Le nouveau régime de TVA du marché de l’art : un changement de paradigme favorable aux professionnels et aux collectionneurs

Publié le 21/02/2024
Le nouveau régime de TVA du marché de l’art : un changement de paradigme favorable aux professionnels et aux collectionneurs
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Le nouveau régime de TVA du marché de l’art est issu de l’article 83 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 qui transpose en droit national les dispositions de la directive (UE) n° 2022/542 du Conseil du 5 avril 2022. La directive du 5 avril 2022 autorise les États membres à adopter un taux réduit de TVA d’au moins 5 % pour tout ou partie des transactions portant sur un nombre limité de catégories de prestations de services et de biens. Les œuvres d’art, les objets de collection ou d’antiquité constituent l’une des catégories éligibles. Les pouvoirs publics ont arbitré en faveur de l’application généralisée du taux réduit de 5,5 % aux biens échangés sur le marché de l’art, ce qui tend à favoriser les professionnels, artistes et négociants, ainsi que les collectionneurs, et à soutenir le dynamisme du secteur. Le régime précédent institué il y a trente ans par la 7e directive, permettant en substance de calculer le montant de la TVA sur la marge réalisée par le négociant, n’est pas abrogé, mais il devrait à l’avenir s’appliquer de façon résiduelle.

L. n° 2023-1322, 29 déc. 2023, de finances pour 2024

Le nouveau régime de TVA du marché de l’art découle de l’obligation faite aux États membres de l’Union européenne (UE) de transposer en droit national, au plus tard le 31 décembre 20241, les dispositions de nature législative et réglementaire de la directive (UE) n° 2022/542 du Conseil du 5 avril 2022 modifiant les directives n° 2006/112/CE et (UE) n° 2020/285, en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée. Il marque une modification substantielle du cadre légal instauré il y a trente ans par la directive n° 94/5/CE du Conseil du 14 février 1994 dite 7e directive relative « au régime particulier applicable dans le domaine des biens d’occasion, des objets d’art, de collection ou d’antiquité »2, modifiée par la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006.

Le gouvernement a décidé de procéder à la transcription dès 2023, bien que les dispositions en droit interne ne puissent entrer en vigueur qu’au 1er janvier 2025, afin de ne pas « semer la confusion en laissant les acteurs dans une situation d’incertitude »3.

La nouvelle règle de droit concerne un secteur dont Gabriel Attal, à l’époque ministre délégué chargé des comptes publics, soulignait « l’attractivité, le rayonnement et le poids économique (…) indispensables à notre pays, à sa culture et à son économie »4. En effet, les transactions effectuées en France représentent environ 5 milliards de dollars (évaluation 2022) sur un marché mondial estimé à 67,8 milliards de dollars : la France occupe le quatrième rang avec 7 % du marché, au lieu de 5 % en 2012, derrière les États-Unis (45 %), la Chine (18 %) et le Royaume-Uni (17 %). La part du marché français équivaut à la moitié du marché de l’art de l’Union européenne5. Le marché national représente plus de 100 000 emplois directs6.

Dans ce contexte, le gouvernement a fait le choix de transposer la directive du 5 avril 2022 – adoptée sous la présidence française de l’UE – en confirmant son soutien au marché de l’art dans le nouveau cadre juridique : les biens échangés sur ce marché sont retenus parmi les catégories éligibles au taux réduit de TVA de 5,5 %7, et ce, « tout au long de la chaîne commerciale »8. Pour autant, si les dispositions issues de la 7e directive relatives au régime particulier de TVA sont maintenues, elles ne représentent plus le régime de droit commun.

Le régime particulier de TVA du marché de l’art issu de la directive du 14 février 1994 modifiée par celle du 28 novembre 2006, qui constituait jusqu’à présent le seul fondement du cadre légal des transactions sur le marché de l’art, reposait principalement sur la règle de l’imposition de la marge bénéficiaire ou par dérogation forfaitaire (I). La transcription en droit interne de la directive du 5 avril 2022 dans le cadre de la loi de finances pour 2024 généralise à l’ensemble des transactions du marché de l’art le taux réduit de TVA de 5, 5 % (II).

