Paris (75)

Gros plan sur le régime Malraux, le sauvetage du Marais à Paris

Publié le 21/12/2021
Paris, le Marais
Alexandre Rotenberg/AdobeStock

Quartier historique de Paris, le Marais, connu pour ses hôtels particuliers du XVIIe et XVIIIe siècles a été le premier secteur sauvegardé grâce à la loi Malraux. Ce dispositif garde encore toute son actualité. Il est utilisé aujourd’hui dans ce même quartier comme dans bien d’autres villes françaises. Retour sur une dépense fiscale au service du patrimoine national.

Instrument de l’entretien et de la réhabilitation du patrimoine urbain le dispositif Malraux a été pensé dans le contexte de l’urbanisation d’après-guerre, lorsque le besoin de logements et les impératifs de la reconstruction ont pu conduire à dégrader des centres-villes historiques. La loi sur la restauration du patrimoine votée le 4 août 1962 à l’origine de ce dispositif a pour champ d’application les investisseurs dans l’immobilier ancien qui réhabilitent des biens situés dans les quartiers historiques situés en centre-ville. Elle leur permet de réaliser un investissement locatif tout en bénéficiant d’un puissant levier fiscal via un mécanisme de réduction d’impôt sur le revenu.

Préserver un quartier

Pour Pierre Sudreau et André Malraux qui créent le 4 août 1964 l’Inventaire général du patrimoine culturel et le Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) dont le Marais est le premier à profiter, plus que réhabiliter des bâtiments remarquables, il s’agit surtout de préserver la cohérence architecturale d’un quartier tout entier. Lors des discussions préalables au vote de la loi à l’Assemblée nationale, André Malraux aura ce mot très éclairant : « les nations ont découvert que l’âme du passé n’est pas faite que de chefs-d’œuvre, qu’en architecture un chef-d’œuvre isolé risque d’être un chef-d’œuvre mort ». La loi du 4 août 1962 qui a créé ce dispositif ne vise donc pas seulement à préserver le patrimoine historique et architectural ancien, mais aussi à moderniser les logements, à préserver le tissu économique et social d’un quartier. Pour André Malraux, il s’agit bien de « conserver le patrimoine architectural et historique et améliorer les conditions de vie et de travail des Français ». On devra au dispositif Malraux et à la notion de secteurs sauvegardés. le renouveau du quartier de la Balance à Avignon, cher à André Malraux, la rénovation du vieux Lyon, maintenant classé au Patrimoine mondial de l’humanité, ou encore celle du centre-ville de Bordeaux. Mais sa première réalisation emblématique a été celle du Marais à Paris. Quinze ans plus tard, en 1977, le législateur ajoute au texte du 4 août 1962 un volet fiscal incitatif permettant aux investisseurs de déduire de leurs revenus les dépenses résultant des travaux effectués. Puis le bénéfice de l’avantage fiscal est étendu à de nouveaux secteurs protégés, les Zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), créées par l’article 70 de la loi de décentralisation du 7 janvier 1983. Elles sont remplacées par les Aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP), créées par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement. Enfin, les opérations de restauration immobilière dans le périmètre des Quartiers anciens dégradés (QAD), prévus par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, ont pu ouvrir droit au bénéfice de l’avantage fiscal Malraux jusqu’au 31 décembre 2015.

Une architecture remarquable menacée

Retour sur le sauvetage du Marais. Le PSMV du Marais couvre alors 126 hectares, environ 1,2 % de la surface de Paris. Il englobe le IIIe et le IVe arrondissements avec un prolongement rue Charlot. La zone est déclarée secteur sauvegardé en décembre 1964. Son extraordinaire patrimoine architectural a commencé à se constituer sous le règne de Charles V. La Renaissance a marqué une première vague de construction d’hôtels particuliers : hôtel Carnavalet, hôtel de Lamoignon, hôtel de Marle (futur institut suédois, etc.). Au XVIIe siecle, au sortir des guerres de religions, Henri IV y a lancé un programme de construction qui correspond à une nouvelle vague d’édification d’hôtels particuliers. C’est à la moitié du XVIIIe siècle qu’une certaine désaffection s’est fait jour pour ce quartier, la noblesse partant s’installer vers le faubourg Saint Germain. Les rénovations haussmaniennes ont peu affecté le quartier. Au XIXe siècle, artisans et commerçants s’y sont installés densifiant le quartier. Le Marais s’est appauvri, l’insalubrité y règne alors et les plus beaux édifices sont laissés à l’abandon. En 1925, il est imaginé d’en raser une partie pour construire des immeubles d’habitation (Projet Le Corbusier, comportant plusieurs tours d’habitation en forme de X). Si ce projet est abandonné, plusieurs édifices ont été démolis, comme l’hôtel Raoul, dont seul subsiste aujourd’hui le portail, qui a été détruit pour construire à sa place 78 logements. La destruction a concerné quelquefois des îlots entiers, comme le bâti ancien de l’îlot 16 (Saint Gervais), un foyer de tuberculose insablubre, qui a été presque entièrement détruit à l’exception des immeubles construits en 1734 pour la fabrique Saint-Gervais le long de la rue François Miron, dont il n’est conservé que la façade sur la rue Baudoyer, et des monuments historiques protégés. Si des initiatives étatiques et privées ont permis de sauver certains immeubles, c’est le dispositif Malraux qui est venu réellement changer la donne. Les premières opérations de réhabilitation commencent véritablement dans les années soixante-dix. La présence d’un avantage fiscal, à partir de 1977 en augmente le rythme. Des décennies de sauvegarde auront fait du Marais un des plus beaux et plus recherchés quartiers de Paris. En 2006, une procédure de révision du PSMV a été initiée. Elle a été finalisée en décembre 2013. De nouveaux objectifs sont pris en compte. Il s’agit notamment de sauvegarder le bâti plus récent, d’intégrer l’architecture contemporaine dans un quartier historique et d’y recréer de la mixité sociale. Aujourd’hui avec le PSMV du VIIe arrondissement qui couvre une surface de 194 hectares, le PSMV du Marais est l’un des deux seuls secteurs protégés où investir en Malraux à Paris. Et des projets continuent à être proposés aux investisseurs comme la réhabilitation de l’hôtel Voysin.

