Holding animatrice : vers un assouplissement

Publié le 29/06/2017

Une décision très attendue de la cour d’appel de Paris et favorable aux acteurs économiques conclut à la qualité de holding animatrice d’une société qui n’anime pas la totalité de ses participations dans une affaire relative à l’exonération d’ISF applicable aux biens professionnels.

L’administration fiscale tend à avoir une vision restrictive de la notion de holding animatrice, ce qui nourrit de nombreux contrôles fiscaux. Elle exige notamment, pour que le caractère animateur de la holding soit reconnu, que la société anime la totalité de ces filiales. Cette position, critiquée par les spécialistes du secteur, vient d’être mise à mal par un arrêt de confirmation rendu par la cour d’appel de Paris1 en matière d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Le concept d’animation

Conformément à l’article 885 A du Code général des impôts (CGI) dans sa rédaction applicable à l’espèce, les biens professionnels ne sont pas pris en compte pour l’assiette de l’ISF. Il s’agit des biens nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle du contribuable (CGI, art. 885 N). Et, en application de l’article 885 0 ter, seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale est considérée comme un bien professionnel. Les parts ou actions des sociétés ayant pour activité principale la gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier ne sont pas considérées comme des biens professionnels (CGI, art. 885 0). Une société holding n’est a priori pas considérée comme exerçant une activité professionnelle. Mais l’Administration admet que les holdings animatrices ont cette qualité.

Absence de cadre sécurisé

Il n’existe pas de définition précise de la holding animatrice. Le législateur, en 2011, s’est contenté d’indiquer qu’il s’agit d’une société qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales et rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. Cette définition a été formulée à l’occasion de la loi de finances pour 2011, lors de la rédaction des articles 199 terdecies-0 A du CGI et 885-0 V bis du CGI. Cette définition reprend les critères d’animation établis par la doctrine administrative2 sans pour autant les définir précisément. Une réponse ministérielle est d’ailleurs venue rappeler récemment les insuffisances de cette définition. Le parlementaire à l’origine de cette réponse demandait que soient précisées « les conditions exactes permettant de déterminer le caractère animateur d’une holding, à défaut, les conditions ne permettant pas d’obtenir le statut de holding animatrice »3. En pratique, les holdings qui sont les animatrices effectives de leur groupe, participent activement à la conduite de sa politique et au contrôle des filiales et rendent, le cas échéant et à titre purement interne au groupe, des services spécifiques administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers. Ces sociétés utilisent ainsi leur participation dans le cadre d’une activité industrielle ou commerciale qui mobilise des moyens spécifiques. Ces sociétés holdings animatrices s’opposent aux sociétés holding passives qui sont exclues du bénéfice de l’exonération partielle en tant que simples gestionnaires d’un portefeuille mobilier. Ce cadre sécurisé se fait attendre puisque le dernier projet d’instruction relatif à la holding animatrice est au point mort depuis l’été 2014. Or un nombre conséquent de régimes fiscaux de faveur et de réductions d’impôt, qu’il s’agisse d’une diminution de la base taxable aux droits de mutation à titre gratuit pour des titres faisant l’objet d’un engagement de détention, ou encore de l’abattement renforcé applicable aux plus-values de cessions de valeurs mobilières en matière d’impôt sur le revenu, renvoient au concept-clé de holding animatrice. En outre, ces dernières années, les services vérificateurs tendent à remettre en cause le caractère animateur de la holding dans plusieurs circonstances. Il en est ainsi lorsque la holding ne possède pas le contrôle exclusif de ses filiales quand la doctrine écrite de l’Administration se borne à requérir une participation effective à leur contrôle. L’administration fiscale a également commencé à refuser qu’il puisse y avoir plusieurs holdings animatrices dans un même groupe (notion de co-animation) que la holding détienne une filiale foncière, etc. L’administration fiscale a également remis en cause, dans un certain nombre de cas, le caractère même de la société holding animatrice au motif que la holding ne contrôlait pas la totalité de ses filiales. Le simple fait de ne pas animer une seule participation, si minime soit-elle, suffisait à disqualifier intégralement la holding en holding pure, privant le contribuable du bénéfice des dispositifs liés à la notion de holding animatrice. C’était le cas dans l’affaire récemment jugée par la cour administrative d’appel de Paris.

