Evolution des états de synthèse en IFRS : les émetteurs s’inquiètent

Publié le 03/01/2020

Dans le cadre de ses conférences petit-déjeuner, l’association IMA-France recevait mardi 18 décembre Françoise Flores, membre du Board de l’IASB (normalisateur international), et Lise Chorques, Directrice d’ACTEO (Association pour la participation des entreprises françaises à l’harmonisation comptable internationale), pour commenter le projet de l’IASB sur les états de synthèse. Patrick Iweins, associé du cabinet Advolis Orfis et président d’IMA-France nous explique ce qu’il faut retenir de ce projet. 

Evolution des états de synthèse en IFRS : les émetteurs s'inquiètent
Patrick Iweins

La présentation de ces états (bilan, compte de résultat, tableau de flux de trésorerie) constitue un enjeu majeur pour les investisseurs. La norme actuelle IAS 1 dit peu de choses sur la structure des comptes, ce qui laisse une grande liberté aux émetteurs dans la présentation de leur compte de résultat. Cette situation complique le travail des analystes qui ont du mal à comprendre et analyser la performance des émetteurs, mais aussi à comparer les comptes des sociétés. Ce sujet technique, mais essentiel de l’information financière, a, à l’origine, été initié comme un grand projet à mener avec le normalisateur américain. En définitive, comme l’a précisé François Flores, il a été ciblé sur les points mis en avant par les analystes, en privilégiant le compte de résultat.  Entre l’enjeu de flexibilité souhaité par les émetteurs et celui de la comparabilité, le Board de l’IASB a tranché pour la comparabilité. Ce choix sera au cœur des réponses des différentes parties prenantes à la consultation sur ce projet, lancée par l’IASB le 17 décembre et devant se clôturer le 30 juin prochain. Une longue période de commentaires qui s’avèrera déterminante pour l’élaboration du texte définitif.

Réduire les angles morts de la communication financière

La représentante du Board est revenue sur les principaux changements prévus par le projet :

  • La présentation d’une structure détaillée du compte de résultat, applicable à toutes les activités (corporate, banques…), ventilée en trois grandes catégories (opérationnel, investissement et financement), devant permettre d’assurer une comparabilité des comptes de résultat ;
  • L’introduction de sous-totaux et de niveaux intermédiaires strictement définis ;
  • L’exigence d’une information détaillée sur les éléments inusuels ainsi que sur les indicateurs de performance publiés par le management.

S’arrêtant sur ces changements, la représentante du Board a apporté plusieurs précisions :

  • Le résultat opérationnel ayant vocation à refléter la performance opérationnelle des émetteurs, indépendamment de leur structure financière, doit donc intégrer tous les éléments qui y sont rattachables. Sa détermination s’opère donc par défaut.

Le projet laisse le choix d’une présentation des dépenses opérationnelles par fonction ou par nature selon des critères définis. Toutefois, pour réduire les angles morts de la communication, une analyse par nature doit être reprise dans les notes annexes ;

  • Les autres catégories du résultat, investissement et financement, intègrent respectivement les revenus des investissements sans lien avec les opérations (dividendes, revenus mobiliers…) et les coûts nets liés au financement (les produits de placement y sont, par convention, limités aux seuls résultats de la trésorerie,…) ;
  • La quote-part de résultat des sociétés mises en équivalence continue à figurer sur une ligne distincte mais suit un traitement spécifique: positionnement juste au-dessous du résultat opérationnel si l’activité de ces entités s’inscrit en synergie avec celle de l’émetteur, sinon, insertion de cette ligne dans la catégorie investissement.

S’agissant des charges ou produits inusuels, qui, par leur nature ou leur montant, n’ont pas vocation à se reproduire, la représentante du Board précise qu’une information détaillée sur ces éléments devrait figurer dans les notes annexes.

Il en est de même pour les indicateurs de performance utilisés dans la communication financière en dehors des comptes. Ils devraient désormais faire l’objet d’une réconciliation, dans une note spécifique, avec le sous-total le plus proche figurant au compte de résultat.

Gare à la déconnexion de la réalité économique  !

Les émetteurs craignent que pour atteindre l’objectif de comparabilité, illusoire à leurs yeux, on aboutisse à une  structure formelle du compte de résultat, au risque de la déconnecter de sa réalité économique. Ce à quoi les analystes rétorquent que la pertinence vue par le dirigeant n’est pas forcément en ligne avec la réalité.

La Directrice d’ACTEO a fait part des principaux points de préoccupation des émetteurs :

  • Perte de la flexibilité actuelle dans la détermination du résultat opérationnel (interdiction de mixer une présentation par fonction et par nature, fin de l’agrégat actuel « résultat opérationnel courant », sortie conventionnelle d’éléments du résultat opérationnel tels que les effets d’actualisation des provisions…) ;
  • Distorsion du résultat financier avec la notion de dette nette (non prise en compte des produits de placement autres que ceux de la trésorerie, ventilation des effets de change…) ;
  • Risque de rendre inopérants les indicateurs de performance relégués en annexe .

Après s’être interrogée sur le risque que fait courir ce projet sur la pertinence et l’utilité d’états financiers qui s’éloignent de la communication financière externe mais également du suivi interne, la Directrice d’ACTEO résume les questionnements actuels des émetteurs sur ce projet :

  • Répond-il aux besoins réels des utilisateurs des comptes (compte de résultat standardisé déconnecté des indicateurs de performance utilisés en communication financière, …) ?
  • L’équilibre entre rationalisation et pertinence est-il atteint (rigidité de l’approche retenue au lieu de l’énoncé de principes) ?
  • Quelles interactions avec les régulateurs (sort des indicateurs non gaaps utilisés, …) ou le projet de reporting électronique ?

En conclusion, la méfiance soulevée par les analystes sur certaines communications financières flatteuses a contribué au choix fait par le Board de privilégier l’objectif de comparabilité sur celui de la flexibilité.

Place désormais à la consultation qui mobilisera sans aucun doute les émetteurs dès lors que ce projet est loin de recueillir leur assentiment. A suivre donc au cours du deuxième semestre 2020 !

 

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