Le médiateur du Minefi toujours plus sollicité

Publié le 12/04/2017

Instauré en 2002, le médiateur du Minefi voit son activité progresser chaque année. Particuliers et entreprises, tout contribuable peut recourir au médiateur indépendamment de l’introduction d’une procédure contentieuse pour rechercher une solution en équité.

Tout contribuable peut soumettre son désaccord avec l’administration fiscale au médiateur du Minefi (ministère de l’Économie et des Finances). Chapeauté depuis juillet 2016 par Christophe Baulinet (commissaire du gouvernement auprès du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables de 2013 à 2016) qui a succédé à Emmanuel Constans, le service de mode alternatif des conflits continue sa progression constante. En témoigne son rapport d’activité 20161.

Mode alternatif de règlement des conflits

Le recours au médiateur de Bercy concerne le fonctionnement des services du ministère de l’Économie et des Finances dans leurs relations avec les usagers. Gratuit, rapide et confidentiel, ce service peut être saisi par courrier, mail ou formulaire en ligne2, à condition d’avoir été précédée d’une première démarche de l’usager auprès du service concerné et que cette démarche préalable ait fait l’objet d’un rejet total ou partiel.

Après cette démarche infructueuse, le médiateur peut être saisi à tout moment de la procédure gracieuse ou contentieuse : dans le cadre d’une procédure contentieuse administrative en cours ; dans une procédure contentieuse alors même qu’une instance a été introduite devant les tribunaux et tant qu’une décision de justice définitive n’a pas été rendue ; à la suite d’une action administrative contestée comme le refus de délivrance d’un document administratif ; suite à une demande de transaction administrative, en matière fiscale et douanière notamment, et enfin, pour un recours à titre gracieux, comme la demande d’un échéancier de paiement, la remise ou la modération d’une dette fiscale.

Pour rappel, les propositions de médiation ne constituent pas des décisions judiciaires. Elles ne revêtent donc aucun caractère contraignant, mais dans les faits, l’Administration suit la proposition de médiation émise par le médiateur.

Un recours croissant ouvert à tous les contribuables

En 2016, le service a enregistré 7 393 demandes, soit une hausse des saisines de 38 % par rapport à 2015. Mais seules 1 929 demandes ont été jugées recevables, 5 065 ont été réorientées. Parmi les demandes recevables, 63 % d’entre elles portent sur les litiges fiscaux. En 2016, 1 870 demandes recevables ont donné lieu à une médiation et une clôture. Elles ont abouti à un résultat partiellement ou totalement favorable aux demandeurs dans 62 % des cas.

Ce service est accessible aux particuliers qui sont les principaux demandeurs (86 %) pour leurs demandes à caractère non professionnel, résidents de France ou non, ainsi qu’aux entreprises. Il n’est pas ouvert aux demandes collectives, telles qu’adressées par les associations d’usagers. À 94 %, les demandes sont directement formulées par les personnes concernées et leurs proches. Une petite minorité (6 %) font intervenir un intermédiaire, dont 37 % par les avocats, les notaires, les experts-comptables et les autres conseils. Dans 80 % des cas, le médiateur a répondu dans un délai inférieur à 90 jours.

Concernant l’enjeu moyen, il s’est élevé en 2016 à 93 010 € contre 48 609 € en 2015, avec une médiane à 2 236 €. 76 % des dossiers sont associés à un enjeu inférieur à 10 000 €. La demande maximale s’est élevée à 41,5 millions d’euros.

Examen en équité et dialogue

Le médiateur ne se prononce pas en droit mais intervient en équité, pour apprécier les circonstances de fait et des situations particulières dans lesquelles un particulier ou une entreprise confronté à la remise en cause par l’Administration d’un avantage fiscal pour des raisons indépendantes de sa volonté ou en raison de circonstances non prévues par la loi.

