La fiscalité en cas de résidence alternée de l’enfant mineur

Publié le 29/06/2021

Dans une décision du 14 mai dernier, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution l’interdiction faite aux parents d’enfants mineurs en résidence alternée de déduire la pension alimentaire versée à l’autre parent. Le point sur la fiscalité découlant de la résidence alternée de l’enfant mineur.

Une décision du Conseil constitutionnel nous offre l’occasion de faire le point sur la fiscalité des parents dont les enfants sont en résidence alternée. Saisis d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), les Sages ont confirmé la conformité à la Constitution de l’impossibilité de déduire la pension versée à un descendant mineur pris en compte dans la détermination du quotient familial du débiteur (Cons. const., QPC, 14 mai 2021, n° 2021-907). En cause : l’article 156, II, 2°, du Code général des impôts (CGI), qui prévoit la déductibilité des pensions alimentaires versées en vertu d’une convention de divorce ou d’une décision de justice, du revenu global de leur débiteur.

Partage du quotient familial

En application de l’article 196 du Code général des impôts, les enfants mineurs ou infirmes sont considérés à la charge du contribuable et pris en compte de plein droit pour l’application du quotient familial. Chaque enfant à charge ouvre droit à une demi-part de quotient familial, puis à une part entière à partir du troisième enfant à charge. En cas de divorce, d’imposition séparée des époux ou partenaires d’un pacs, de rupture du pacs ou de séparation de fait de parents non mariés, l’enfant mineur est considéré, jusqu’à preuve du contraire, comme étant à la charge du parent chez lequel il réside à titre principal (CGI, art. 194). L’autre parent, qui forme un foyer fiscal distinct, ne peut donc pas bénéficier de la prise en compte de l’enfant dans son quotient familial.

En cas de résidence alternée au domicile de chacun des parents et sauf disposition contraire dans la convention de divorce, la convention homologuée par le juge, la décision judiciaire ou, le cas échéant, l’accord entre les parents, les enfants mineurs sont réputés être à la charge égale de l’un et de l’autre parent. Cette présomption peut être écartée s’il est justifié que l’un d’entre eux assume la charge principale des enfants.

Lorsque les enfants sont réputés être à la charge égale de chacun des parents, ils ouvrent alors droit à une majoration de :

– 0,25 part pour chacun des deux premiers et 0,5 part à compter du troisième, lorsque par ailleurs le contribuable n’assume la charge exclusive ou principale d’aucun enfant ;

– 0,25 part pour le premier et 0,5 part à compter du deuxième, lorsque par ailleurs le contribuable assume la charge exclusive ou principale d’un enfant ;

– 0,5 part pour chacun des enfants, lorsque par ailleurs le contribuable assume la charge exclusive ou principale d’au moins 2 enfants.

Le sort de la pension alimentaire

Versées au titre de l’obligation parentale d’entretien (C. civ., art. 203 et C. civ., art. 371-2) ou de l’obligation d’aliments (C. civ., art. 205 et C. civ., art. 207), sont en principe déductibles les pensions alimentaires versées en cas de divorce, de rupture d’un pacs, ou d’imposition séparée des époux ou des partenaires d’un pacs pour des enfants (CGI, art. 156, II, 2°). Le sont aussi les pensions versées spontanément par les personnes non mariées, vivant en concubinage ou séparément, à ceux de leurs enfants qu’elles ne comptent pas à charge.

La déduction peut porter sur la totalité de la pension fixée par le juge ou la convention. Si elle n’a pas été fixée par un jugement ou une convention, elle n’est déductible que dans la mesure où elle n’est pas excessive. Corrélativement, la pension alimentaire est imposable chez le parent qui la reçoit (CGI, art. 79).

Ces règles de déduction et d’imposition ne sont toutefois pas applicables en cas de résidence alternée.

Dessin d'un homme tendant des billets à une femme avec des enfants, image conceptuelle de la pension alimentaire
Feodora / AdobeStock

Le non-cumul des avantages fiscaux

La loi prévoit en effet une règle de non-cumul entre la majoration de quotient familial et la déduction d’une pension alimentaire : « Le contribuable ne peut opérer aucune déduction pour ses descendants mineurs lorsqu’ils sont pris en compte pour la détermination de son quotient familial » (CGI, art. 156, II, 2°).