I – Quand le régime particulier de TVA du marché de l’art reposait principalement sur la règle de l’imposition de la marge bénéficiaire ou par dérogation forfaitaire

Rappelons que l’instauration d’un marché unique au sein de la Communauté européenne devenue l’UE supposait l’application par chacun des États membres de règles fiscales qui ne faussent pas les conditions de concurrence et qui n’entravent pas la libre circulation des marchandises et des services. C’est pourquoi un système commun de TVA a été mis en place9.

Pour tenir compte des modalités spécifiques du négoce sur ce marché, il a néanmoins été prévu, au sein de ce système commun, « un régime particulier relatif aux biens d’occasion, objets d’art, de collection ou d’antiquité », figurant au chapitre 4 du titre XII de la directive du 28 novembre 2006.

La classification des biens visés, définie initialement dans la directive du 14 février 1994, a été reprise à l’annexe III de la directive du 28 novembre 2006 – voir la nomenclature reproduite à l’annexe du présent article – et transcrite en droit interne10.

En dehors des cas strictement limités pour lesquels un taux réduit de TVA est autorisé, les transactions sur le marché de l’art sont imposées suivant la règle commune, au taux normal de TVA. Toutefois, le régime particulier prévoit que l’assiette servant au calcul du montant de la TVA due par les professionnels est constituée non pas par le prix de vente, mais par la marge bénéficiaire constatée, de droit ou sur option (A), ou par dérogation sur la marge forfaitaire (B).

A – Le calcul de la TVA sur la marge bénéficiaire de droit ou sur option

Le régime de la marge bénéficiaire est de droit commun11 pour les professionnels du marché de l’art appelés assujettis-revendeurs12.

Les dispositions particulières concernant les professionnels du marché de l’art ont pour objectif de compenser le phénomène de rémanence d’impôt. Par rémanence d’impôt, on désigne l’impossibilité dans laquelle se trouve un assujetti-revendeur de calculer, et donc de pouvoir déduire, la TVA comprise dans le prix d’achat des biens du montant de la TVA reversée au Trésor public.

C’est le cas lorsqu’un commerçant acquiert une œuvre d’art, un objet de collection ou d’antiquité auprès d’un non-redevable de la TVA : soit un non-assujetti (un particulier), soit un assujetti dont la vente est exonérée (ainsi pour la cession de biens mobiliers d’investissement), soit un assujetti bénéficiaire de la franchise de TVA (un artiste plasticien13), soit un autre assujetti-revendeur ayant placé sa vente sous le régime de la marge (une galerie d’art, un antiquaire ou un opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères)14.

Le processus de taxation de la marge bénéficiaire15 dans les cas où le phénomène de rémanence d’impôt est constaté est le suivant :

• l’assiette de l’impôt est constituée par la marge bénéficiaire, c’est-à-dire la différence entre le prix de vente TTC et le prix d’achat TTC. Ces prix sont considérés comme étant TTC par construction ;

• le taux de TVA appliqué à l’assiette taxable est le taux normal (20 %) ;

• la marge bénéficiaire TTC est ramenée hors taxe par l’application d’un coefficient de conversion, soit 0,833 pour le taux normal de TVA de 20 %16.

Le recours au régime de la marge interdit toute déduction de la TVA supportée en amont17.

Les assujettis-revendeurs peuvent demander sur option l’application du calcul de la TVA sur la marge bénéficiaire18.

Cette option peut être exercée19 si la vente d’une œuvre d’art, d’un objet de collection ou d’antiquité constitue une première opération sur le territoire national à la suite d’une importation, d’une acquisition intracommunautaire, de l’acquisition d’une œuvre d’art auprès de son auteur ou de ses ayants droit. Dans cette hypothèse, taux réduit de TVA en amont et régime de la marge ne sont pas considérés comme incompatibles.

En cas d’impossibilité de la taxation sur la marge bénéficiaire, de droit ou sur option, c’est le prix de vente du bien qui sert d’assiette pour le calcul de la TVA20.

B – Le régime dérogatoire de la marge forfaitaire de 30 %

Les ventes d’œuvres d’art peuvent être soumises à la TVA selon le régime de la marge forfaitaire de 30 % dans le cas où l’assujetti-revendeur ne peut pas déterminer avec précision le prix d’achat payé au vendeur ou lorsque ce prix n’est pas significatif21. Cette disposition a été adoptée à la suite d’un amendement proposé par le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Elle repose sur une déclaration figurant au procès-verbal de la réunion du Conseil concernant la directive du 14 février 1994, mais n’est pas expressément inscrite dans la directive. Cette dérogation au principe de la marge bénéficiaire permet de « réinstaurer en France un régime voisin de celui existant avant 1991 »22.

