Tribunal de Meaux : Il frappe sa compagne enceinte de sept mois… mais s’en excuse !

Publié le 05/08/2024

Youssef sera fixé sur son sort mercredi 7 août. Il a demandé un délai pour préparer sa défense, accordé de droit aux audiences des comparutions immédiates. Escorté dans le box du tribunal de Meaux (Seine-et-Marne), il a tenu « à [s’]excuser auprès de madame », présente dans la salle, qu’il a rouée de coups. Le bébé qu’elle porte est sain et sauf.

Tribunal de Meaux : Il frappe sa compagne enceinte de sept mois... mais s’en excuse !
Salle d’audience au Tribunal judiciaire de Meaux (Photo : I. Horlans)

 Youssef est un Italien de 20 ans, qui paraît en avoir 15. Il porte le maillot d’une équipe de football de son pays natal, de la Juventus de Turin ou de l’AC Milan ; on ne distingue pas l’écusson. En revanche, on remarque ses traits juvéniles, sa pâleur et sa peur. Son avocate, Me Anne-Sophie Lance, a dû lui confirmer que le dossier se présente mal. D’abord parce qu’il a agi en récidive, cette fois contre « une personne vulnérable », ainsi définie par le Code pénal – en l’occurrence, sa compagne enceinte de sept mois. Deux circonstances aggravantes qui lui font encourir jusqu’à cinq ans de prison.

Ensuite, parce qu’au moment des faits ce jeune homme était sous DDSE – détention à domicile sous bracelet électronique –, lequel a été décroché de sa cheville après son interpellation. Provisoirement ou pas.

Youssef doit répondre de violence aggravée, suivie d’incapacité de travail inférieure à huit jours. Assise dans la 1ère chambre correctionnelle, la main droite sur son ventre rond, Louise* s’en sort relativement bien : examinée par le légiste de l’unité médico-judiciaire, puis par un obstétricien, elle est physiquement et psychologiquement marquée mais le fœtus a été épargné en dépit des coups portés quand la future mère était au sol. Il semble s’être « acharné », confie un avocat qui a parcouru les procès-verbaux.

« Je ne me suis pas réveillé en décidant de faire du mal »

 Piteux, conscient des risques qu’il a fait courir à la jeune femme et au bébé, Youssef choisit donc de solliciter « un peu de temps » pour faire face à son procès. Accordé. Il ne reste plus qu’à étudier les éléments de personnalité, qui détermineront son avenir à court terme. Peut-on lui faire confiance et le libérer en cette mi-juillet ou convient-il de l’incarcérer d’ici au 7 août, la date arrêtée pour le juger sans trop tarder ? Première question banale, que pose la présidente Isabelle Florentin-Dombre : « Où irez-vous habiter si le tribunal vous relâche ?

– Ben, à l’adresse que vous avez…

– Ah non, certainement pas ! C’est celle de votre belle-mère et elle ne veut plus entendre parler de vous. »

Regard dépité. Incompréhension visible. Il pose les yeux sur la mère de sa conjointe (le couple n’est pas marié), également présente, avec l’air chiffon de qui implore le pardon. Pourrait-elle changer d’avis ? Que nenni. Il faut protéger l’enfant à naître.

« Je tiens à m’excuser auprès de madame », souffle-t-il. « C’est pas comme si je m’étais réveillé le matin en décidant de faire du mal à quelqu’un. » Il est peut-être sincère mais son « quelqu’un » est inapproprié.

« Il réitère les mêmes faits sous bracelet ! »

Le procureur adjoint Éric de Valroger s’oppose fermement à sa libération : « Nous lui avons accordé notre confiance en 2023 en le plaçant sous DDSE, et il réitère les mêmes faits sous bracelet ! » L’année dernière, il avait battu une autre petite amie, qu’il a quittée pour Louise. Ignorait-elle son passé ? Réponse le 7 août quand l’affaire sera étudiée au fond. De Youssef, on n’en saura guère plus. Il se dit « plombier en rupture conventionnelle » à l’issue d’une année de contrat. Il ne veut pas expliquer les motifs de son départ. Quand la juge énumère les mentions à son casier judiciaire, il garde la tête baissée. Des histoires de stupéfiants, de vols avec violence en réunion.

« Madame est en danger, insiste le représentant du parquet, il ne faut pas prendre de risques. » Me Lance a beau dire qu’il « veut partir vivre chez son père dans le sud de la France », sans fournir d’adresse ni d’attestation, que cet hypothétique déménagement « pourrait rassurer la victime », qu’il est loisible de « renforcer son contrôle judiciaire », elle ne convainc pas les magistrats.

Selon les dernières statistiques établies par le ministère de l’Intérieur, les violences contre les femmes en 2023 ont atteint un chiffre record : 444 700 victimes. Une hausse de 7 % par rapport à 2022 ; 54 % d’entre elles ont été agressées dans leur cadre familial, et 134 sont mortes.

Des données factuelles qui incitent les juges à maintenir Youssef en prison. Les autres raisons lui sont expliquées par Mme Florentin-Dombre : « Vous êtes en état de récidive légale. Vous pourriez exercer des pressions sur la plaignante. Enfin, nous voulons être certains que vous vous présenterez à l’audience du 7 août. Vous comprenez ?

– Oui », confirme Youssef, complètement défait.

Mère et fille, rassérénées, quittent le palais de justice. Louise tient toujours son ventre sous sa blouse à volants.

 

* Prénom modifié

 

 

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