Assurance-vie : pas de fiscalité à la carte

Publié le 18/10/2019

Interpellé par un sénateur, Bercy ne reconnaît pas au souscripteur d’un contrat d’assurance-vie le droit de répartir les sommes entre les bénéficiaires selon la fiscalité applicable à ses capitaux.

Après le livret A, l’assurance-vie reste l’instrument financier préféré des Français. La fiscalité favorable qui lui est associée n’est pas étrangère à cet engouement. En effet, les capitaux transmis par l’assurance-vie bénéficient d’une fiscalité spécifique et qui reste favorable malgré les réformes successives. Elle est également complexe.

En effet, plusieurs régimes se superposent, la taxation variant selon deux critères distincts : la date de souscription du contrat et l’âge du souscripteur.

La multiplicité de régimes fiscaux a pu faire croire au souscripteur qu’il pouvait flécher ses capitaux. Il n’en est rien ! Bercy vient de préciser que les sommes placées sur des contrats d’assurance-vie ne peuvent pas être réparties entre les bénéficiaires selon la fiscalité applicable.

Fiscalité à tiroirs

La loi distingue tout d’abord les contrats souscrits avant et après le 20 novembre 1991.

Pour les contrats ouverts avant le 20 novembre 1991, il n’est pas tenu compte de l’âge du souscripteur. Le régime fiscal dépend exclusivement de la date de versement des primes par le souscripteur, la date charnière étant le 13 octobre 1998, date d’entrée en vigueur de l’article 990 I du Code général des impôts, issu de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, qui instaure un prélèvement spécifique.

Ainsi, si les capitaux décès sont issus de sommes versées sur le contrat avant le 13 octobre 1998, échappent à toute taxation (droits de succession et du prélèvement de l’article 990 I du CGI).

En revanche, si les capitaux décès sont issus de sommes versées sur le contrat après le 13 octobre 1998, ils sont soumis au prélèvement prévu par l’article 990 I du CGI, quel que soit l’âge de l’assuré lors du versement des primes. Ce texte prévoit que chaque bénéficiaire distinct bénéficie d’un abattement de 152 500 euros. Au-delà de ce montant, et jusqu’à 700 000 euros, la taxe forfaitaire s’élève à 20 %, quel que soit l’âge de l’assuré au moment du versement des primes et quel que soit le lien de parenté existant entre l’assuré et le bénéficiaire. Au-delà de 700 000 euros, le prélèvement s’élève à 31,25 %.

Pour les contrats souscrits depuis le 20 novembre 1991, une distinction est à opérer selon l’âge du souscripteur. Si l’assuré avait moins de 70 ans à la date du versement des primes jusqu’au 12 octobre 1998, les sommes versées à raison de ces primes au bénéficiaire du contrat ne sont soumises à aucune taxation.

Si des primes ont été versées depuis le 13 octobre 1998 par un assuré âgé de moins de 70 ans, c’est le régime de l’article 990 I qui trouve à s’appliquer. Chaque bénéficiaire bénéficie d’un abattement de 152 500 euros. Au-delà de ce montant, le capital de l’assurance-vie est taxé au taux réduit de 20 %, puis à 31,25 % à partir de 852 500 euros.

Enfin, si l’assuré avait plus de 70 ans à la date du versement des primes, les capitaux décès sont soumis aux droits de succession, que les primes soient versées avant ou après le 13 octobre 1998.

Les droits sont calculés selon le barème applicable en fonction du lien de parenté, qui figure sous l’article 777 du CGI. L’ensemble des bénéficiaires bénéficie d’un abattement global de 30 500 euros (CGI, art. 757 B). Les gains produits par le contrat d’assurance-vie (les intérêts capitalisés) sont totalement exonérés de droits de mutation par décès.

Cas d’un contrat resté unique

En juillet 2017, le sénateur Franck Montaugé a adressé une question écrite au ministre de l’Économie et des Finances, sur les modalités d’attribution des capitaux dans le cas d’un contrat qui est resté unique, souscrit avant le 20 novembre 1991, abondé avant et depuis le 13 octobre 1998.

Dans une telle situation, « ledit contrat se compose ainsi de deux compartiments soumis à une fiscalité différente. Le premier compartiment (versements antérieurs au 13 octobre 1998) bénéficie d’une exonération totale, tandis que le second (versements depuis le 13 octobre 1998) sera, s’il y a lieu, passible de droits après application d’un abattement de 152 500 euros par bénéficiaires ». Ici, l’assureur considère le contrat comme un tout indissociable. La totalité du capital constitué doit être attribuée selon une clé de répartition en pourcentage appliquée à la valeur globale acquise in fine.

Or pour le sénateur, ces deux parties du contrat sont distinctes au regard de leur régime fiscal et « il semblerait donc logique que le disposant puisse traiter distinctement et à son gré chaque compartiment, par exemple, en désignant un bénéficiaire pour la valeur acquise par les versements exonérés, le surplus (fiscalisé) revenant à l’ensemble des bénéficiaires (en pourcentages) avec application pour chacun de l’abattement susvisé ». Aussi lui demande-t-il si des dispositions régissent clairement les règles de répartition entre les bénéficiaires du capital d’une assurance-vie.

Assiette indissociable

Dans sa réponse du 8 août dernier (Rép. Montaugé n° 00450 JO Sénat du 8 août 2019, p. 4215), le gouvernement vient d’indiquer que cette distinction n’a pas lieu d’être. « Ces sommes, lorsqu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 757 B du Code général des impôts, font l’objet d’un prélèvement prévu à l’article 990 I du même code. Aux termes du I de cet article, le prélèvement frappe l’ensemble des sommes, rentes ou valeurs dues par l’assureur, et ce à raison des primes versées à compter du 13 octobre 1998. L’assiette soumise au prélèvement est ainsi déterminée à l’échelle du contrat, qui est indissociable.

Ensuite, ses bénéficiaires sont imposés à concurrence de la part leur revenant. « Il en résulte qu’en cas de pluralité de bénéficiaires, l’assiette taxable, déterminée globalement selon les modalités décrites ci-dessus, est répartie pour chaque bénéficiaire selon la part des sommes, rentes ou valeurs qui lui revient (cf. § 210 du BOI-TCAS-AUT-60). L’assiette imposable au nom de chacun est donc déterminée en fonction de sa part dans l’ensemble des sommes versées ». Et de conclure que « les stipulations du contrat ou la volonté éventuelle du défunt de répartir ces sommes entre les bénéficiaires en fonction de la date de leur versement ne sont pas susceptibles de déroger à ces règles et demeurent ainsi sans effets sur le montant d’impôt dû par chacun ».

X