Cette disposition concerne plus précisément les galeries de promotionqui ne sont pas en mesure de déterminer avec exactitude le prix d’achat payé au vendeur. Il s’agit par exemple de la fourniture régulière d’œuvres d’art en contrepartie de la prise en charge de dépenses courantes ou de la réalisation d’actions de promotion – participation à des foires, manifestations, expositions temporaires ou permanentes effectuées en France et à l’étranger. Ces actions peuvent concerner l’œuvre d’un seul artiste, vivant ou décédé, ou être rattachées à un courant artistique. La preuve de l’organisation de ces manifestations peut être apportée par tout moyen. La marge forfaitaire peut être appliquée à l’ensemble des ventes effectuées par une galerie, si elle effectue de manière habituelle des actions de promotion23.

Le régime de la marge forfaitaire de 30 % a été étendu dans deux cas. D’une part, les détenteurs de stocks anciens peuvent y recourir. La valeur d’acquisition des œuvres d’art détenues depuis plus de six ans dans les stocks à partir de leur inscription en comptabilité est considérée comme non significative. En effet, « compte tenu des fluctuations du marché de l’art et de l’érosion monétaire, le prix d’achat des œuvres détenues depuis plusieurs années dans les stocks du négociant peut n’être pas significatif du prix réel »24. D’autre part, le régime dérogatoire « s’applique également aux pièces d’ébénisterie de plus de cent ans d’âge dont la rareté ou l’attribution atteste de l’originalité du travail de l’artiste, à l’exclusion des articles d’orfèvrerie ou de joaillerie. Ces biens présentent en effet des caractéristiques similaires aux œuvres d’art »25.

La marge forfaitaire est calculée sur 30 % du prix de vente TTC – TVA au taux de 20 % – ramené hors taxe par application du taux de conversion.

Les opérations considérées peuvent également être soumises au régime de la marge réelle ou être imposées sur le prix de vente total26.

En résumé, on peut observer que, si les transactions sur le marché de l’art sont par principe soumises au taux normal de TVA, à l’exception des trois cas mentionnés plus haut qui bénéficient du taux réduit de 5,5 %, le régime de la marge bénéficiaire réduit de facto l’impact du prélèvement fiscal. S’agissant de la marge forfaitaire dont la base imposable représente 30 % du prix de vente d’un bien qui est ramenée hors taxe par l’application du taux de conversion, on aboutit à un taux de TVA effectif de 6 %, soit un taux proche du taux réduit de 5,5 %27.

II – La loi de finances pour 2024 transposant la directive du 5 avril 2022 généralise le taux réduit de TVA de 5,5 % à l’ensemble des transactions effectuées sur le marché de l’art

Poursuivant l’harmonisation des règles fiscales, la directive du 5 avril 2022 bâtit une architecture strictement normée des modalités d’application de la TVA, visant notamment à « éviter la prolifération des taux réduits pour des raisons budgétaires et du principe d’égalité de traitement »28.

Cependant, elle donne plus de latitude aux États membres dans le choix des biens et prestations de services dont la commercialisation est susceptible de faire l’objet d’un taux réduit. En effet, le système doit encore évoluer pour parvenir à imposer toutes les transactions au sein de l’UE dans le pays de destination, et non pas dans le pays de départ. Dans cette perspective, « une plus grande diversité des taux de TVA ne perturberait pas le fonctionnement du marché intérieur ni ne fausserait la concurrence »29.

En tout état de cause, « le cadre juridique permettant l’application de taux réduits devrait être globalement cohérent avec les autres politiques de l’Union »30, notamment en matière sociale, environnementale et d’adaptation à l’ère du numérique31. En outre, « les biens et services pouvant faire l’objet de taux réduits devraient viser à bénéficier au consommateur final et poursuivre des objectifs d’intérêt général »32.

Cette nouvelle architecture conduit à limiter les avantages que constitue la taxation de la marge bénéficiaire sur laquelle repose le régime particulier de TVA relatif aux objets d’art de collection ou d’antiquité. En contrepartie, elle donne aux États membres la possibilité de favoriser le secteur du marché de l’art en incluant les biens considérés dans la liste des catégories de biens et services éligibles au taux réduit (A). À l’occasion de la transcription en droit national des dispositions de la directive dans le cadre de la loi de finances pour 2024, la France change de paradigme et soumet toutes les ventes des biens concernés au taux réduit de TVA de 5,5 % (B).

