De PATRIM à l’Open Data

Publié le 21/06/2019

L’intégralité des données foncières de Bercy sur les 5 dernières années est désormais disponible. Ces données sur le marché immobilier ne pouvaient jusqu’ici être consultées que sur la base PATRIM et de manière limitée.

Le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé la publication et l’ouverture en open data des données foncières à l’occasion d’un hackathon à Bercy en application de la loi pour un État au service d’une société de confiance (ESSOC). À ce jour, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) a publié l’intégralité des données foncières sur les 5 dernières années. Elles sont désormais intégralement ouvertes et téléchargeables sur le site data.gouv.fr à l’adresse suivante : https://cadastre.data.gouv.fr/dvf. « La mise en ligne de ces données permettra d’améliorer considérablement la connaissance des prix sur le marché immobilier, au bénéfice des citoyens, des acteurs économiques du secteur comme des collectivités territoriales », a déclaré à cet égard Gérald Darmanin.

La base PATRIM

Ces données étaient jusqu’alors uniquement accessibles aux contribuables depuis leur espace personnel sur impots.gouv.fr pour une utilisation exclusivement fiscale et administrative, via la base PATRIM, mise en ligne par l’administration fiscale le 6 novembre 2013. Cet outil destiné aux contribuables personnes physiques donnait accès aux informations relatives aux transactions immobilières dont dispose Bercy. Il s’agissait initialement pour Bercy de prévenir les contentieux et d’assurer le respect de la loyauté des preuves, en ouvrant aux contribuables les fichiers immobiliers de l’administration fiscale, via le projet PATRIM. Cette évolution trouve son origine dans la jurisprudence qui a souligné la situation inégale dans laquelle se trouvait l’usager par rapport à l’administration (CEDH, 24 avr. 2003, n° 44462/98, Yvon c/ France). En 2003, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a ainsi jugé que le rôle du commissaire du gouvernement dans la procédure de fixation des indemnités d’expropriation créait au détriment de l’exproprié un déséquilibre incompatible avec le principe de l’égalité des armes. La même année, la Cour de cassation a critiqué la position dominante du commissaire du gouvernement, expert et partie à la procédure, bénéficiant seul aux informations pertinentes publiées au fichier immobilier (Cass. 3e civ., 2 juill. 2003, n° 02-70047). Cette jurisprudence née dans le contentieux de l’expropriation a commencé à être utilisée en matière fiscale par certains contribuables. La même année, la création de PATRIM a permis d’apporter une réponse pratique à ces contentieux naissant et de faciliter la vie des usagers (D. n° 2013-718, 2 août 2013, relatif à la mise en place du service de communication électronique au public des informations permettant l’appréciation de la valeur vénale des immeubles à des fins administratives ou fiscale, JO n° 0182, 7 août 2013, p. 13463).

