Tribunal de Pontoise : « J’ai reçu des coups de marteau, des coups de couteau, mon corps est balafré de partout »

Publié le 19/04/2024

Benoît comparait libre pour des violences sur son ex-compagne qu’il qualifie de simple « bousculade ». Le problème c’est qu’il avait interdiction de l’approcher dans le cadre de son sursis probatoire.

Tribunal de Pontoise : « J’ai reçu des coups de marteau, des coups de couteau, mon corps est balafré de partout »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Benoît est prévenu, la salle est exiguë, la juge est unique, la victime est absente et les faits sont établis. Pourtant, Benoît a encore envie de parler : « Je suis allé la chercher à l’aéroport, on s’est installés dans le salon et on a commencé à boire. La conversation s’est envenimée et il y a eu une altercation. » Il est debout et la juge assise le regarde de haut (car elle est surélevée), mais le prend au sérieux. Toutefois, elle l’arrête : « On ne va pas refaire l’enquête. Vous n’êtes pas d’accord sur le contexte, vous avez chacun votre version des faits. Vous reconnaissez qu’il y a eu une altercation avec madame, mais pas le même type d’altercation. »

Benoît est prévenu de violences sans ITT sur son ex-compagne. « Au moment de l’arrivée des policiers dans le logement, elle reçoit des soins de la part des pompiers. Les policiers disent qu’elle est en état de choc et ils constatent des marques qui font penser à des coups sur ses bras. Comment vous expliquez les ecchymoses ?

—Je reconnais les faits de bousculade, on s’est poussés.

—Pousser quelqu’un, Monsieur, ça ne permet pas d’expliquer les ecchymoses sur les bras et l’hématome sur l’arcade.

—Dans le conflit elle s’est peut-être fait ça elle-même. En tout cas je n’ai plus de contact avec elle.

—Ce n’est pas ça qui va permettre de déterminer si vous êtes coupable. Comment vous expliquez que vous étiez en contact malgré l’interdiction qui vous était imposée dans le cadre d’un sursis probatoire ?

—On vivait ensemble, c’est moi qui payais les factures. On a des enfants ensemble.

—Les décisions judiciaires, vous n’en avez que faire ?

—Pas du tout, c’est juste que ce jour-là j’étais parti la chercher à l’aéroport, j’aurais pas dû et je regrette amèrement, mais sinon je respectais l’interdiction. »

« C’est une relation qui est extrêmement toxique »

Benoît a déjà été condamné pour des violences commises sur sa compagne. Il est donc jugé en état de récidive légale pour ce qu’il nomme, ce jeudi 3 avril devant le tribunal correctionnel de Pontoise, une « bousculade », commise à leur domicile commun, à Gonesse, le 15 octobre 2023.

Quand un prévenu ou son avocat brandissent le « contexte », c’est parfois pour justifier éhontément des violences évidentes, et d’autres fois, utilement, pour expliquer le cadre dans lesquelles les violences surviennent. L’avocat de Benoît ne peut pas faire l’économie de quelques développements : « La situation est beaucoup plus compliquée que la déposition de madame », commence-t-il. Il informe qu’une autre procédure est en cours, où cette fois-ci madame est mise en cause et Benoît, victime. Dans cette procédure, il y a les vidéos, « et la vérité, c’est que c’est une relation qui est extrêmement toxique, avec des violences réciproques. » Benoît insiste : « J’ai reçu des coups de marteau, des coups de couteau, mon corps est balafré de partout ! »

La juge écoute poliment, mais elle a assez à faire avec la dizaine de dossiers qui garnissent son bureau, pour ne pas en plus se pencher sur un dossier qui n’est pas le sien. L’autre procédure sera jugée plus tard. En attendant, c’est benoît qui est à la barre et qui, c’est désormais admis, a commis des violences sans ITT sur sa compagne.

« Je veux que tout ça s’arrête »

« Vous avez deux enfants de 10 ans et 5 ans, vous les voyez ?

—Non, mais je subviens à leurs besoins.

—Combien ?

—2 700 euros au mois de mars, 2 400 en janvier, 2 400 en février.

—Et vous êtes logé où ? (Sa compagne a gardé l’appartement de Gonesse dont il est propriétaire, ndlr)

—Chez ma mère, à Paris.

—Vous gagnez combien ?

—5 000 euros par mois.

—Quelque chose à ajouter ?

—Je veux que tout ça s’arrête, et ça s’est arrêté. À l’heure actuelle je veux juste que les enfants grandissent bien. »

Les faits et le contexte

La procureure requiert sur les faits : « Lorsque les policiers arrivent, il y a du désordre, madame en état de choc, elle a l’œil gonflé et des ecchymoses sur les bras. Monsieur n’est pas en mesure de justifier sa présence. Quand bien même madame aurait menti sur le début de la soirée, ça n’aurait aucune espèce d’importance sur les faits, qui sont établis.
Il a déjà deux condamnations pour des violences sur cette même femme, de 2015 et 2021. Un sursis probatoire qui s’est terminé fin 2023. » Elle demande 12 mois de prison aménagés ab initio en détention à domicile sous surveillance électronique.

L’avocat axe sa défense sur le contexte : « Madame fait clairement du chantage affectif sur les enfants du couple. Elle part en Tunisie seule et confie les enfants à une voisine alors qu’il a l’autorité parentale », entame-t-il. « Madame, qui ne travaille pas, vit dans l’appartement du couple. Elle perçoit entre 2 000 et 3 000 euros par mois de sa part. Il a peur de saisir le juge aux affaires familiales parce qu’il y a des enfants au milieu, peur qu’elle se serve de ça pour qu’il ne voit plus les enfants », poursuit-il. « Malgré tout il essaye de faire en sorte que les choses aillent bien, même s’il est allé trop loin », euphémise-t-il. Il demande que la peine requise soit réduite par la juge.

Benoît s’éclipse après l’audience, car il a un rendez-vous professionnel. Son avocat attend pour lui. Il note quand la présidente dit « 9 mois de prison avec aménagement ab initio en DDSE* », et ajoute, en peine complémentaire, une interdiction de contact pendant trois ans.

 

*Détention à domicile sous surveillance électronique

 

 

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