L’interdiction ne distingue pas selon que l’enfant mineur est en résidence exclusive chez un parent ou en résidence alternée chez ses deux parents. Elle s’applique en effet au parent qui assume la charge principale de son enfant et bénéficie à ce titre de la totalité de la majoration de quotient familial, comme au parent d’un enfant qui vit en résidence alternée, et qui ne peut prétendre qu’à la moitié de la majoration du quotient familial.

Par conséquent, le parent d’un enfant en résidence alternée qui verse une pension alimentaire ne peut pas déduire la pension. Le parent d’un enfant en résidence alternée qui la reçoit n’est pas imposé à raison de cette pension (CGI, art. 80 septies).

Pour les auteurs de la QPC soulevée et transmise par le Conseil d’État (CE, 24 févr. 2021, n° 447219), l’impossibilité de déduire la pension alimentaire par le parent d’un enfant en résidence alternée crée une double discrimination.

Éviter un cumul d’avantages fiscaux

Les requérants estiment tout d’abord que ces dispositions portent atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques, en ce que le parent débiteur est privé de la possibilité de déduire cette pension alors que ne lui est attribuée, au titre de l’enfant, qu’une moitié de majoration de quotient familial.

Ce premier grief est écarté par le Conseil constitutionnel. Celui-ci rappelle, d’une part, que l’attribution d’une majoration de quotient familial au titre d’un enfant atténue la progressivité de l’impôt sur le revenu d’un contribuable en fonction de sa situation et de ses charges de famille. Et que, d’autre part, la déduction d’une pension alimentaire versée à un enfant mineur prend en compte, dans la détermination du revenu imposable, les sommes versées par un parent pour la contribution à l’entretien et l’éducation d’un enfant. Il juge que « Dès lors, en refusant la déduction d’une pension lorsque le parent débiteur bénéficie déjà d’une majoration de quotient familial au titre du même enfant, le législateur a entendu éviter un cumul d’avantages fiscaux ayant le même objet ». Et de conclure : « Si le parent qui a la charge partagée d’un enfant en résidence alternée ne peut pas, le cas échéant, déduire de ses revenus la pension alimentaire qu’il verse à l’autre parent, il bénéficie, en tout état de cause, de la moitié de la majoration de quotient familial ».

Une différence de traitement qui se justifie

Le second grief des requérants relève de l’atteinte au principe d’égalité devant la loi. Pour eux, le parent ayant une garde alternée et versant une pension alimentaire ne bénéficie que d’un avantage fiscal réduit par rapport au parent qui, ayant la charge principale de son enfant, se voit attribuer une majoration complète de quotient familial ou au parent qui, n’ayant ni une telle charge ni la charge partagée de l’enfant, peut déduire la pension alimentaire qu’il verse. Il en résulterait une différence de traitement injustifiée.

Là encore, le Conseil constitutionnel écarte le grief. Il considère que cette différence de traitement est fondée sur une différence de situation : le parent dont l’enfant réside principalement ou de manière alternée à son domicile contribue de manière différente à l’entretien et l’éducation de l’enfant par rapport au parent dont l’enfant réside de manière principale chez l’autre parent et à qui il verse une pension alimentaire qu’il peut déduire de son revenu. D’ailleurs, le Conseil indique que « Ni la majoration de quotient familial ni la déduction d’une pension alimentaire n’ont pour objet d’attribuer un avantage fiscal qui compenserait exactement l’ensemble des dépenses engagées par un parent pour l’entretien et l’éducation d’un enfant ».

Raisonnant sur le principe d’égalité devant la loi, le Conseil rappelle qu’il n’oblige pas à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. Ce qui justifie que le parent dont l’enfant réside principalement à son domicile ainsi que celui dont l’enfant y réside de manière alternée ne peuvent ni l’un ni l’autre déduire la pension alimentaire éventuellement versée à l’autre parent.

Enfin, les requérants évoquaient une différence de traitement injustifiée entre les deux parents d’un enfant en résidence alternée : « Alors que le parent d’un enfant en résidence alternée ne peut pas déduire la pension alimentaire qu’il verse, cette dernière n’est pas imposable entre les mains du parent qui la reçoit ». En réponse, les sages ont fait remarquer que cette circonstance ne résulte pas des dispositions contestées mais de l’article 80 septies du Code général des impôts.

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