Faire face à un contrôle en matière d’IFI

Publié le 23/05/2024
Usufruit, immobilier
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Pour augmenter l’efficacité du contrôle fiscal de l’IFI, l’administration s’est dotée de nouveaux moyens qui lui permettent tout à la fois de mieux cibler les dossiers à contrôler et de massifier les contrôles sur certains points. Les contribuables doivent anticiper ce risque de contrôle en sécurisant au maximum leur évaluation.

Impôt récent puisque créé sans le cadre de la loi de finances pour 2018 qui a recentré l’ancien impôt sur la fortune (ISF) sur les seuls actifs immobiliers, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) impose la détention du patrimoine immobilier des personnes physiques dont la valeur nette dépasse 1,3 M €. En 2022, près de 164 000 foyers ont reçu un avis d’impôt pour un montant total de 1,8 M €. Les recettes budgétaires ont représenté 2,1 M € cette même année, en incluant les sommes recouvrées au titre des déclarations complémentaires et des contrôles fiscaux.

Les délais de prescription en matière de contrôle fiscal de l’IFI

Le délai de reprise de l’administration fiscale est de trois ans sur la valorisation des biens ou les règles de l’impôt (LPF, art. L180), de six ans sur le champ d’application, en cas notamment d’absence de déclaration ou de requalification des biens professionnels (LPF, art. L186) et il est porté à 10 ans en cas d’avoirs à l’étranger (contrôles menés essentiellement par la DNVSF sur les trusts et comptes bancaires à l’étranger qui pourront porter jusqu’en 2027 sur l’ISF). Dans 99 % des cas il s’agit de contrôles sur pièces qui s’appuient sur une approche corrélée revenus/patrimoine, visant à analyser la stratégie patrimoniale, financière et fiscale des contribuables à travers la mise en perspective des éléments en possession de l’administration fiscale (actes, déclarations, recoupements…) pour détecter d’éventuelles incohérences entre les revenus déclarés et les éléments de patrimoine détenus.

Davantage de contrôles fiscaux attendus en 2024

Les contrôles en matière d’IFI sont actuellement encore peu nombreux. Seules 2 % des contribuables assujettis à l’IFI ont subi un contrôle fiscal au cours de l’année 2022, pour un rendement de 100 M € environ, d’après les chiffres de la Cour des comptes. « Le rendement financier du contrôle est limité par rapport à d’autres impôts, du fait du faible taux nominal de l’IFI, et ne constitue donc pas un objectif prioritaire de la programmation des vérifications », souligne la Cour des comptes. Mais ces contrôles montent en puissance. L’augmentation des sommes mises en recouvrement le démontre. Surtout, les nouvelles orientations du contrôle fiscal laissent présager de nouvelles vagues de contrôle en matière d’IFI. Bercy a en effet choisi de mettre l’accent sur les contrôles fiscaux des particuliers, qui doivent augmenter de 25 % d’ici 2027, avec un ciblage sur les plus gros patrimoines.

Hausse du datamining

La suppression de l’ISF s’étant traduite pour l’administration fiscale par une perte de vision globale sur l’ensemble du patrimoine, elle a adapté la programmation des contrôles en renforçant progressivement les outils nationaux de ciblage fondés sur l’exploitation automatique d’un grand nombre de données (datamining). Les requêtes nationales issues du datamining permettent d’identifier des dossiers à risque, au titre de l’absence de déclaration (depuis 2019) et de la minoration d’assiette (depuis 2022). Bercy souhaite augmenter la part du datamining dans le ciblage des contrôles fiscaux des particuliers à 50 %. Depuis 2023, les équipes peuvent s’appuyer sur un nouvel outil qui cible les dossiers contrôle fiscal à programmer selon une approche corrélée revenus/patrimoine, Tissufip. Ces dossiers sont sélectionnés en fonction de cinq risques répertoriés selon un modèle d’analyse multirisque :

• foyers ayant fait l’objet d’un plafonnement IFI en 2021 ;

• foyers fiscaux détenant des biens immobiliers dont la valorisation est élevée et qui ne se déclarent pas à l’IFI ;

• foyers fiscaux ayant réalisé une ou plusieurs cessions immobilières en 2020 d’un montant élevé sans être à l’IFI l’année précédente ;

• foyers pour lesquels une minoration de la valeur vénale des biens déclarés à l’IFI est constatée ;

• foyers potentiellement défaillants à l’IFI 2021.

De nouvelles méthodes de contrôle

Le recours à l’intelligence artificielle (AI) ouvre à Bercy de nouveaux champs de contrôle fiscal. Les techniques de l’AI permettent en effet à l’administration fiscale d’automatiser l’exploitation d’un très grand nombre de données. La création par Bercy de son nouveau service en ligne « Gérer mes biens immobiliers », accessible pour les contribuables depuis leur espace personnel du site impots.gouv.fr, constitue à cet égard un gisement de données colossales en matière d’informations sur le patrimoine immobilier des contribuables. Tous les propriétaires, personnes physiques ou morales, ont dû en effet se plier à une nouvelle obligation déclarative à l’été 2023 sur cette plateforme. Elle a consisté à indiquer pour chaque bien immobilier, son usage (résidence principale, secondaire ou local vacant) et, pour les biens loués ou mis à disposition, l’identité des occupants et la période d’occupation, ainsi que le montant des loyers perçus pour leurs biens mis en location. Une fois cette déclaration réalisée, le contribuable n’a pas à la renouveler chaque année. Seul un changement de situation d’occupation, une vente, ou un achat nécessitera une nouvelle intervention de sa part.

