Tribunal de Pontoise : « Deux balles ‘une pour moi, une pour mon fils’ »

Publié le 06/11/2024

Le tribunal de Pontoise juge un homme de 38 ans, prévenu pour menaces et harcèlement sur son ex-compagne. Jaloux, possessif et alcoolique, Salim fait vivre un enfer à Loubna et à leur fils depuis des mois.

Tribunal de Pontoise :  « Deux balles ‘une pour moi, une pour mon fils’ »
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Avant, Salim et Loubna étaient amoureux. Ils ont eu un enfant et vivaient heureux tous les trois dans une maison. Et puis, la relation s’est détériorée, Salim est devenu ombrageux et menaçant, colérique et suspicieux ; de cette jalousie maladive, il l’accablait chaque soir. Il lui faisait des réflexions sur sa supposée infidélité et jouait la partition de l’écorché vif, l’amoureux affligé trahi par l’être aimé. Aux policiers, il a déclaré : « Un jour, j’ai trouvé des taches de sperme sur le canapé et je l’avais vu parler avec le voisin, alors j’ai tenté de la confronter, mais elle n’a rien voulu admettre ». C’est dire ce que Loubna subissait… Cela s’est soldé par une rupture. Loubna est restée dans la maison et Salim est parti ruminer plus loin.

L’alcool était déjà présent, mais il est devenu un carburant presque quotidien autant qu’un anesthésiant aux sentiments tourmentés qui affligent Salim, le ressentiment et le désespoir, la hargne. L’ivresse le désinhibe bien sûr, ce qui peut aboutir à 52 appels à Loubna en une seule matinée. Des messages qui disent « je t’aime » et d’autres « je vais te détruire », des mots désespérés et des formules menaçantes qui pèsent sérieusement sur les nerfs de l’ex-femme. Un jour, il s’est tailladé l’avant-bras pour écrire sur le mur du salon un mot d’amour avec son sang.

Menaces et harcèlement

Le 27 août, Salim a été placé en garde à vue pour menaces (de mort) et harcèlement ; le psychologue avait estimé que le retentissement pouvait être mesuré à 15 jours d’ITT psychologique. Sur le mur, il avait tagué en gros « pourquoi tu m’as trahi ». Salim a été placé sous contrôle judiciaire en attendant son jugement prochain, avec une interdiction d’entrer en contact et de paraître au domicile de Loubna et de leur fils.

Le 18 septembre, Salim a violé son contrôle judiciaire.

Il a expliqué aux policiers qu’il peignait un mur (c’est son métier) et qu’une fois la tâche accomplie, il a nettoyé la peinture avec de l’essence. Il a ensuite voulu se rendre à son ex-domicile pour prendre une douche. Malheureusement, Loubna est rentrée. Il a fait vite et a voulu partir, mais elle a appelé la police. Ils sont arrivés alors qu’il manœuvrait avec sa voiture. L’un des fonctionnaires a vu le véhicule foncer sur lui, l’a esquivé de justesse et a sorti son arme. Salim n’a pas insisté et s’est laissé interpeller. Le parquet n’a pas retenu d’infraction liée à cette manœuvre, car elle est apparue involontaire – il n’avait pas vu le policier. Néanmoins, cela dénote le climat électrique et même houleux qui a présidé à cette scène. Salim était fortement alcoolisé et de prime abord plutôt récalcitrant, voire franchement hostile, à se plier aux injonctions policières.

En arrivant au domicile, les policiers ont constaté une forte odeur d’essence et des mots doux écrits dans un cahier. Loubna a de nouveau vu un psychologue qui lui a trouvé un épuisement psychique évoluant vers un état dépressif. L’essence avait imbibé la moquette et les draps du lit précédemment conjugal. Ce 20 septembre, la présidente du tribunal correctionnel lui demande pourquoi il a fait ça : Salim répond qu’il ne l’a jamais fait. Que ce sont ses vêtements qui sentaient l’essence et que ça a imprégné la pièce. Mais, les constatations ne laissent pas trop de place au doute : l’essence trempait littéralement le matelas, qui n’a pas survécu à cette épreuve.

« Vous ne savez pas vous arrêter et ça dérape »

La présidente, qui semble compréhensive, demande : « Des choses à dire par rapport à ça ?

— Je l’aime et j’aime mon fils.

— Oui, on voit que vous l’aimez, sur les messages que vous avez écrits on voit de l’affection.

— J’étais en colère.

— C’est toujours sous l’emprise de l’alcool. Pourquoi l’alcool ? Juste pour le plaisir ?

— Je commence par le plaisir, je termine par autre chose.

— Ok, vous ne savez pas vous arrêter et ça dérape.

— Oui, mais j’ai décidé d’arrêter. »

Elle lit les nombreuses insultes qu’il a proférées. « Pourquoi ces réactions ?

— Je suis jaloux.

— Pourquoi ? Vous avez des raisons ? » Il convient que la tache de sperme sur le canapé, c’était un peu tiré par les cheveux, mais il demeure convaincu qu’elle a eu une liaison avec le voisin, même si cela ne repose sur rien d’autre que sur un certain sentiment de persécution et sur son « intolérance à la frustration », a estimé le psychiatre qui l’a examiné en garde à vue. L’expert dit aussi que Salim est très affecté par la situation. Loubna aussi. Leur fils aussi.

La présidente demande : « Comment voyez-vous l’avenir de votre couple ?

— Chacun fait sa vie.

— Est-ce que vous souhaitez dire quelque chose ?

— Je présente mes excuses et je veux quitter Paris, être loin d’elle. »

« Volonté de contrôler madame »

Avant cela, il lui faut écouter le réquisitoire du procureur qui entonne : « Il n’aurait pas dû être là et il a failli mettre le feu à l’appartement ». Puis il déroule : Jalousie pathologique, volonté de contrôler madame « car il ne supporte pas qu’elle entende mener sa vie comme elle le souhaite ». Il fait l’historique de toutes les plaintes qu’elle a déposées. Dans l’une, elle rapporte un de ses propos : « Il dit avoir acheté deux balles ‘une pour moi, une pour mon fils’ », des faits qui finalement n’ont pas été poursuivis. Le procureur pense qu’il a mis volontairement de l’essence sur le lit et qu’il s’apprêtait à y mettre le feu. Il demande 30 mois de prison, dont 18 mois avec sursis probatoire.
Pour la défense, c’est compliqué. « On est dans un dossier qui a des particularités, Monsieur apparaît à la lecture du dossier comme un personnage épouvantable qui ne se rendrait compte de rien, ne respecterait rien. Ce qui est certain, c’est que c’est quelqu’un qui manifestement a beaucoup de peur en lui. »

Après en avoir délibéré, Salim, qui comparaissait dans son bleu de travail maculé de peinture, a écopé de la peine requise par le procureur.

 

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