Un outil géolocalisé

Si PATRIM a constitué une remarquable avancée en matière de transparence dans les relations entre l’administration fiscale et les contribuables, il ne s’agit en aucun cas d’un dispositif automatique d’évaluation. Il permet seulement aux contribuables d’accéder aux données détenues par la DGFiP en vue de l’estimation du bien immobilier concerné. Les informations délivrées reflètent les ventes, adjudications, expropriations ou échanges de biens immobiliers comparables au bien objet de la demande. Le contribuable dispose donc d’éléments de comparaison propre à sécuriser et faciliter son évaluation qu’il continue à faire sous sa seule responsabilité ou en se faisant aider par le professionnel de son choix. Il s’agit donc essentiellement d’un outil d’aide à l’estimation des biens immobiliers dans le cadre d’une déclaration d’IFI ou de succession, d’un acte de donation ou d’une procédure administrative (contrôle fiscal, expropriation), de la vente ou l’acquisition potentielle d’un bien immobilier ou pour le calcul des aides au logement. Pour utiliser la base, il suffit de saisir certains critères : type de bien (appartement ou maison par exemple), superficie, localisation, périmètre et période de recherche. Il peut compléter sa demande en y ajoutant des critères de recherche facultatifs comme le prix total ou ratio prix/surface, l’année de construction, les matériaux de construction, etc. La délivrance des éléments d’informations au demandeur est immédiate. Les résultats obtenus présentent une liste des transactions immobilières intervenues dans le secteur recherché lors des 9 dernières années. Ces données sont également géolocalisées sur une carte. PATRIM ne couvre pas encore les ventes de biens situés en Alsace-Moselle et à Mayotte. La consultation est strictement encadrée. Les informations restituées par PATRIM sont réservées à un usage personnel. L’utilisation de ce service est limitée à 50 consultations par utilisateur et par période de 3 mois. Le contribuable, ou son conseil muni d’un mandat ad hoc, doit s’authentifier en ligne, via ses identifiants fiscaux et justifier du motif de sa consultation (projet de donation, rédaction d’une déclaration d’IFI, etc.). Le service est muni d’un outil de traçabilité permettant la conservation pendant une année des informations de recherche et de consultation du demandeur, afin de vérifier le respect des conditions d’utilisation du service ainsi fixées. Le décret à l’origine de la constitution de cet outil précise que dans le cadre d’une procédure de contrôle fiscal ou en vue de celle-ci, l’administration ne peut ni consulter ni utiliser les informations communiquées par le demandeur. De même, si le contribuable en cas de remise en cause de son évaluation peut présenter les informations comparables utilisées issus de cette base, ils ne préjugeront automatiquement ni de sa bonne foi ni de la justesse de son évaluation.

La base DVF

L’ouverture de la base « Demande de valeur foncière » (DVF) permet de mettre à disposition de tous, l’ensemble des informations détenues par l’administration fiscale en la matière, sa base de données sur les transactions immobilières. Soit un total d’environ 15 millions de données immobilières, qu’il s’agisse d’adjudications, d’expropriations, ou de transferts de biens immobiliers, publiées au fichier immobilier au cours des cinq dernières années, issues des traitements informatisés relatifs à la publicité foncière et à la documentation littérale du cadastre. Ces données non identifiantes pour les contribuables concernés conprennent notamment, la date et la nature de la mutation, le prix de la transaction, l’adresse du bien (numéro de voie, indice de répétition, type, code et libellé de la voie, code postal et libellé de la commune), son descriptif (surface carrez, type de local, nombre de pièces, surface du terrain, etc.) ses références cadastrales (code de la commune et du département, préfixe et code de la section cadastrale, numéro de plan du lieu de situation des biens, le numéro de volume ainsi que, si le bien objet de la mutation fait partie d’une copropriété, le nombre de lots et le numéro de lot dans la limite de cinq lots par mutation). En pratique, il s’agit d’un service accessible, depuis 2011, aux collectivités territoriales qui en faisaient la demande afin de mieux orienter leur politique foncière et d’aménagement. les fichiers fournis par la DGFIP dans cette base récapitulent, sur le périmètre concerné, les ventes immobilières publiées dans les conservations des hypothèques, complétées du descriptif des biens en provenance du cadastre, sur une période maximale de cinq ans. Pour chaque vente enregistrée, sont délivrées la nature des biens, leur adresse et leur superficie, la date de mutation, les références de publication au fichier immobilier ainsi que la valeur foncière déclarée. Cette base n’était accessible que sur inscription de la collectivité auprès de la Direction départementale des finances publiques (DDFIP), via une connexion sécurisée permettant aux utilisateurs d’accéder au service et de renseigner un formulaire de demande. Les renseignements demandés étaient envoyés au bout de quelque jours. Désormais ces données seront librement accessibles au public sur le site data.gouv.fr. Si cette nouvelle base ne permettra pas aux contribuables d’estimer précisément un bien immobilier, elle leur permettra de le comparer à ce qui s’est vendu dans la zone concernée. La géolocalisation de ces données est assurée, grâce à une interface dédiée exclusive : https://app.dvf.etalab.gouv.fr/. Les données communiquées correspondent aux informations déclarées à l’occasion d’une mutation (vente, adjudication…) dans la zone concernée au cours des cinq dernières années. Ces données sont cependant communiquées avec un certain décalage puisqu’elles sont arrêtées à la moitié de l’année 2018. Elles seront régulièrement mises à jours. Environ 3 millions de nouvelles données sont enregistrées chaque année.