De nouvelles pistes de contrôle à investiguer

Si le contrôle de la valorisation des biens détenus et la détection de la sous-déclaration progressent, plusieurs enjeux sont moins bien couverts par les outils de détection et le contrôle. « L’administration fiscale manque notamment d’informations pour contrôler les biens détenus via des sociétés civiles immobilières (SCI), alors que ces modalités de détention du patrimoine immobilier se développent fortement », souligne la Cour des comptes, pour qui les outils de contrôle des SCI devraient être renforcés, tout comme les informations transmises par les intermédiaires financiers sur les titres ayant une composante immobilière. Pour les sages de la rue Cambon, « le contrôle des non-résidents et des biens à l’étranger pâtit encore du manque de données sur les patrimoines non producteurs de revenus, en dépit des progrès des échanges automatisés de données au sein de l’Union européenne ».

L’administration contrôle en priorité les valorisations

Les contrôles fiscaux entrepris par l’administration fiscale portent pour l’instant en majorité sur la valorisation effectuée par le contribuable. Qu’il s’agisse d’un appartement, de parts de SCPI, d’un bois, etc., le contribuable doit porter sur sa déclaration sa valeur vénale au 1er janvier de l’année en cours. Cette valeur vénale d’un bien est constituée par le prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l’offre et de la demande, dans un marché réel, compte tenu de l’état dans lequel il se trouve au moment de son évaluation. Pour sécuriser son évaluation, le contribuable peut s’appuyer sur les bases de données que l’administration fiscale met à sa disposition. Il s’agit d’abord de Patrim qui permet de rechercher, de façon géolocalisée, une liste des transactions immobilières intervenues dans le secteur recherché. Le contribuable peut également se servir de la base Demandes de Valeurs Foncières ou base DVF qui recense en open data toutes les ventes immobilières publiées par la DGFiP.

Retenir les bonnes décotes et abattements

Le contribuable peut également pratiquer un certain nombre de décotes et abattements sur la valeur de son bien. Premier réflexe à avoir, pratiquer un abattement de 30 % sur la valeur de sa résidence principale comme la loi le permet. Deuxième réflexe, pratiquer un battement de 75 % sur les biens et forêts et les parts de groupements forestiers dans la mesure où ils sont gérés de façon durable. Les biens loués, détenus en indivision ou détenus via une SCI peuvent profiter d’une décote pour illiquidité allant de 10 à 40 % en fonction des situations. En revanche, les biens démembrés doivent être déclarés par l’usufruitier pour la totalité de leur valeur, sauf dans le cas particulier où l’usufruitier est le conjoint survivant, et qu’aucun testament ou donation au dernier vivant n’avait été établi. Usufruitiers et nu-propriétaires doivent alors déclarer la valeur respective de leurs droits, valeur qui évolue en fonction de l’âge de l’usufruitier.

Se défendre efficacement

Lorsque l’administration fiscale remet en cause l’évaluation du contribuable, elle supporte alors la charge de la preuve, c’est-à-dire qu’elle doit démontrer l’inexactitude de la valeur retenue par le contribuable. En pratique, elle va se servir de comparables, c’est-à-dire des transactions de biens similaires intervenus dans le même secteur géographique et dont la valorisation diffère significativement de celle qui a été retenue par le contribuable. Le contribuable doit alors discuter la pertinence de ses comparables aux regards des caractéristiques de son bien : étage élevé ou non, vue, équipements…

Sécuriser son évaluation

Pour pouvoir se défendre efficacement contre l’administration fiscale, le contribuable doit précisément documenter la valorisation de son bien. Il doit archiver les éléments justifiant ses calculs : estimations immobilières, photos du bien, devis et facture de travaux, etc. Il doit lister et documenter les comparables sur lesquels il s’est appuyé et détailler le raisonnement qu’il a appliqué pour effectuer ses décotes. Ce travail en amont permettra au contribuable de répondre efficacement aux questions de l’administration. Il lui permettra également de justifier de sa bonne foi. Lorsque l’administration présentera ses comparables, ce travail préliminaire l’aidera à en discuter la pertinence. L’évaluation est une question de faits. Et l’administration fiscale, comme le juge, peut être sensible aux arguments d’un contribuable qui connaît son bien et sa valeur.

D’autres motifs possibles de contrôle fiscal

Le contrôle de la correcte valorisation de l’assiette de déclarants à l’IFI (minoration d’actifs par sous-valorisation ou exonérations, majoration des dettes…) représente près des deux tiers des motifs de redressement, d’après les chiffres de la Cour des comptes. C’est d’ailleurs la valorisation des biens qui est à l’origine de plus de 60 % des droits rappelés, loin devant les exonérations non justifiées (biens professionnels, ruraux…) ou les dettes non justifiées qui ne représentent respectivement que 3,1 % et 1,4 % des biens rappelés. Les cas de remise en cause de l’abattement sur la résidence principale concernent, quant à eux, moins de 1 % des droits rappelés, bien qu’une série de contrôles aient récemment porté sur la non-éligibilité en cas de détention par une SCI. « La réintégration de redevables qui n’avaient pas fait de déclaration représente un peu moins de 30 % des droits rappelés, analyse les sages de la rue Cambon. Le contrôle du calcul de l’impôt (réductions pour dons, plafonnement, barème…) est à l’origine de 5,5 M € de droits rappelés sur la période 2020-2022 soit environ 3 % des résultats ». La pris en compte des dons, qu’il s’agisse de leur justification ou de l’absence d’imputation simultanée sur l’impôt sur le revenu, ainsi que le plafonnement, ne représentent qu’une faible part des contrôles et ne conduisent pas aux redressements financiers les plus importants. Les contrôles sur le foyer fiscal, notamment la déclaration conjointe des concubins, sont, quant à eux, peu nombreux et essentiellement menés à l’occasion d’une information externe révélant la situation.

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