploitation, pour l’ensemble des manifestations culturelles, sportives ou commerciales, la seule revente proposée ou réalisée sur un réseau de communication au public en ligne pour en tirer bénéfice, le législateur s’était fondé sur des critères manifestement inappropriés au but poursuivi. Or selon le Conseil dans sa décision du 14 décembre 2018, l’article L. 313-2-6 du Code pénal ne souffre pas des mêmes vices. Pour déclarer le texte conforme à la constitution, il a tout d’abord relevé que « la mise en œuvre de certaines mesures de sécurité, comme les interdictions administratives ou judiciaires d’accès à ces manifestations ou le contrôle du placement des spectateurs, qui reposent sur l’identification des personnes achetant ces titres, peut être entravée par la revente des titres d’accès ». Il a ensuite constaté que ce texte permettait de garantir l’accès du plus grand nombre à ces manifestations en luttant contre une augmentation artificielle des prix, et que la prohibition ne s’appliquait en tout état de cause que si le producteur, l’organisateur ou le propriétaire des droits n’avait pas autorisé la cession des titres. Enfin, et surtout, le Conseil énonce qu’il « résulte des travaux parlementaires qu’en ne visant que les faits commis « de manière habituelle », le législateur n’a pas inclus dans le champ de la répression les personnes ayant, même à plusieurs reprises, mais de manière occasionnelle, vendu, cédé, exposé ou fourni les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d’accès à une manifestation ou à un spectacle ». Et le Conseil d’en déduire que le texte soumis à son examen n’est contraire ni au principe de nécessité, ni au principe de légalité des délits et des peines.
Claude-Albéric MAETZ
7 – Exploitation de l’image des sportifs
Précisions réglementaires sur les contrats d’exploitation de l’image individuelle des sportifs conclus avec leurs clubs employeurs
D. n°2018-691, 1er août 2018 : JO, 3 août 2018 – C. sport, art. D. 222-50. Nous avions indiqué lors d’une précédente chronique9 qu’aux termes de l’article L. 222-2-10-1 du Code du sport, issu de la loi n° 2017-261 du 1er mars 2017, les clubs peuvent conclure une convention d’image avec leurs joueurs et entraîneurs qui ne peut pas être qualifiée de contrat de travail et dont les redevances versées à ces derniers ne constituent ni un salaire, ni une rémunération réglée en contrepartie ou à l’occasion du travail au sens de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale10. Ce texte prévoit qu’un décret d’application doit déterminer les catégories de recettes générées par l’exploitation commerciale de la notoriété du sportif ou de l’entraîneur susceptibles de donner lieu au paiement de la redevance. C’est chose faite avec le décret n° 2018-691 du 1er août 2018, intégré à l’article D. 222-50 du Code du sport (D. n° 2018-691, 1er août 2018 : JO 3 août 2018) qui était particulièrement attendu par les acteurs professionnels des principales disciplines collectives.
Tout d’abord, l’article D. 222-50, alinéa 1er, indique que le contrat d’image doit être établi entre les joueurs ou les entraîneurs et les clubs, sans pour autant interdire, selon nous, aux derniers d’agir par l’intermédiaire d’une filiale et aux premiers d’être représentés par une société commerciale chargée d’exploiter les éléments de leur notoriété11.
Ensuite, au moyen d’une formule qui ne brille pas par sa clarté, l’alinéa 2 définit l’exploitation individuelle par le club de la notoriété du sportif ou de l’entraîneur comme étant « l’utilisation ou la reproduction, associée à celle de l’association ou de la société sportive sur un même support, d’une manière identique ou similaire de l’image, du nom ou de la voix d’au moins un sportif ou entraîneur professionnel ». À première vue, l’objet du contrat réside dans l’exploitation de l’image des joueurs et entraîneurs associée à celle de leur club telle qu’elle est définie par la convention collective nationale du sport (article 12.11) et les accords collectifs du rugby (article 7) et du basket-ball (article 14) mais pas du football car l’article 280 de la charte du football professionnel diffère quelque peu sur ce point. Néanmoins, contrairement aux conventions et accords collectifs précités, le décret ne distingue pas entre les images associées individuelles et collectives. Quel que soit le nombre de joueurs dont l’image sera exploitée, il s’agira nécessairement d’une exploitation spécifique à la situation de chacun d’eux. Le contrat doit mettre en œuvre une exploitation « individuelle », c’est-à-dire sur mesure de l’image associée du joueur ou de l’entraîneur concerné.
