Tribunal de Pontoise : « Elle dit que vous ne la dénigrez sans arrêt »

Publié le 22/11/2024

Un homme de 36 ans comparaît, le 14 novembre, pour des violences sans ITT commises en récidive sur sa femme. Plus que des violences physiques, la partie civile fait le récit d’un homme méchant qui la dénigre et la trompe, la laissant dans un désarroi psychologique visible à l’audience – et qui semble agacer le procureur.

Tribunal de Pontoise : « Elle dit que vous ne la dénigrez sans arrêt »
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Le dernier dossier du soir voit comparaître Abdel, qui avait été placé sous contrôle judiciaire lors de sa première comparution, le 10 octobre. A-t-il respecté l’interdiction de contact ? Pas de risque : il ne veut plus la voir, celle qui est assise au premier rang, une femme coquette avec le feu dans les yeux, bouillonnant depuis des heures dans la salle des comparutions immédiates de Pontoise. Mina*.

Abdel est debout, à la barre ; son avocat, tout proche, lui reformule les questions car son français est encore balbutiant. « Madame dépose plainte le 8 octobre pour des faits de violence qui se seraient déroulés le 13 septembre : son mari l’aurait frappé au menton. Les violences auraient débuté en 2020, à la naissance de votre fils, puis se seraient intensifiées. Deux procédures ont donné lieu à des interdictions de contact, en 2021 et 2023. Elle vous a finalement ‘laissé une seconde chance’, a-t-elle déclaré, car vous aviez arrêté de boire, mais les violences ont finalement repris », résume la présidente. « Quelles sont vos déclarations ?

— Euh…

— (Avocat) Il n’a pas compris.

— Il vous est reproché des faits de violences.

— Il y avait une dispute, elle n’arrêtait pas de m’insulter. Elle a pris mon portable et l’a caché sous l’oreiller, et quand je suis parti le prendre, elle s’est jetée sur moi. Mais je ne l’ai pas frappée.

— Ce n’est pas ce qu’elle dit. Elle dit que vous vous êtes énervé et que vous l’avez frappée du plat de la main, on a une belle photo, on voit bien la rougeur.

— Je l’ai pas frappée.

— Donc elle ment ? Pourquoi elle dépose plainte le 8 octobre ? Elle inventait aussi, dans les autres procédures ? Elle ment à chaque fois ? Ça doit être dur de vivre avec quelqu’un qui vous accuse pour rien. Elle dit que vous ne la dénigrez sans arrêt. Charmant.

— À chaque fois, ce sont des réponses à ses insultes. »

« Il est du genre à ne pas contrôler ses émotions »

On appelle Mina à la barre qui, à la question « est-ce que vous confirmez ce que j’ai dit », laisse s’échapper un flot tumultueux de paroles :

«—  Il est du genre à ne pas contrôler ses émotions ; quand il y a un petit problème, le premier réflexe, c’est de m’insulter et de me frapper. Moi je l’ai jamais insulté. Il me dénigre devant notre petit. ‘Ta maman, c’est un âne’. Il lui a dit récemment ‘Je vais te ramener une nouvelle maman’, à un petit de 4 ans ! Il est pas bien, ça l’a vraiment affecté, le petit. C’est lui qui m’a frappée, c’est lui qui m’insulte et me dénigre. Il a une maitresse depuis un an, je ne le soupçonnais même pas. À chaque fois qu’il sort du travail, il va voir sa maitresse au lieu d’aller chercher notre fils à l’école. Il a couché avec elle dans mon lit. Il n’est pas digne de confiance, et elle l’encourage à boire parce qu’elle est complice.

— Pourquoi vous attendez le 8 octobre pour dénoncer les faits du 13 septembre ?

— J’avais un problème au travail et j’étais pas bien, ça me prenait toute mon énergie. Lui, au lieu de me remonter le moral, il m’a insultée et m’a dénigrée.

— Donc, au début, vous ne comptiez pas déposer plainte pour les violences. Pourquoi vous attendez aussi longtemps ?

— C’est pour mon fils.

— Pourtant, il s’en occupe mal.

— Je veux pas le priver d’un père.

— Ce n’est pas votre rôle, en tant que mère, de protéger votre fils ? »

« Voilà, vous avez remis dix balles »

Mina est extrêmement volubile et se répète ; elle libère tout ce qu’elle ressasse depuis des mois. La présidente demande : « Des questions ? » Le procureur répond : « surtout pas ». L’avocat du prévenu en a une, et Mina repart dans un monologue incontrôlé. « Voilà, vous avez remis dix balles », commente le procureur en faisant le geste de mettre une pièce dans une machine. Mina se tait. La présidente demande : « D’autres questions, Maître ?

— Non, je pense qu’on va épargner le tribunal. »

Au casier du prévenu, donc, deux condamnations pour des violences sur conjointe, en l’occurrence, Mina. Puis, le procureur requiert : « Tout le monde sait que les violences sur les femmes m’insupportent depuis longtemps, mais je vais être clair : avec un dossier comme ça, je ne peux pas requérir une condamnation. On a une rougeur sur une photo non datée, pouvant avoir été causée par un geste de défense », et un récit peu convaincant de la victime, qui n’explique pas dans quelles circonstances les violences sont intervenues.

L’avocat, qui avait l’air confiant depuis le début, n’a pas grand-chose à dire. « Je valide totalement la position de Monsieur le procureur et je demande aussi la relaxe. J’ai des doutes sérieux sur la matérialité des faits du 13 septembre. Madame a eu une attitude très ambivalente », dit-il, avant d’évaluer la nature de leur relation : toxique.

Le tribunal décide de relaxer Abdel.

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