Dans son rapport d’activité 2016, le médiateur donne l’exemple de son intervention dans une la vérification de comptabilité. L’administration fiscale avait procédé à la rectification de la valeur locative cadastrale d’un immeuble industriel historiquement sous-évalué au regard de la méthode comptable applicable et des immobilisations portées au bilan de l’entreprise. Malgré les échanges contradictoires et l’intervention de l’interlocuteur de la direction de contrôle fiscal, le désaccord avait persisté et la réclamation contentieuse avait été rejetée. L’entreprise avait saisi le tribunal administratif et initié une demande de médiation en parallèle. Dans ce dossier, le médiateur a recommandé à la direction de contrôle fiscal de reprendre une nouvelle expertise du dossier afin d’éclairer certains éléments techniques et factuels, ce que la division juridique a accepté de faire, sous réserve que l’entreprise fournisse des éléments complémentaires. Dans ce type de situation, « l’intervention du médiateur ne peut se concevoir que dans l’objectif de permettre aux deux parties, si elles le souhaitent, d’échanger utilement pour tenter de résoudre le litige avant l’office du juge. Au cas présent, ce dialogue renoué (…) s’est avéré constructif pour les deux parties. Un dégrèvement partiel important a « été prononcé et l’entreprise s’est désistée de son instance devant le juge administratif pour le surplus des rappels », indique le rapport.

Les propositions de réforme : des pistes pour le CIR

Observateur de premier plan des difficultés d’interprétation des textes fiscaux par les contribuables, le médiateur adresse chaque année des propositions de réforme au législateur, conformément à sa mission. Souvent suivies d’effet, elles visent à améliorer le fonctionnement des services du ministère dans leurs relations avec les usagers, en éliminant les causes de litige. En 15 années d’existence, le médiateur a formulé 200 propositions de réforme.

L’une des évolutions souhaitées par le médiateur consiste à fiabiliser les remboursements de crédit d’impôt recherche aux entreprises. La collaboration entre la médiation de Bercy, la médiation des entreprises, la Direction générale de la recherche et de l’innovation et la Direction générale des entreprises peut permettre à des entreprises de faire valoir l’éligibilité de leurs projets au crédit d’impôt recherche (CIR) ou au crédit d’impôt innovation (CII) dans un cadre amiable. Au regard des demandes de médiation portant sur ce sujet, le médiateur propose un certain nombre de pistes afin d’améliorer la connaissance du mécanisme de remboursement de CIR aux entreprises et la sécurisation juridique des entreprises qui s’engagent dans des projets de recherche et développement. Ainsi, les entreprises pourraient être informées de la possible remise en cause du versement du CIR par l’ajout de cette précision sur les imprimés de demande de remboursement de CIR. En outre, l’information des entreprises et des services de la DGFiP et du MENESR sur des points d’assiette du CIR pourrait faire l’objet de précisions doctrinales, notamment en matière de définition de la sous-traitance et sur la prise en compte, sous certaines conditions, de l’amortissement des prototypes.

Ensuite, le médiateur propose de modifier le processus administratif : un contrôle trop en amont de l’éligibilité des projets de recherche ne serait pas toujours fiable. À l’inverse, le contrôle tardif, après remboursement de crédit d’impôt peut être dommageable en cas de remise en cause du CIR ou CII. Il propose d’encourager un contrôle approfondi de l’éligibilité des projets et des éléments d’assiette au CIR, avant le remboursement ou l’imputation définitive des sommes, dès le dépôt de la première demande de remboursement pour les primo-déclarants, et pour les autres, dès que de nouveaux projets seraient déclarés au CIR.

Par ailleurs, il considère que cet objectif pourrait être atteint par la création d’un service d’expertise renforcé au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR). La pratique actuelle révèle que les dossiers techniques remis à l’administration fiscale par l’entreprise ne permettent pas aisément aux experts du MESR de se prononcer sur l’éligibilité des projets au CIR. Une fois réalisée, l’expertise technique serait transmise à l’administration fiscale qui terminerait l’examen d’assiette et apporterait une réponse directe à l’entreprise à sa demande de restitution de CIR.

