Pontoise : « une fausse attestation, c’est l’autoroute directe pour la prison »

Publié le 11/05/2023

Deux prévenus comparaissent ensemble, le 7 avril, devant le tribunal correctionnel de Pontoise. Tous les deux sous bracelet électronique, ils ont fourni une fausse attestation à leur conseiller pour justifier d’une entorse aux règles de leur liberté conditionnelle.

Pontoise : « une fausse attestation, c’est l’autoroute directe pour la prison »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Thomas et Aimé ne se connaissent pas, mais ils ont un point commun : tous les deux sont détenus à domicile sous surveillance électronique (DDSE). Le premier a obtenu cette mesure de détention à domicile le 4 octobre 2022, après un an de prison pour extorsion et détention de produits stupéfiants.  Le second est également sorti en octobre 2022, après trois ans et demi de détention effectués en exécution de plusieurs courtes peines. Sa fin de peine est fixée à décembre 2024.

Le 5 mars dernier, Thomas, 21 ans, doit rentrer chez lui à 16h, c’est même ce qu’il s’apprête à faire lorsqu’il croise des amis vers 15h qui insistent pour qu’il se joigne à eux. Ils vont traîner au centre commercial, ne font rien de spécial mais passent du temps ensemble. Thomas a l’impression de profiter enfin avec ses amis, et se dit qu’il trouvera bien un moyen de ne pas se faire pincer. Difficile de faire admettre que « trainer avec ses amis au centre commercial » est un argument valable auprès de l’administration.

Thomas ouvre l’application Snapchat et trouve facilement un compte qui délivre de faux documents. Il récupère une fausse attestation de passage aux urgences, qu’il fournit à sa conseillère pour justifier son manquement.

Le 12 mars, Aimé est à une veillée familiale suite au décès de son père alors qu’il aurait dû se trouver chez lui. Comme Thomas, il doit justifier de son entorse aux règles qui lui ont été imposées, et comme Thomas, il choisit de dégoter une fausse attestation de passage aux urgences, auprès du même compte Snapchat. Il s’empresse alors de fournir l’attestation à sa conseillère.

« C’était juste pour esquiver la prison »

La manoeuvre aurait pu se dérouler sans accroc, si Thomas et Aimé n’avaient pas la même conseillère. Elle remarque que les deux attestations sont strictement identiques, fait un rapport d’incident au juge d’application des peines (que les deux prévenus partagent également) et contacte les urgences, qui confirment que les deux probationnaires ne sont pas venus récemment dans leur établissement. On trouve un passage ancien de Thomas, et on en conclut qu’il a falsifié ce document pour en établir un le 5 mars. On pense également qu’il aurait pu fournir Aimé.

Mais ce n’est pas le cas, soutient Thomas à l’audience de comparution immédiate de Pontoise, ce 7 avril. Il explique brièvement comment il s’est procuré l’attestation sur Snapchat, et tente de se justifier : « Dans ma tête je me suis pas dit je vais me moquer du CPIP (NDLR : conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation), c’était juste pour esquiver la prison », se justifie-t-il, apparemment désolé.  Titulaire d’un diplôme de littérature passé en prison et actuellement doté d’un emploi, il attend avec impatience sa fin de peine, prévue pour le mois d’août.

La présidente interroge maintenant Aimé, 27 ans, qui avait quant à lui une excellente raison de solliciter une dérogation : participer à la veillée funéraire de son père.

«— Pourquoi ne pas avoir demandé une autorisation au service d’insertion et de probation ? interroge la présidente.

— Parce qu’il faut faire la demande deux semaines en avance normalement.

— Mais pas dans cette situation », l’informe la présidente. Aimé ne savait pas qu’il aurait eu le droit de veiller la dépouille de son père s’il en avait fait la demande, son ignorance risque de lui coûter une peine de prison.

Il a de toute façon été réincarcéré pour exécuter l’une des nombreuses peines dont il a écopé ces dernières années, dont une de huit années de réclusion criminelle pour un vol à main armée. Son co-prévenu, quatre mentions au casier, a également été réincarcéré suite à la violation de sa liberté conditionnelle, mais pourrait ressortir rapidement si le tribunal ne le condamne pas à une peine de prison ferme avec mandat de dépôt.

« C’est affligeant »

Le procureur ne voit pourtant pas d’autre option : « Fournir une fausse attestation, c’est l’autoroute directe pour la prison », croit-il bon d’imager. Quel que soit le motif, quelles que soient les explications, la règle ne souffre pas d’exception. Il demande quatre mois de prison avec mandat de dépôt pour les deux prévenus.

L’avocat des deux hommes en convient : c’est extrêmement bête. Et dommageable : « Un mandat de dépôt signifie une mise à l’écrou des peines aménagées. Quel intérêt ? Leur DDSE fonctionnait bien depuis six mois. Les condamner parce qu’ils avaient peur de retourner en prison alors qu’ils n’y auraient certainement pas été » s’ils n’avaient pas fourni ce faux, « c’est affligeant ».

Après en avoir délibéré, le tribunal s’est rangé à l’avis du parquet, et a condamné Thomas et Aimé à quatre mois de prison avec mandat de dépôt. L’incarcération qu’ils avaient tenté d’éviter les a donc rattrapés au tournant…

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