Tribunal de Pontoise : « J’ai peut-être pas les codes »

Publié le 15/07/2024

Vincent, 22 ans et sous curatelle, comparait devant le tribunal correctionnel de Pontoise ce mardi 2 juillet. Il est jugé pour avoir incité une mineure de 14 ans à commettre des actes sexuels.

Tribunal de Pontoise : « J’ai peut-être pas les codes »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Le grand dadais en hoodie* rouge et qui se tient les mains dans le dos devant ses juges est prévenu d’avoir commis le délit « d’incitation à commettre un acte de nature sexuelle » au préjudice d’une mineure, en l’occurrence la jeune Sarah**, tout juste 14 ans au moment des faits, par le biais d’un moyen de communication électronique entre le 28 juin et le 4 septembre 2023. Devant le tribunal de Pontoise, Vincent, 22 ans, reconnaît les faits « à 100 % ».

Le prévenu sortait avec une fille (de son âge) qui connaissait sa petite voisine depuis toujours, et c’est par ce biais qu’il a rencontré l’enfant. Il a obtenu son « Snapchat » et lui a envoyé plusieurs messages à caractère sexuel : « Je suis aux chiottes, je me masturbe » et, surtout : « si tu me suces je te donne 50 euros, rejoins-moi au parc ». Sarah, qui n’a jamais répondu à ces messages, se confie à ses amis qui le rapportent à sa maman. Mère et fille déposent plainte au commissariat de Pontoise le 28 septembre 2023.

La présidente avise Vincent : « Je précise que vous êtes sous curatelle – bonjour Monsieur le curateur (un homme assis salut la juge de la main), et que Madame la victime est présente avec sa mère. »

Reconnaissance tardive des faits

Vincent n’a pas reconnu les faits tout de suite. Il a d’abord dit qu’il pensait que la victime avait « 16 ou 17 ans », hypothèse qu’un simple coup d’œil à la jeune fille suffit à écarter, et qu’en tout cas, il ne connaissait pas son âge. L’exploitation de ses recherches Google a mis en évidence de nombreuses recherches à caractère pornographique, la consultation de nombreux sites, et des requêtes de films pornographiques visant des filles « très jeunes », dit le président. Vincent réagit : « Oui, mais je vise des jeunes majeures quand j’écris ça.

— « Quand vous écrivez ‘jeune écolière arabe baisée sodomisée ‘, vous visez 18-20 ans ? » Vincent reconnaît qu’il a un peu écrit n’importe quoi « sous le coup de l’excitation »

— Quand vous dites ce que vous dites, c’est assez explicite ?

— Oui.

— Qu’est-ce que vous en pensez ?

— C’est pas bien.

— Pourquoi ?

— Ça peut nuire à la personne. Ça ne se fait pas. »

Aujourd’hui, Vincent n’est plus avec sa petite amie de l’époque, et admet que la chose sexuelle l’a beaucoup travaillé. Aujourd’hui encore.

« Ça va comment votre vie sexuelle ?

— Je ne l’ai encore jamais fait, je fais un blocage par rapport à ça.

— Vous travaillez dessus ?

— Oui, en fait. J’ai été violé par le fils de la sœur de ma belle-mère. J’en ai jamais parlé à personne de ça. » C’est la première fois qu’il révèle cette information.

Une enfance chaotique

Si Vincent est sous curatelle, c’est qu’il souffre de sérieux troubles du neurodéveloppement, des TDAH très graves. Il est sous traitement neuroleptique et est handicapé à 80 %. Il fait un blocage sexuel (du fait de son vécu notamment) et a aujourd’hui peu de relations sociales. Le psychiatre estime qu’il n’a pas de tendance pédophile et que son discernement était altéré au moment des faits. L’avocate de Vincent précise que con client était en rupture de traitement.

Il est sous curatelle depuis sa majorité, décision de son beau-père décédé il y a quelques années – ce dont le jeune homme peine à se remettre. Il n’a jamais connu son père, et sa mère l’a abandonné quand il était tout jeune. Il a grandi en foyer et en famille d’accueil. Il vit aujourd’hui en hôtel social.

Prise de conscience et suivi psychiatrique

La procureure explique en regardant le prévenu que ses actes peuvent « mettre en danger des mineurs ». Mais elle salue la prise de conscience et demande 7 mois avec sursis probatoire renforcé (travail, soins, interdiction de contact avec la victime). Elle ne réclame pas son inscription au fichier des auteurs d’infraction sexuelle, « considérant qu’il s’agit d’une erreur de parcours peut-être liée à une rupture de soins ».

« Qui est Monsieur ? » entame l’avocate de Vincent. Elle parle de son parcours de vie chaotique. « ‘J’ai peut-être pas les codes’, c’est peut-être ça la vie de Monsieur ? Je vous avoue que moi j’étais parti sur une dispense de peine ; on est au bord de l’abolition et il a déjà un suivi psy », argue-t-elle. Le tribunal a finalement décidé de « partir sur » 4 mois de sursis simple.

 

*Sweat à capuche

**Les prénoms ont été changés.

Plan