Des pistes pour les particuliers : l’abattement handicap

Une proposition vise à clarifier les conditions d’appréciation de la mise en œuvre de l’abattement prévu en matière de droits de mutation à titre gratuit, en faveur des personnes atteintes d’un handicap, prévu par l’article 779 II du Code général des impôts (CGI). Tout héritier, légataire ou donataire, incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d’une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise, bénéficie d’un abattement sur sa part. Les articles 293 et 294 de l’annexe II au CGI précisent que pour l’application de cet abattement, le successible qui invoque son infirmité doit justifier de son incapacité de travailler dans des conditions normales de rentabilité en raison d’une infirmité physique ou mentale, existant au jour de l’ouverture de la succession. Les services locaux rencontrent une difficulté de mise en œuvre de cette disposition au niveau de l’appréciation de la notion de conditions normales de rentabilité, notamment lorsque les intéressés exercent bien une fonction professionnelle, ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils auraient exercé la même en l’absence de leur handicap. Afin de permettre une application plus uniforme des dispositions de cet article, et dès lors qu’il convient de tenir compte des efforts fournis par les intéressés pour exercer les professions qui leur sont confiées, le médiateur préconise que la loi précise que la reconnaissance du statut de travailleur handicapé et un certain taux d’invalidité permettent aux intéressés de bénéficier de cet abattement.

L’exonération partielle de taxe foncière sur les propriétés bâties, en cas de vacance locative de plus de trois mois

En vertu de l’article 1389 du CGI, les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière, en cas de vacance d’une maison normalement destinée à la location ou d’inexploitation d’un immeuble utilisé par le contribuable, lui-même à usage commercial ou industriel, à partir du premier jour du mois suivant celui du début de la vacance ou de l’inexploitation jusqu’au dernier jour du mois au cours duquel la vacance ou l’inexploitation a pris fin. Compte tenu de l’évolution du marché locatif et des difficultés posées par l’appréciation des situations concourant au bénéfice du dispositif, le médiateur, régulièrement saisi pour des litiges relatifs à l’application de cet article, préconise d’envisager un aménagement des modalités de son application en vue d’harmoniser les pratiques sur le territoire.

La restitution de retenues à la source des contribuables non-résidents

Le traitement des demandes de restitution de retenues à la source (RAS) opérées au titre de l’article 182 A du CGI par un employeur français sur les salaires d’une activité en France de non-résidents peut conduire à des difficultés de traitement et certaines incompréhensions des usagers quant aux justifications à apporter. En cas de bénéfice de la restitution de la RAS, l’impôt sur les revenus de source française est nul, mais le service demande au non-résident de justifier que son employeur a bien effectivement acquitté ladite retenue à la source. La DGFiP met en place les mêmes outils de collecte et de contrôle que pour le RAS qui ne prévoit pas de demander aux contribuables de justifier que le tiers collecteur a bien effectivement reversé l’impôt avant d’en accepter l’imputation ou la restitution même dans le contexte de fraude ou de défaillance de l’entreprise.

Le suivi des propositions de réformede 2015

Le médiateur du Minefi peut se prévaloir de la mise en œuvre de plusieurs réformes proposées à la suite de son rapport d’activité de 2015. Parmi celles-ci :

  • la mise en place de la retenue à la source pour le paiement de l’impôt sur le revenu ;

  • l’amélioration du dispositif du CIR mis en œuvre par la DGFiP et le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ;

  • l’amélioration de l’information des usagers qui font construire ou réaménager leur habitation du montant des taxes d’urbanisme et de leurs modalités de recouvrement ;

  • l’amélioration de l’information et la clarification des règles d’assujettissement à la taxe d’habitation des personnes qui louent des locaux meublés de tourisme et notamment des gîtes ruraux dont elles n’ont pas la disposition à usage personnel ;

  • le développement des médiations indépendantes dans les collectivités territoriales (régions, communes, départements) et leurs établissements publics.

Notes de bas de pages

  • 1.
    www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/mediateur/ra-mediateur2016.pdf.
  • 2.
    www.economie.gouv.fr/mediateur/demande-mediation.