Cette nouvelle base ne se substitue pas aux autres bases qui existent déjà. Ainsi la base de données « BIENS » a pour vocation de mettre les données immobilières notariales de Paris et d’Ile-de-France à la disposition des institutions, des entreprises et des professionnels. La base « BIEN » est le fruit d’une action menée par les notaires de Paris et d’Ile-de-France depuis plus de quinze ans qui a pour objet la collecte et le traitement des données des actes de mutation enregistrés par l’ensemble des études franciliennes. Elle compte aujourd’hui plus de deux millions de fiches de mutation, dites « références », chacune renseignée selon plus d’une centaine de critères. Chaque année, la base s’enrichit d’environ deux cent mille nouvelles références. L’équipe chargée de gérer cette base est, entre autres, composée de statisticiens et d’experts chevronnés au service des professionnels. Elle travaille à la collecte exhaustive et rigoureuse des fiches de mutations immobilières, au traitement des données et à la restitution d’un référentiel immobilier cohérent car construit avec des règles de gestion et une sémantique unifiée. En région, la base de données PERVAL fournit les éléments de comparaison pour estimer des biens immobiliers. Ce fichier d’abord développé dès 1994 pour certaines régions de France est devenu national à partir de 1998, la Corse et les départements et territoires d’outre-mer (DOM-TOM) alimentent également depuis 2005. Il contient aujourd’hui plus de 20 millions de références. La loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, désormais complétée par le décret d’application n° 2013-803 du 3 septembre 2013, a officialisé cette base de données en instaurant une nouvelle mission de service public pour les notaires en précisant qu’ils contribuent à la diffusion des informations relatives aux mutations d’immeubles à titre onéreux et transmettent au Conseil supérieur du notariat les données nécessaires à l’exercice de cette mission de service public. Mais la base DVF se démarque par sa gratuité et son accessibilité à tous. En revanche, parce que contrairement aux bases précédemment citées, elles comportent des données brutes et non retraitées, elle n’est pas nécessairement facile d’accès pour le profane. C’est pourquoi, tous les projets collectifs qui se feront jour pour utiliser ces données sont d’une grande importance pratique pour le grand public. Le développement d’applications permettant d’en exploiter le contenu de façon intuitive constitue à cet égard une étape capitale. Les fintechs ont un rôle-clé à jouer pour rendre ces bases de données intelligibles à tous les acteurs de l’immobilier, professionnels comme particuliers.

 Des applications à venir

C’est pour cette raison que l’annonce de la mise à disposition de ces données en open data s’est accompagné du lancement d’une journée de « hackathon », organisée par la DGFiP, en partenariat avec la mission Etalab, qui, placée sous l’autorité du Premier ministre, a pour vocation d’accompagner l’ouverture des données publiques de l’État et des administrations. Au cours de cette journée, les professionnels ont pu s’essayer à développer des projets innovants pour faciliter l’exploitation par le grand public des données de la base DVF. La DGFIP a ainsi pu présenter la base DVF et les usages développés par quelques utilisateurs historiques de la base ainsi que les projets innovants qui ont pu être développés grâce à l’exploitation de la base DVF en capitalisant sur les données déjà disponibles en open data, sur les outils mis à disposition par Etalab (géocodeurs, APIs…), ainsi que sur l’expertise métier des équipes de la DGFIP. Ainsi, grâce à la publication de ces données relatives aux ventes immobilières françaises enregistrées par Bercy depuis cinq ans, MeilleursAgents a regroupé sur une carte en réalité augmentée quatre millions de biens vendus avec l’adresse du bien, la date de vente, la surface, le nombre de pièces, le prix de vente ainsi que le prix auquel le bien se serait vendu aujourd’hui, ainsi qu’une application mobile pour smartphones iPhone et Android. Une mise à jour de ces données sera réalisée par le service data.gouv.fr tous les six mois : MeilleursAgents mettra à jour ses donnée selon le même rythme. Pour MeilleursAgents, l’ouverture de la base DVF va permettre d’améliorer la transparence du marché immobilier. Elle va également faciliter l’évaluation des biens immobiliers, notamment en région et en zone rurale.

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