Un régime attractif

Ces programmes sont rares et attractifs pour les investisseurs. En effet si le régime Malraux constitue un instrument précieux pour l’entretien et la réhabilitation du patrimoine citadin, il constitue aussi un outil de diversification stratégique dans un portefeuille d’actifs. Ces programmes sont également recherchés pour leur capacité défiscalisante. En contrepartie de son investissement immobilier dans un immeuble ancien, assorti d’un engagement de location sur une durée de neuf ans, le contribuable bénéficie en effet d’une réduction d’impôts sur le revenu confortable. Le dispositif Malraux n’entre pas dans le champ d’application du plafonnement global sur les niches fiscales, qui limite à 10 000 euros à l’économie globale d’impôt dont peut bénéficier le contribuable. Pour pouvoir bénéficier de cette réduction d’impôt, le propriétaire doit effectuer une réfection totale de l’immeuble et s’engager à louer le bien non meublé pendant une durée minimale de neuf ans. Le bien doit être loué comme résidence principale, sans condition de niveau de loyer, ni de ressources pour le locataire. Le locataire ne doit pas appartenir au foyer fiscal du bailleur, ni être un ascendant ou un descendant. L’opération doit être réalisée en vue de la restauration complète d’un immeuble bâti situé dans un des secteurs, quartiers ou zones concernés. La restauration de ces locaux d’habitation doit avoir été déclarée d’utilité publique, sauf lorsque l’immeuble est situé dans un secteur sauvegardé couvert par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) approuvé pour les opérations engagées par une demande de permis de construire ou une déclaration préalable déposée du 1er janvier 2009 au 8 juillet 2016 ou dans un site patrimonial remarquable couvert par un PSMV approuvé ou par un plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP) approuvé, pour les opérations engagées par une demande de permis de construire ou une déclaration préalable déposée à compter du 9 juillet 2016.

Deux taux de réduction d’impôt

Le taux de la réduction d’impôt est fixé à 30 % pour les travaux effectués sur un immeuble situé dans un Site patrimonial remarquable (SPR) couvert par un Plan de sauvegarde et mise en valeur ((PSMV) approuvé. Dans les Quartiers anciens dégradés (QAD), la réduction de 30 % ne vise que les dépenses supportées jusqu’au 31 décembre 2022 au plus tard. Dans les quartiers présentant une concentration élevée d’habitat ancien dégradé et faisant l’objet d’une convention pluriannuelle prévue à l’article 10-3 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, elle n’est applicable qu’aux dépenses supportées jusqu’au 31 décembre 2022 au plus tard. Le taux de la réduction d’impôt est fixé à 22 % pour les travaux qui sont réalisés sur un immeuble situé dans un SPR, avec PVAP approuvé, ou dont le programme de restauration a été déclaré d’utilité publique. La base de la réduction d’impôt est constituée par le montant des dépenses éligibles à l’exclusion du prix d’acquisition du logement. En cas de vente d’immeuble à rénover (VIR), le montant des dépenses est celui des travaux devant être réalisés par le vendeur et payés par l’acquéreur selon l’échéancier prévu au contrat. Les dépenses sont prises en compte dans la limite d’un plafond de 400 000 euros calculé sur quatre années consécutives, ce qui correspond donc à une réduction maximale annuelle de 120 000 euros. Lorsque le bien est détenu en indivision, le plafond de 100 000 euros ou de 400 000 euros s’applique distinctement à chaque propriétaire indivis. Lorsque l’immeuble est détenu par une société non soumise à l’impôt sur les sociétés, chaque associé bénéficie de la réduction d’impôt sur le montant de sa quote-part de dépenses retenue dans la limite de 100 000 euros ou de 400 000 euros. Le fait générateur de la réduction d’impôt est constitué par la date de paiement des dépenses éligibles par le propriétaire ou son mandataire, à l’entreprise qui a réalisé les travaux de restauration. Seules ouvrent droit à la réduction d’impôt, au titre de l’année de leur versement, les sommes effectivement acquittées par le contribuable au titre des travaux éligibles et dont il justifie qu’elles ont bien été affectées au paiement des dépenses correspondantes. Des sommes versées au titre du paiement échelonné au fur et à mesure de la réalisation des travaux éligibles et qui donnent lieu à facturation, ouvrent donc droit à l’avantage fiscal au titre de l’année du paiement correspondant. Les dépenses payées sont retenues pour leur montant TVA comprise, après déduction des aides ou subventions accordées pour la réalisation des travaux, notamment par l’Anah.