Tribunal de Pontoise : « Inutile d’entretenir le suspense, je vais requérir la relaxe »
Un prévenu de 34 ans se présente, le 18 septembre, au tribunal correctionnel de Pontoise. Il a fait opposition à un jugement qui l’avait condamné pour des violences sans ITT contre son ex-compagne, absente à l’audience.

Un jour, Hicham a postulé pour un nouvel emploi, mais s’est heurté à un refus au motif que son casier portait mention d’une condamnation récente. Absent à l’audience, Hicham ne savait pas que, le 17 novembre 2021, il avait été condamné à six mois de prison avec sursis pour des violences sans ITT contre son ex-femme.
Il a fait opposition à ce jugement et le voici presque trois ans plus tard devant une juge de Pontoise, sans avocat, expliquant : « Je ne suis pas responsable de ce qu’il s’est passé », c’est-à-dire, selon les mots de la plaignante, une « bousculade » et un « étranglement », qui la convainquent d’appeler la police en ce mois de mai 2020.
Les policiers se présentent à leur domicile. « Sur place, rapporte la juge, Madame explique que le point de départ est un différend financier, et qu’au cours de la dispute, vous l’auriez poussée à plusieurs reprises jusqu’à la faire choir sur le canapé, où vous l’auriez étranglée. » Elle aurait ensuite tenté d’appeler la police, mais Hicham aurait tordu ses mains pour lui faire lâcher le téléphone. Sur cette dénonciation, Hicham est placé en garde à vue. Les policiers notent que trois mains courantes ont été déposées en 2018 et 2019 pour des faits de même nature.
« Vous avez la mainmise sur son quotidien »
Leur relation a débuté en 2014, au Maroc. Hicham, qui vit en France depuis 2012, fait venir sa nouvelle compagne. Prétextant ce motif, dit l’ex-compagne, « vous décidez de tout et vous avez la mainmise sur son quotidien. » Elle raconte avoir avorté une première fois à sa demande, mais a refusé la seconde fois. Il lui aurait mis une pression telle qu’elle serait rentrée au Maroc pour lui échapper. À son retour en France, il avait quitté l’appartement. Il n’est revenu que quatre mois plus tard, avec le souhait de reprendre la vie commune et d’avoir ce bébé.
Mais après la naissance, dit-elle (c’est encore la présidente qui lit) : « Son comportement a changé, il a commencé à prendre des stupéfiants et de l’alcool ». Le couple vacillant, il décide de rompre, à effet différé, pour mettre les affaires en ordre. Ce jour-là, il exige qu’elle lui remette son salaire.
C’est enfin à Hicham de parler. En effet, dit-il, « les soucis de couple ont très rapidement débuté, je dirais à partir de fin 2014. Sur les déclarations comme quoi j’étais autoritaire, je décidais de tout, je les apprends aujourd’hui. » Le procureur se lève : « C’est peu probable, les enquêteurs vous ont indiqué ce que Madame disait. »
Hicham revient sur les origines de la dispute : « On n’a jamais structuré nos dépenses et c’est moi qui réglais tout. Quand j’ai vu qu’elle se mettait de l’argent de côté, je lui ai demandé de contribuer. » Elle a refusé, il s’est énervé. Je l’ai poussée, au niveau du bassin et je suis allé me retrancher dans ma chambre. Elle m’a rejoint pour m’insulter, je l’ai sortie de la pièce en la portant et je me suis enfermé. » Il réfute l’étranglement.
« C’est une forme de violence »
« Quel est l’intérêt de madame de décrire de telles choses si elles ne sont pas arrivées ?
— Elle a fait ces démarches pour garder l’appartement tout en me faisant payer.
— Donc, pour vous, c’est intéressé ?
— C’est ce que je pense.
— Et quand vous la soulevez, comment vous considérez ce geste ?
— C’est une forme de violence.
— Le fait de repousser quelqu’un ?
— Mais c’est quelqu’un qui vient vers moi.
— Y’a pas d’autres méthodes ?
— Je suis déjà parti de chez moi. J’ai dormi chez un ami pendant cinq mois. J’ai entamé une procédure de divorce. »
« Je suis dans l’impossibilité de vous démontrer que Monsieur a commis des violences »
Le procureur surprend tout le monde : « Inutile d’entretenir le suspense, je vais requérir la relaxe. On est sur un dossier qui à la base partait sur une composition pénale. Je suis dans l’impossibilité de vous démontrer que Monsieur a commis des violences et qu’il était le seul à le faire, car je n’ai aucun élément médico-légal. » Le procureur consacre la deuxième partie de son réquisitoire à lui expliquer la procédure pour faire une requête en exclusion du bulletin n°2 de son casier judiciaire d’une condamnation routière ancienne.
La juge demande : « est-ce que ça vous parle le terme de relaxe ?
— Oui.
— Alors, interrogation surprise, qu’est-ce que c’est ?
— C’est comme une affaire classée ?
— Pas exactement. Y’a des éléments, mais ils ne sont pas suffisants. Le certificat médical est hyper court et comporte zéro jour d’ITT. Dès lors qu’on n’a pas les éléments, on ne cherche pas midi à quatorze heures et on part sur une relaxe. D’accord ? » Elle parle avec un ton doux et gentil, comme si elle expliquait à une petite fille comment faire de la confiture.
— D’accord.
— Vous avez quelque chose à dire pour votre défense ?
— Non.
— La décision sera rendue après la suspension. »
Il n’y avait pas plus de suspense pour la décision que pour le sens du réquisitoire : relaxe.
Référence : AJU471895
