Tribunal de Pontoise : « Il lui a claqué les joues avec les deux mains en même temps »

Publié le 18/09/2024

Mercredi 4 septembre, le tribunal de Pontoise juge Mouloud, un Algérien de 39 ans prévenu d’avoir frappé sa compagne en pleine rue. Son avocate débute l’audience en attaquant la procédure et, au fond, plaide la relaxe.

Tribunal de Pontoise : « Il lui a claqué les joues avec les deux mains en même temps »
Une salle d’audience au tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

 L’avocate de Mouloud a demandé que sa garde à vue soit annulée car il n’a pas été assisté d’un interprète en langue arabe alors qu’il avait indiqué ne pas parler français. Elle réclame l’annulation de tous les actes qui en découlent, dont la saisine du tribunal. La procureure requiert le rejet. Le juge se retire quelques minutes puis tranche : il annule la garde à vue et donc les actes qui en découlent, mais il demeure valablement saisi de l’affaire : des violences sur conjointe.

Le 16 mars à 13h20, les policiers d’Argenteuil sont appelés par une dame qui se trouve dans un bus et assiste à une scène de violence de couple. Ils arrivent près de l’abribus où ils retrouvent la femme qui leur décrit la scène : l’homme a envoyé plusieurs gifles à la femme et l’a poussée au sol. Plus précisément : « Il lui a claqué à plusieurs reprises les deux joues avec les deux mains en même temps. Ensuite, il l’a attrapée par le col et lui a remis une gifle main ouverte. » Les policiers cueillent Mouloud dans le parc d’à côté, où il discutait avec cette même jeune femme. La femme témoin l’identifie sur une planche photographique. Les policiers constatent que la jeune femme a les pommettes rougies et les lèvres gonflées.

« Pour moi c’est des mensonges »

Assisté d’un interprète qui parle comme une voix off produite par intelligence artificielle, Mouloud part dans des explications alambiquées : ils se dirigeaient vers le parc et parlaient d’une tâche qu’elle avait sur son pantalon et des emplois auxquels elle avait postulés, bref, de tout et de rien. Elle marchait trop lentement pour lui, alors il lui a demandé de se presser. Puis il disgresse sur la femme témoin qui aurait pu se tromper, et d’ailleurs il voudrait bien voir les caméras (inexistantes).

« — Monsieur je vous arrête. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

— Peut-être que la témoin n’avait pas compris la scène, je faisais des gestes pour qu’elle avance plus vite, et elle n’a pas compris ces gestes ? Elle a pu ne pas bien voir car elle était dans le bus et nous dans la rue.

— Comment cette dame a pu voir et décrire les gifles ?

— Ce sont des mensonges, si ça s’était vraiment passé comme ça, d’autres personnes se seraient arrêtées.

— Vous savez, il y a beaucoup d’agressions au cours desquelles les gens ne réagissent pas.

— Pour moi c’est des mensonges, ça ne s’est pas passé comme ça.

— La victime dit aux policiers qu’il n’a pas fait exprès de la gifler, donc elle dit bien que vous l’avez giflée.

— Il ne s’est rien passé.

— Elle le dit pourtant.

— Quand on faisait un câlin dans le parc, je lui ai mis des petites tapes (affectives) comme ça. C’est ça qu’elle aurait vu ?

— Non, ça elle n’a pas pu le voir, puisqu’elle était dans le bus. »

Le dialogue tourne en rond quelques minutes, le juge décide de passer à la personnalité (quelques petits boulots en intérim, casier vierge) puis il donne la parole à la procureure pour ses réquisitions. « Nous avons un témoin clef, essentiel, dit la procureure, et qui vous suffira à entrer en voie de condamnation. » Elle lit la description, selon elle très précise et très claire de la scène de violence, par la témoin qui ne va pas décrire une scène « globale », ne va pas être « approximative », mais va décrire « une succession de coups ». « Si les policiers précisent qu’il y a des traces de violences, qu’il y a des lèvres tuméfiées, c’est qu’il y en a. » A l’inverse, elle qualifie les explications du prévenu de « complètement incohérentes, n’ayant aucune crédibilité ». Elle demande six mois de prison ferme, aménageables, pour « marquer le coup », ainsi qu’une interdiction de contact de trois ans.

Un dossier « vide de preuves »

Pour l’avocate de Mouloud, ce dossier est « vide de preuves ». « Les faits sont simples, Monsieur vous les a expliqués : une discussion, peut-être une dispute ? Une scène qui a vocation à être interprétée par des gens extérieurs et qui peut être mal interprétée. Un témoin unique est sans valeur » (« testi unus, testis nullus », dit l’adage). L’avocate conteste également la situation de concubinage, puisque la relation débutait à peine et qu’ils n’avaient même pas passé une nuit ensemble.

Mouloud est finalement condamné à quatre mois de prison avec un sursis probatoire l’interdisant d’entrer en contact avec la victime.

 

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