Insolite : Quand les boules de neige conduisent au tribunal

Publié le 21/11/2024

La météo du moment peut donner envie de tenter une bataille de boules de neige.  Mais prudence si vous ne voulez pas finir au tribunal, ou pire : au chômage…

Insolite : Quand les boules de neige conduisent au tribunal
Photo : ©AdobeStock/PB Studio (IA)

Le « gardien » de la boule de neige

Commençons par un étrange débat sur le contrôle juridique des boules de neige soumis à la Cour de cassation dans les années quatre-vingt. L’affaire démarre par une bataille de boules de neige entre deux garçons, X et Y, au cours de laquelle X lance une boule de neige sur Y, le blessant à l’œil. Les parents de la victime  attaquent alors l’auteur du lancer (et surtout son assurance) pour obtenir réparation du préjudice…

Le 6 février 1981, la cour d’appel de Versailles donne raison aux parents Y, estimant X responsable des blessures de son copain Y, puisqu’il est à l’origine du lancer litigieux. Les parents X se présentent alors devant la 2e chambre civile de la Cour de cassation avec un contre-argument assez inattendu : la responsabilité de leur fils ne peut être la seule en cause, puisque la victime a elle-même commis une faute, laquelle est à l’origine réelle du dommage subi !

Mais quelle faute ? Eh bien, c’est Y qui a ramassé un tas de neige par terre, lui qui en a fait une belle sphère, lui qui l’a lancée sur X… X s’est ensuite contenté de ramasser le projectile glacé à ses pieds pour le retourner à l’envoyeur ! Malheureusement, en le blessant. Dès lors, la victime a implicitement accepté une part de risque en démarrant un tel jeu dangereux. Et puisque la boule est sa propre création, Y est aussi un peu responsable des dommages causés par son œuvre ! Il a fabriqué une arme qui s’est retournée contre lui…

Plutôt malin, mais inexact pour la cour qui répond qu’à partir du moment où Y ramasse la boule de neige, il « acquiert un pouvoir indépendant sur cette chose dont il possède la direction et le contrôle » et que, par ailleurs, aucune responsabilité de la victime ne peut être retenue, quand bien même elle aurait initié la bataille, puisqu’il s’agit d’un « jeu non dangereux ».

Les boules (de neige) dans le slip

Tout récemment, une affaire de boule de neige a conduit au licenciement d’un salarié… Citons la lettre de licenciement reçue par ce mécanicien employé dans un garage :

« Le 5 mars 2018, vous et vos collègues de travail avez été interpellés par la police pour des faits commis sur votre lieu de travail. À l’issue d’une garde à vue prolongée, vous et vos collègues avez reconnu les faits qui vous sont reprochés.

Il s’avère qu’avec la complicité de votre responsable, vous et vos collègues avez introduit une personne étrangère à l’entreprise dans les locaux de notre centre auto après la fermeture de notre magasin, alors que cela est strictement interdit par notre règlement intérieur.

Cette personne, handicapée psychomoteur à 80 % et très vulnérable psychiquement, par ailleurs placée sous curatelle, a été l’objet de votre part et de vos collègues de travail d’actes particulièrement dégradants, notamment à connotations sexuelles.

Pris en photo et filmé au sein de nos locaux, ces images ont ensuite été diffusées par vous et vos collègues sur les réseaux sociaux. »

Cependant, le mécanicien en question, contrairement à ses collègues, a été relaxé des faits de violences physiques et sexuelles. Il a uniquement reconnu, au tribunal, avoir « mis une boule de neige dans le pantalon de la victime, en pleine journée, en dehors des locaux du centre ». Or, si les magistrats de la cour d’appel de Paris semblent considérer que ces agissements auraient pu justifier le licenciement du mécano, la « cour relève que la lettre de licenciement ne vise pas le fait d’avoir introduit une boule de neige dans le pantalon de la victime, les faits s’étant déroulés dans la journée à l’extérieur, ni ne lui fait grief de ne pas l’avoir alerté sur ce qui se produisait. Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse » ! Et l’employeur de lui verser une indemnité de 3 700 € à ce titre…

Le sourd, l’aveugle et la boule de neige

Concluons en résumant l’arrêt du 4 décembre 2008 de la cour d’appel de Paris rendu dans une autre affaire : ne commet pas de faute l’entreprise organisatrice d’un voyage à la montagne pour personnes handicapées qui ne prend pas de mesure préventive afin d’éviter que l’un des salariés ne soit blessé par un collègue au cours d’une bataille de boules de neige. La victime, malentendante, n’ayant pas bien entendu que le projectile lui était lancé par son collègue en plein visage de façon accidentelle, celui-ci étant malvoyant…

Bonsoir !

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