16 femmes détenues formées aux métiers de la coiffure à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis en Essonne

Publié le 14/09/2023

Le parcours de formation « Coiffure pour l’avenir » à la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis (91) est renouvelé à partir de la fin du mois d’août 2023. Cette initiative de l’Opérateur des compétences des entreprises de proximité (Opco EP) d’Île-de-France a débuté avec une première session en 2022. L’objectif est de former des femmes détenues dans cet établissement pénitentiaire aux métiers de la coiffure. Pour l’Opco EP, c’est le moyen de participer à la réinsertion de ces personnes et de répondre aux besoins en emplois de la branche professionnelle de la coiffure. Issu de la réforme de la formation professionnelle de 2018, l’Opérateur de compétence dédié aux entreprises de proximité franciliennes accompagne 53 branches d’activité. En Île-de-France, près de 165 000 entreprises relèvent du champ de l’Opco EP pour plus de 812 000 salariés. 98 % de ces sociétés ont moins de 50 salariés. Yannick Perret, délégué régional de l’Opco EP Île-de-France, est revenu sur cette expérimentation en milieu carcéral, en Essonne. Entretien.

Actu-Juridique : En quoi consiste le projet « Coiffure pour l’avenir » mis en place à la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis, en Essonne ?

Yannick Perret : L’idée est de former des détenues aux métiers de la coiffure. C’est un premier pas dans la formation. Nous n’allons pas jusqu’à l’accès à une certification. Nous les formons pour qu’elles mettent en pratique des prestations de coiffure dans les murs de la maison d’arrêt et pour leur permettre de découvrir un secteur qui recrute. L’objectif est aussi d’offrir la possibilité à ces détenues de poursuivre cette activité sous la forme d’un contrat en alternance, au sein de l’établissement pénitentiaire ou à l’extérieur pour celles dont la peine le permet.

AJ : Concrètement, comment s’est déroulée cette formation ?

Yannick Perret : Cette première session expérimentale a duré quatre mois. La formation se déroulait principalement les matins sur un rythme de cinq jours par semaine : 7 h 30/13 h 30 à l’exception du mercredi où c’était 8 heures-12 heures et 14 h 30-16 h 30, soit au total 30 heures hebdomadaires. Deux groupes de huit personnes ont suivi cette formation. Malgré les contraintes à respecter dans la maison d’arrêt, nous avons constaté un taux d’assiduité des bénéficiaires à 98 %. C’est relativement exceptionnel. Certaines détenues n’avaient jamais tenu une paire de ciseaux. Pour la plupart, elles étaient néophytes dans le domaine de la coiffure. Néanmoins, elles étaient attirées par cette activité pour éventuellement pouvoir l’exercer ensuite. Cette formation leur a également permis d’avoir une véritable rupture dans leur quotidien en milieu carcéral. Elles ont pu se resociabiliser un peu. Une situation qui a été extrêmement précieuse pour certaines d’entre elles.

AJ : Quel est le profil des personnes qui ont suivi cette formation et comment ont-elles été sélectionnées ?

Yannick Perret : Les femmes formées étaient âgées de 16 ans à une cinquantaine d’années. La maison d’arrêt s’est occupée de la sélection, à travers un comité interne selon les prérequis définis par le GRETA. Il s’est réuni pour analyser les dossiers en fonction du profil des personnes et de la durée de leur peine. Dans une maison d’arrêt, l’incarcération ne doit pas dépasser 24 mois. Mais avec la surpopulation carcérale, il y a quelques détenues avec des peines au-delà de cette durée. La projection sur un projet professionnel varie en fonction de la peine. C’est plus facile de se projeter pour une personne avec une peine courte.

AJ : Quelles sont les parties prenantes de cette session de formation expérimentale ?

Yannick Perret : Le GRETA de l’Essonne et Synergie Family à travers leur partenaire Qwantic formation ont été sélectionnés par l’Opco EP dans le cadre d’un marché public pour assurer la prestation de formation et d’accompagnement des détenues. Le GRETA a dispensé la partie technique des métiers de la coiffure. Qwantic formation s’est occupé de l’accompagnement collectif et individuel. Nous avions intégré 50 heures d’accompagnement pour commencer à se projeter sur leur parcours à l’extérieur de la maison d’arrêt, au terme de leur peine. La région Île-de-France a apporté son concours à cette action en finançant plus spécifiquement la rémunération des détenues pendant la période de formation. C’est une indemnisation de 2,25 € de l’heure. Nous n’avons pas de ressources qui permettent de financer une indemnisation pour les personnes qui ne sont pas en emploi.

AJ : Comment avez-vous mis en place ce partenariat entre l’Opco EP et l’administration pénitentiaire ?

Yannick Perret : Le GRETA nous a mis en relation avec l’administration pénitentiaire. Cet organisme de formation avec qui nous travaillons, collaborait déjà avec les maisons d’arrêt pour femmes et pour hommes de Fleury-Mérogis. Ainsi, nous avons pu prendre contact avec Nathalie Barreau alors directrice des partenariats de ces établissements pénitentiaires. Finalement, elle est devenue directrice de la maison d’arrêt pour femmes. Les échanges initiés sur la possibilité de conduire un projet ensemble se sont précisés et concrétisées dans les mois suivants.

