Tribunal de Pontoise : « Ce n’est pas de la maîtrise de frapper sa compagne »
Les hommes prévenus de violences conjugales admettent rarement leurs torts, rejettent la faute, minimisent. Pas Hakim, pourtant récidiviste, qui pose un regard lucide et intransigeant sur ses troubles et le comportement qui l’a amené à commettre des violences sur sa compagne.
De trois quarts dans le box, un corps massif habillé d’un blouson Schott bleu foncé, une grosse tête aux cheveux bruns ras, un prévenu calme qui déplore son geste, lucide et dépité. Hakim a commis des violences sans ITT contre sa compagne, et la récidive légale l’a conduit en audience de comparution immédiate, ce lundi 8 avril. C’est le 3e dossier de cette nature qui défile ce jour-là, et le premier prévenu qui admet tout, sans ambages, sans minimiser, sans rejeter la faute. C’est également le premier prévenu avec qui la présidente parvient à avoir une discussion que l’on pourrait qualifier de constructive.
Les faits se déroulent ainsi : Hakim et sa compagne sont chez eux, ils ont une discussion houleuse. Elle vient de rentrer du travail et l’a trouvé ivre, cela l’irrite. Elle lui reproche sa consommation d’alcool, lui sa consommation de stupéfiants. Ça vire à l’engueulade, tandis qu’Hakim continue d’enquiller les canettes de bière. Alors qu’ils se hurlent dessus, il décide de s’isoler sur le balcon, le casque sur les oreilles, « une canette à la main », précise la présidente. Il rentre dans l’appartement, nullement apaisé, la scène reprend et Hakim se laisse déborder par sa colère : « Vous la poussez contre le plan de travail, elle se fait mal au dos. Puis vous tapez contre le meuble de la cuisine car vous étiez énervé, et vous tapez aussi dans la fenêtre ?
—Oui, c’est ça. J’ai une force de bœuf et j’étais alcoolisé.
—Il n’y a pas grand-chose à dire de plus. Madame n’est pas allée aux UMJ. L’enquête de voisinage n’a rien donné, sinon qu’un voisin confirme avoir entendu une dispute.
—À partir du moment où je l’ai poussée, y’a eu un moment de silence car j’étais choqué par ce que je venais de faire. » Elle a appelé la police, il a fait sa valise.
« J’ai honte, j’ai pas de mots »
La présidente dit : « Les violences vous les reconnaissez mais vous dites ‘pour moi c’est énorme d’être accusé de violences conjugales’.
—C’est parce que j’ai honte, après tous les efforts que j’ai faits, de me retrouver là, j’ai pas de mots.
—Expliquez-nous comment c’est arrivé.
—La dispute est intervenue sur ma consommation d’alcool et sur sa consommation de stupéfiants, mais également sur mon impuissance naissante, et depuis quelque temps c’était des remarques acerbes.
—Monsieur il y a toujours un contexte dans les violences conjugales, des reproches que l’on trouve injustes.
—Mais je ne trouve pas injuste de me retrouver là, c’est parfaitement normal.
—Elle dit que vous avez commencé à boire à 10 h 30.
—Non, elle n’était pas à la maison, elle ne peut pas savoir. Je ne commence jamais à boire avant 11 heures. »
La conversation se poursuit sur la problématique alcoolique.
« Se retrouver là, c’est un vrai choc »
Hakim : « C’est passé d’une consommation journalière à une consommation le week-end, il y a une vraie gestion de la consommation.
—Vous parlez de ‘maîtrise’ en garde à vue. J’entends que vous avez évolué par rapport à ça, toutefois le fait que vous êtes là aujourd’hui montre que l’addiction n’est pas maitrisée, parce que ce n’est pas de la maîtrise de frapper sa compagne et de se retrouver là.
—Je suis tout à fait d’accord. Je n’en ai jamais pris la mesure, et se retrouver là, c’est un vrai choc. »
La présidente semble chercher un papier. « Je vois que je n’ai pas d’enquête concernant monsieur. » Elle se tourne vers la procureure. « C’est embêtant. Ah ! » Elle tire une feuille du dessous de la pile. « Une enquête concernant Monsieur, qui était cachée. »
Vingt-six ans, en CDD dans la sécurité. Impulsivité, consommation d’alcool : l’enquête dit la même chose que son casier judiciaire. « Quand je reprends votre casier judiciaire, il y a une dimension … violences, outrage rébellion, y’a peut-être un problème avec les forces de l’ordre.
—Il y a eu un problème avec l’autorité.
—Dégradations et vols. Vous voliez ?
—Des choses très futiles, toujours alcoolisé.
—Vous n’avez jamais été incarcéré ?
—Non, jamais.
—Donc là, c’est la première fois que vous êtes incarcéré. Vous saviez que ça allait finir par arriver.
—Absolument.
—L’addictologue, vous le voyez à quelle fréquence ?
—Tous les mois. Ce serait bien de revoir ça.
—Vous avez toujours le sursis probatoire en cours ?
—Je ne saurais vous dire. »
« Trois sursis probatoires, ça fait beaucoup »
La procureure rebondit : « Monsieur a déjà eu trois sursis probatoires, ça fait beaucoup. Habituellement quand il y en a tant, le parquet ne requiert pas de sursis, mais moi je pense que c’est indispensable. Il faut qu’il prenne conscience. » Elle demande 12 mois dont 6 mois avec sursis probatoire pendant deux ans (interdiction de contact, de paraître au domicile de la victime, obligation de soins et de travail, avec exécution provisoire).
La défense ne conteste ni la culpabilité, ni la peine. Elle donne une précision : « Ce qu’il ne vous a pas dit c’est que toute son enfance il a vu sa mère se faire frapper. Il a grandi dans un environnement toxique où la violence était courante ». Sa dernière condamnation est consécutive à des violences commises sur son beau-père, celui qu’il a vu toute sa vie frapper sa mère.
Finalement, Hakim a le dernier mot : « Je ne souhaite pas retourner en détention. J’avais pas saisi la mesure jusqu’à y a deux jours de ce que c’était une prison, et c’est pas cool. » Le tribunal, en le condamnant aux réquisitions, l’a entendu.
Référence : AJU433941