Dans le contexte de la crise de la dette souveraine en Europe, le FMI avait inclus une « clause d’exemption systémique » qui permettait de déplafonner l’accès aux ressources du Fonds pour la Grèce. L’abandon de cette clause, qui faisait grincer des dents les pays du Sud et les États-Unis, marque un durcissement de ses demandes au titre de la conditionnalité de son aide, au point de soutenir le principe d’une restructuration de la dette souveraine grecque.
Adoptée en 2010 dans le contexte de la crise souveraine des États européens, la clause d’exemption systémique permettait de déplafonner le montant de l’aide du FMI aux pays en difficulté financière1. Son abandon s’inscrit dans la profonde réforme de ses instruments de gestion de son aide financière aux pays en situation de difficulté conduite sous le mandat de Christine Lagarde2. La suppression de la clause d’exemption systémique en fait partie et affecte directement les négociations en cours avec la Grèce.
Ce changement a inévitablement vocation à se répercuter dans les conditions de mise à disposition des ressources du FMI. Nous ne sommes pas dans le domaine du droit « dur », mais dans celui de la pratique contractuelle du Fonds, de facto contraignante, qui marque un tournant significatif au plan juridique. L’intérêt général des nations européennes et les politiques économiques internationales sont directement affectés.
I – La fin d’une exception au plafonnement des droits d’accès aux ressources financières du FMI
La politique de référence du FMI est qu’un pays ne peut pas bénéficier d’une mise à disposition de fonds supérieure à 600 % de son « quota », dans la limite de 200 % par an3. La clause d’exemption systémique permettait au directoire du FMI de passer outre cette limitation et de continuer à renflouer le pays en difficulté sans exiger en retour une restructuration de dette.
Pour la Grèce, cette exception, d’abord invoquée en 2010, s’est néanmoins accompagnée d’une restructuration de sa dette souveraine en 20124. Depuis, les ressources du Fonds ont été mises à disposition de la Grèce dans des proportions inédites5. C’est sans doute le redressement encore tardif de la situation financière du pays qui a eu raison de cet assouplissement, malgré la reconnaissance des progrès significatifs de la réforme fiscale6. La pression des pays du tiers-monde, qui ont par le passé socialement souffert de mesures drastiques imposées par le FMI au titre de la conditionnalité de son aide, et des États-Unis, qui y voyaient un obstacle supplémentaire à une réforme de la gouvernance du fonds, par peur de perdre le contrôle sur les dépenses d’une institution qu’ils financent largement, a été déterminante7.
II – Le retour de la conditionnalité stricte, et d’une nouvelle restructuration de dette souveraine ?
La suite logique de l’abandon de la clause d’exemption systémique est que le FMI cherchera à obtenir un remboursement progressif des fonds mis à disposition jusque dans leur limite habituelle. Par ailleurs, le Fonds fait déjà usage d’une conditionnalité renforcée en soutenant une nouvelle restructuration de la dette souveraine de la Grèce afin d’améliorer mathématiquement son ratio de soutenabilité de dette8.
La conditionnalité est un mécanisme spécifique qui confère au FMI un droit de regard sur les décisions et l’évaluation des politiques publiques de l’État bénéficiaire du crédit en brandissant la menace de l’arrêt de tirage, et donc le tarissement de l’aide9. La conditionnalité permet au FMI d’adapter ses conditions, au durcissement ou à l’assouplissement, au fur et à mesure de la crédibilité financière de l’État emprunteur. Elle fait régulièrement l’objet de critiques pour les conséquences de sa rigueur économique et sociale ainsi que sur la souveraineté du pays emprunteur. La situation actuelle du FMI semble être d’alourdir les conditions qu’il pose aux États emprunteurs10.
C’est en cohérence avec la suppression de la clause d’exemption systémique que Christine Lagarde a publié une lettre ouverte au Premier ministre grec dans le cadre des négociations difficiles des politiques publiques grecques dans le cadre de la première revue de l’aide du Fonds renouvelée en 2015, dans laquelle elle évoque le scénario d’une restructuration de dette11.
En conclusion, la suppression de la clause d’exemption systémique agit comme une manifestation juridique du durcissement de la politique de conditionnalité du FMI, et clôt la parenthèse de faveur sur le soutien des pays européens en difficulté financière. Dans ce contexte, la Grèce voit son principal argument juridique à la clémence s’effacer. Elle ne pourra à l’avenir plus que chercher le soutien politique – certes relatif – de ses partenaires européens pour résister au FMI, comme c’est le cas au jour de rédaction de ces lignes12.