AJ : Quels sont les objectifs et les intérêts pour vous et pour la maison d’arrêt ?

Yannick Perret : Ce projet répondait à un besoin réellement partagé de l’Opco EP pour ses entreprises et de la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis. Dans cet établissement pénitentiaire, il y avait dans le passé un salon de coiffure, qui n’a plus été utilisé. Grâce à ce projet, la maison d’arrêt a pu proposer à nouveau ces prestations aux personnes en détention. Il y avait donc un vrai besoin de remettre en fonctionnement cet espace aménagé en salon de coiffure. C’est un moyen de proposer des prestations en matière d’entretien de soi à ses détenues. Il y a aussi le volet réinsertion important pour l’administration pénitentiaire. Se projeter sur son avenir professionnel dès la sortie permet de prévenir la récidive. Ensuite, pour l’Opco EP, la coiffure fait partie de nos 53 branches. Ce secteur est en pénurie chronique de collaborateurs. Il manque environ 12 000 coiffeurs sur l’ensemble du territoire. Il y avait donc un intérêt partagé pour ce projet de formation des détenues. Enfin, l’Opco EP est l’opérateur de compétences désigné par le ministère du Travail pour assurer le financement des contrats d’apprentissage en milieu pénitentiaire ce qui renforçait notre légitimité à initier ce projet.

AJ : Quel bilan dressez-vous de cette session de formation ?

Yannick Perret : Le bilan est très positif pour les bénéficiaires. Lors de la remise des certificats de formation pour le premier groupe le 24 janvier 2023, toutes les détenues faisaient le constat d’une action qui avait modifié leur approche de l’apprentissage. D’ailleurs, voici plusieurs témoignages de stagiaires détenues que nous avons recueillis lors des échanges pour faire le bilan de l’expérience en comité de pilotage avec les partenaires :

« Je n’aurais jamais imaginé trouver ma voie en milieu carcéral : ma formatrice dit que j’ai des mains en or » !

« Mon entourage est fier de moi, j’ai promis à mon fils de le coiffer »

« Tout le monde m’encourage, je veux passer le CAP »

Une détenue a même demandé à décaler sa sortie de quelques jours pour finir sa formation, ce qui n’était jamais arrivé dans le cadre d’une formation en milieu carcéral. Ensuite, deux postes d’auxiliaires de coiffure ont été créées au sein du salon de la maison d’arrêt des femmes permettant la signature de deux contrats pénitenciers. Ces deux personnes vont pouvoir débuter un emploi dans le domaine de la coiffure, dans le centre pénitentiaire, le temps de leur incarcération. D’autres vont poursuivre en apprentissage pour aller chercher la qualification aux métiers de la coiffure et sont suivies postformation par Synergie Family (Qwantic) et le GRETA. De notre côté, nous avons fait venir des entreprises pour une mise en relation avec la volonté de soutenir la sortie des détenues formées. Ainsi, l’accompagnement se poursuit à la sortie jusqu’à décrocher un emploi. C’est la condition de réussite de ce projet de formation en établissement pénitentiaire.

AJ : Quelles suites pouvez-vous donner après cette première session de formation expérimentale en milieu carcéral ?

Yannick Perret : En 2023, nous renouvelons cette action « Coiffure pour l’avenir » avec deux groupes de huit détenues à la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis. Le premier groupe a commencé sa formation le 28 août. Elle se terminera le 14 décembre 2023. Le deuxième groupe débutera à la fin de l’année jusqu’en avril 2024. La région Île-de-France devrait intégrer ces formations cet automne dans le renouvellement de ses marchés. À partir de l’automne 2024, l’action devrait être pérennisée au sein de la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis avec une prise en charge totale du dispositif par la région Île-de-France. En milieu carcéral, les régions ont dans leur champ de compétences la formation des détenus et cela dans le cadre de leur marché d’achat de formation. Nous avons été sollicités car le besoin de la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis ne trouvait pas de réponse. Dès lors que la région proposera une offre globale (formation et rémunération), nous nous détacherons de ce dispositif. Mais, constatant la réussite de ce projet, nous allons faire connaître cette initiative dans le réseau pour le déployer dans d’autres maisons d’arrêt lorsque c’est possible.

AJ : En quoi la réinsertion sociale peut être un enjeu important pour vous en Île-de-France ?

Yannick Perret : L’enjeu de la réinsertion sociale est très important pour l’Opco EP. En revanche, nous ne pouvons pas dissocier cet objectif des secteurs d’activité couverts par notre organisme. Nous pourrions réaliser d’autres actions qui contribuent à l’inclusion ou de réinsertion. Nous nous engageons dans la réinsertion des personnes éloignées de l’emploi dès lors que cet engagement répond aux besoins en recrutement des entreprises qui relèvent de notre champ de compétences. À ce titre nous déployons une programmation ambitieuse de préparation opérationnel à l’emploi collective (POEC) afin de permettre à des demandeurs d’emploi de reprendre un travail dans les branches avec lesquelles nous travaillons en Île-de-France mais également sur l’ensemble des territoires.

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