Enfin, l’article D. 222-50 identifie les catégories de recettes résultant de la commercialisation de la notoriété du sportif ou de l’entraîneur susceptibles de justifier le paiement de la redevance. Il s’agit des recettes tirées des contrats de parrainage et de commercialisation des produits dérivés au travers desquels le club peut exploiter individuellement l’image, le nom ou la voix d’au moins un sportif ou entraîneur professionnel. Sont exclues les sommes relevant de la cession des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives, les recettes de billetterie et les subventions publiques prévues à l’article L. 113-2 du Code du sport. La rédaction approximative du texte contraint les acteurs du sport à répondre à plusieurs questions. Sans prétendre à l’exhaustivité, il est déjà possible d’en relever quelques-unes. Principalement, comment répartir les recettes éligibles au dispositif entre les différents joueurs et entraîneurs concernés ? Dès lors que le texte vise l’exploitation individuelle de la notoriété des sportifs, le club doit-il être en mesure de démontrer que le montant des différentes redevances allouées aux sportifs et entraîneurs correspond exactement aux recettes résultant des contrats de parrainage et de vente des produits dérivés ? Cela impliquerait vraisemblablement que les conventions de sponsoring et de merchandising autorisent les partenaires des clubs à utiliser les principaux éléments de la notoriété de leurs joueurs et entraîneurs et identifient précisément les bénéficiaires des redevances d’image. De même, les clubs auraient peut-être intérêt à distinguer dans leurs contrats commerciaux les recettes susceptibles d’alimenter les redevances d’image de celles totalement indépendantes de l’exploitation de la notoriété des sportifs. S’agissant des modalités de calcul des redevances, il apparaît certain que celles assises sur les contrats d’exploitation des produits dérivés du club seront aléatoires car fonction du chiffre d’affaires généré. Il sera donc compliqué de mettre en place des minimums garantis au profit des joueurs sauf à ce que ces derniers acceptent de reverser au club le trop-perçu si les recettes du merchandising sont finalement inférieures au montant espéré12. Quant à la périodicité du versement des redevances, les parties devraient retrouver les joies de la liberté contractuelle.
Pour conclure ces brèves observations, il faut également s’interroger sur l’application de la TVA à la redevance13 et sur l’intégration dans la catégorie des recettes de parrainage des produits relevant des contrats de prestation de services conclus avec les collectivités territoriales sur le fondement de l’article L. 113-3 du Code du sport.
Fabrice RIZZO
8 – Publicité (…)
9 – Tabacs et alcools (…)
Notes de bas de pages
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1.
Rapp. Convention sur la manipulation des compétitions du 18 sept. 2014, Comm. com. électr. 2015, chron 10 § 3, obs. Poracchia D., qui précise cependant que la manipulation ne peut être constituée que si le manipulateur recherche un avantage pour soi-même ou pour autrui.
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2.
TGI Paris 19 mars 2015, n° 14/16629, Ligue de football professionnel : LPA 11 sept. 2015, p. 8, note Signorile A. ; Comm. com. électr. 2015, comm. 42, obs. Loiseau G. ; Dict. perm. dr. sport 2015, p. 5, n° 223, obs. Renard A. ; Comm. com. électr. 2015, chron. 10, obs. Rizzo F. ; Cah. dr. sport p. 169, n° 41, note Bouniol R.). Il faut souligner que le juge de l’Union européenne a également considéré qu’une chaîne de télévision peut interdire que les rencontres sportives qu’elle diffuse à titre onéreux sur internet soient rendues accessibles gratuitement à tous par l’intermédiaire de liens hypertextes (CJUE, 9e ch., 26 mars 2015, n° C-279/13, C More Entertainment AB c/ Linus Sandberg : Europe 2015, comm. 201, obs. Gazin F. ; Dict. perm. dr. sport 2015, p. 5, n° 223, obs. Rebier V. ; Comm. com. électr. 2015, chron. 10, obs. Rizzo F. ; Propr. intell. 2015, p. 276, n° 56, obs. Bruguiere J.-M. ; RLDI 2015, p. 25, n° 116, note Dormont S.).
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3.
TGI Paris, 9 oct. 2015, n° 15/82726 ; CA Paris, 26 janv. 2017, n° 15/24152, Sté Puerto 80 Projects SLU ; TGI Paris, 26 avr. 2017, n° 17/80174, Ligue de football professionnel – CA Paris, 29 mars 2018, n° 17/09966.
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4.
Cass. com, 6 déc. 2018, n° 17-20146.
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5.
CE, 26 oct. 2018, n° 411819 : Jurisport 2019, p. 37, n° 194, obs. Honorat E. ; Jurisport 2019, p. 8,n° 193, obs. Lagarde F. L’ordonnance n° 2006-596 du 23 mai 2006 relative à la partie législative du Code du sport n’ayant pas été ratifiée, la question prioritaire de constitutionnalité était exclue et il appartenait au Conseil d’État de se prononcer sur la légalité de l’interprétation de l’article L. 333-1 du Code du sport défendue par la FFF et la LFP.
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6.
Cass. com., 5 déc. 2018, n° 17-22346 : JCP G 2019, 167, note Bucher C.-E.
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7.
Cass. crim., 26 sept. 2018, n° 18-90022.
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8.
Cons. const., 5 mars 2011, n° 2011-625 DC.
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9.
LPA 14 août 2017, n° 128w2, p. 11, obs. Rizzo F.
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10.
Karaa S., « Le contrat d’exploitation de l’image du sportif professionnel », Jurisport 2018, p. 21, n° 186.
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11.
Dans ce cas, le sportif doit tenir compte des incidences fiscales du mode de transfert à sa société d’image des droits d’exploitation de sa notoriété, v. Chartier E. et Bellet J., « Le régime fiscal de l’artiste ou du sportif en droit interne », Actes prat. strat. patrimoniale 2018, p. 12, n° 4 ; De la Mardière C., « Le droit à l’image des footballeurs : aspects fiscaux et sociaux », Dr. fisc. 2018, p. 28, n° 36.
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12.
Aumeran X., « La redevance versée aux sportifs et entraîneurs professionnels salariés», JCP S 2018, act. 265.
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13.
Saurel J., « La rémunération de l’exploitation de l’image individuelle : un mirage fiscal pour les sportifs ? », www.droitdusport.com, Actualités, 31 mars 2017.