Remise en cause du caractère animateur de la holding

En l’espèce, le contribuable, Monsieur Y détenait au 1er janvier des années 2005 et 2006, 15,32 % des actions de la société EPI, une société par actions simplifiée dont il était le directeur général, laquelle société détenait directement des participations majoritaires dans quatre filiales ainsi qu’une participation indirecte et minoritaire au sein d’une cinquième filiale. Il a estimé pouvoir soustraire de l’assiette de l’impôt sur la fortune, pour les années 2005 et 2006, les titres de la société EPI qu’il détenait, dans la mesure où il s’agissait de biens professionnels exonérés. Il a donc retenu pour l’assiette de l’ISF, la seule valeur des titres EPI correspondant à la participation minoritaire dans une cinquième société. L’administration fiscale a considéré que la société EPI ne pouvait être considérée comme une holding animatrice. Dans la mesure où la qualification de biens professionnels ne pouvait être retenue concernant les titres de la société EPI, elle a adressé une proposition de rectification d’un montant de 190 141 €, au titre des années 2005 et 2006. L’administration fiscale a maintenu sa position. Et le contribuable a formé une réclamation contentieuse, laquelle a fait l’objet d’une décision de rejet. Monsieur Y s’est pourvu devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir l’annulation de cette décision. Le tribunal de grande instance de Paris a prononcé le dégrèvement des droits et pénalités y afférent mis en recouvrement, jugeant que l’Administration ne pouvait remettre en cause la qualité de holding animatrice pour le seul motif que la holding possédait également une participation minoritaire dans une société dont elle n’assurait pas l’animation4. L’administration fiscale a fait appel de ce jugement.

Un arrêt favorable au contribuable

Dans la réponse ministérielle Frassa précitée, l’administration fiscale n’a donné aucune précision quant à ses exigences relatives au « contrôle suffisant de la holding sur ses filiales » que ce soit en termes de pourcentage de détention, de droits de vote, etc. Dans cette réponse ministérielle, l’administration fiscale ne précise pas que la holding doit avoir un contrôle exclusif de ses filiales ni que l’ensemble des filiales doivent être contrôlées par la holding animatrice. Cependant, dans le projet d’instruction qui a été préparé en 2014, l’administration fiscale avait pris une position relativement favorable, admettant qu’une société holding puisse ne pas contrôler la totalité de ses filiales sous réserve que la proportion de filiales non contrôlées ou non animées ne représente pas plus de 50 % de son actif brut. La réponse ministérielle n’a pas repris cet assouplissement. La cour administrative d’appel de Paris confirme le raisonnement des juges de première instance. Le seul fait de détenir une participation minoritaire dans une filiale non animée ne peut fonder la remise en cause du caractère animateur d’une société holding. Le contribuable est donc fondé à exclure de l’assiette de calcul de l’ISF la quote-part de la valeur des titres EPI correspondant aux participations de cette dernière dans les 4 filiales qu’elle anime, et d’inclure dans son ISF la quote-part de la valeur des titres correspondant à la participation minoritaire détenue la cinquième filiale pour laquelle elle a un rôle de holding passive. L’Administration ne manquera pas de faire appel de cette jurisprudence. La position du Conseil d’État sur ce sujet sera très attendue et certainement riche d’enseignements.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CA Paris, 27 mars 2017, n° 15/02544.
  • 2.
    BOI-PAT-ISF-30-30-40-10 n° 140.
  • 3.
    JO Sénat, 1er déc. 2016, Frassa C. A.
  • 4.
    TGI Paris, 11 déc. 2014, n° 13/06969.
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