Tribunal de Pontoise : « Sans mon casier, je ne serais pas là »
Le 8 juillet 2024, le tribunal de Pontoise juge Grégory, sorti de prison un mois auparavant pour des violences sur sa compagne. Il est sous le coup d’un sursis probatoire et en état de récidive légale.
Quand Catherine voit Jessica arriver à la crèche où elles travaillent, à Argenteuil, elle comprend que quelque chose ne va pas. Dans son sillage, s’est précipité Grégory qui réclame les clefs de l’appartement pour « récupérer ses affaires ». Catherine le repousse et se penche pour rassurer son amie. Leur cheffe vient s’enquérir de la situation et elle aussi en voyant Jessica a compris que « quelque chose s’était passé ». Jessica dit qu’il n’a « pas été gentil avec elle » et que ces derniers temps il l’a forcé à des rapports sexuels, puis elle devient livide et perd connaissance.
Elle se réveille à l’hôpital Beaujon, à Clichy, d’où les soignants appellent le commissariat local : une femme vient de dénoncer des violences. Les policiers se déplacent au chevet et entendent la suite de l’histoire : ils sont en couple depuis un an, et bien qu’elle l’ait quitté après son incarcération, il est revenu vivre chez elle après sa libération (conditionnelle). Depuis un mois, il lui fait vivre un enfer, violences, insultes et menaces. Le 3 juillet, il lui aurait donné des gifles, des coups sur la tête et aurait tenté de l’étrangler. Jessica ne souhaite pas déposer plainte car elle ne veut pas qu’il retourne en prison ; néanmoins, c’est le parquet qui décide de poursuivre et les policiers de Clichy interpellent Grégory sur-le-champ et le placent en garde à vue.
C’est là qu’il leur dit (aux policiers) : « cette relation n’a débuté qu’à ma sortie de prison », rapporte la présidente du tribunal de Pontoise, qui juge Grégory pour des violences (sans ITT) sur sa compagne, lundi 8 juillet. « Je ne l’avais jamais rencontré avant le mois de juin, il y a eu beaucoup de mensonges dans ce dossier.
— (Présidente) Pourquoi elle a dit que vous vous connaissiez depuis un an ?
— Madame, ça me casse la tête depuis une semaine, je ne comprends pas.
— Selon vous, y a-t-il une explication ?
— Elle a voulu me mettre en galère, ce qui s’est passé avec son ex elle a voulu me le mettre sur mon dos. »
La présidente indique que Jessica a déposé une main courante le 17 avril suite à des problèmes de violence avec un autre homme. Soit Jessica s’est emmêlée dans son récit, soit les policiers ont mal noté, mais il semble acquis qu’en effet, ces deux-là se sont rencontrés à la sortie de prison de Grégory, au début du mois de juin. De toute façon, la période de prévention débute à ce moment-là.
« J’étais sous son emprise, comme les femmes qui sont victimes de violence »
Vingt-cinq ans et de nouveau en prison, Grégory se lamente. « En fait ça fait 3 semaines que je suis sorti, j’ai passé deux ans en détention et donc je voulais profiter un peu avant de me balancer dans le travail ». Il décrit une relation dans laquelle il serait la principale victime : « Elle était très jalouse, elle prenait mon téléphone, et je vais pas vous mentir je parlais à quelques filles, et après elle me faisait la misère.
— Et comment ça se manifestait ces violences ?
— Elle me jetait des objets, des couteaux, après je partais mais je n’avais nulle part où aller et quand je revenais elle était en petite tenue, elle m’avait fait à manger ; les petits plats que je préfère, je pouvais pas résister.
— Monsieur, pourquoi vous n’êtes pas parti ?
— J’étais sous son emprise, comme les femmes qui sont victimes de violence.
— Monsieur vous la connaissiez depuis trois semaines.
— J’avoue, vous avez raison. »
La présidente fait remarquer qu’il ne porte sur son corps aucun stigmate des violences qu’il dit avoir subi, alors que Jessica (absente à l’audience) présentait plusieurs traces sur le cou, les jambes et le buste. Grégory commente : « Pourquoi je lui aurais mis des coups sur les jambes ? » Puis, il déboutonne son polo : « J’en ai des traces, regardez !
— On n’est pas médecins, et puis de toute façon je ne vois rien d’ici. »
« C’était ça où elle me tuait »
La période de prévention retenue est : 1 juin au 4 juillet. Dans le dossier, seuls les faits du 3 juillet sont décrits : des coups à la tête et un étranglement.
« — Je souhaite vraiment pas que cette histoire aille plus loin, il y a eu beaucoup de mensonges. Je me suis excusé, mais je pouvais pas faire autrement. C’était ça où elle me tuait.
— Elle est comment ?
— Un peu plus grande, plus costaude, elle est plus forte que moi et en plus elle a fait des sports de combat », répond Grégory qui est de petite taille et de constitution fine.
La procureure intervient : « Madame s’est présentée au commissariat de Pontoise aujourd’hui en début d’audience pour déposer plainte », et personne ne sait quoi faire de cette information. Tournée vers le prévenu, la présidente lit : « Vous êtes sous sursis probatoire, et le juge d’application des peines demande la révocation de votre sursis à hauteur de 6 mois. » Grégory est également en état de récidive légale. Il commente judicieusement : « sans mon casier, je ne serais pas là.
— Ce qui nous interroge, dit la présidente, c’est que compte tenu de vos précédentes condamnations, si vous vous rendez compte que c’est une femme violente et que vous risquez aussi un passage à l’acte violent, vu vos antécédents judiciaires pourquoi vous ne partez pas ?
— Je me suis laissé baratiner.
— Mais on parle de trois semaines !
— Oui c’est vrai, je me suis attaché c’était calme chez elle et c’était propre, moi j’aime bien quand c’est propre. » Il ajoute : « Si vous pouvez me donner une interdiction ou même du sursis.
— Le sursis, ça fait longtemps que vous n’êtes plus accessible
— Mais…»
« Est-ce que ça fait de lui un homme violent ? »
La procureure considère qu’un étranglement n’est pas un « geste défensif » et qu’outre les traces sur son corps, la victime présente une détresse psychologique avérée et accentuée par son état de vulnérabilité consécutif aux violences qu’elle avait subi de la part de son précédent compagnon. Elle trouve Grégory « inquiétant » et requiert un an ferme avec mandat de dépôt en plus de la révocation de son sursis.
L’avocate en défense revient sur la confusion du récit de la victime, qui a mélangé les faits subis avant et ceux infligés par son client. Elle demande la relaxe pour la période avant le 3 juillet, et laisse le tribunal apprécier si le coup de Grégory était un geste de défense ou non. « S’agissait-il d’une histoire d’amour ? Évidemment que non, c’était de l’opportunité ; outre le fait que ce soit un goujat, est-ce que ça fait de lui un homme violent ? » Le tribunal décide que oui : il est condamné pour les faits du 3 juillet uniquement à 10 mois fermes avec mandat de dépôt, en plus de la révocation des 6 mois de sursis.
Référence : AJU456267