A – La directive du 5 avril 2022 limite les avantages du régime de la marge bénéficiaire, mais autorise l’application d’un taux réduit de TVA

La directive du 5 avril 2022 bâtit une nouvelle architecture des taux réduits de TVA.

L’échelle des taux réduits autorisés et les modalités de leur mise en œuvre sont déterminées de la façon suivante33 :

• les États membres sont libres d’appliquer deux taux réduits d’au moins 5 % de la base imposable, un taux réduit inférieur au seuil minimal de 5 % et une exonération avec droit à déduction de la TVA en amont ;

• les taux réduits d’au moins 5 % sont susceptibles de s’appliquer à vingt-quatre catégories de prestations de services et de biens figurant dans la liste de l’annexe III de la directive, laquelle en comporte désormais vingt-neuf ;

• les taux « super-réduits » et l’exonération sont susceptibles de s’appliquer à sept catégories de biens figurant dans cette liste, destinés à couvrir des besoins fondamentaux.

À l’égard des œuvres d’art, objets de collection ou d’antiquité, les dispositions de la directive du 5 avril 2022 s’orientent autour des deux axes suivants.

1) D’une part, trois dispositions limitent les avantages présentés par le régime de la marge bénéficiaire (v. I, A) en le rendant incompatible avec l’application d’un taux réduit de TVA en amont.

Tout d’abord, la directive dispose que n’est pas autorisée l’application des taux réduits de TVA à la vente d’œuvres d’art, d’objets de collection ou d’antiquité lorsque celle-ci a fait l’objet des régimes particuliers prévus au chapitre 4 du titre XII de la directive du 28 novembre 2006 précédemment cité34. Ensuite, elle supprime la possibilité35 pour les États membres de prévoir l’application des taux réduits dans les cas d’importation des biens considérés36 et d’acquisition d’œuvres d’art auprès de leur auteur ou de ses ayants droit37. Enfin, elle dispose que le régime de la marge bénéficiaire ne permet pas l’application d’un taux réduit de TVA aux biens considérés dans les cas suivants38 : achat ou importation par un négociant du marché de l’art ; achat d’œuvres d’art auprès de leur auteur ou de ses ayants droit ; achat d’œuvres d’art auprès d’un assujetti non professionnel du marché de l’art.

Ainsi, la directive n’abroge pas le régime particulier relatif aux objets d’art, de collection ou d’antiquité fondé principalement sur le mécanisme de taxation de la marge bénéficiaire, mais elle restreint le caractère attrayant du dispositif, et met en concurrence l’ensemble du régime avec les nouvelles dispositions relatives aux taux réduits (v. infra).

En tout état de cause, on peut s’interroger sur la volonté du Conseil de l’Union européenne de pérenniser le régime particulier fondé sur la taxation de la marge bénéficiaire à la lecture de l’article 4 de la directive intitulé « réexamen » qui prévoit une modification éventuelle dudit régime sur le fondement d’une évaluation du dispositif à la lumière de l’ère numérique et de l’objectif d’un système de TVA fondé sur la taxation dans l’État membre de destination.

2) D’autre part, la directive du 5 avril 2022 permet une généralisation de l’application du taux réduit de TVA de 5,5 % aux ventes d’œuvres d’art, d’objets de collection ou d’antiquité par les professionnels.

En effet, elle dispose que l’usage par les États membres de taux réduits ne peut s’appliquer qu’à des biens et à des prestations de services dans la limite de vingt-quatre points parmi ceux cités à l’annexe III de la directive du 28 novembre 2006 laquelle en comporte désormais vingt-neuf39. Parmi les items énoncés à l’annexe III ainsi modifiée figure précisément au point 26 « la livraison des objets d’art, de collection ou d’antiquité énumérées à l’annexe IX, parties A, B, C »40. En outre, la directive prévoit que « les taux réduits seront en principe applicables tout au long de la chaîne commerciale » (considérant 3), ce qui donne toute latitude aux États membres d’ouvrir largement cette disposition favorable aux différents intervenants du marché de l’art.

Ainsi, la directive du 5 avril 2022 a-t-elle profondément modifié les modalités d’application de la TVA du marché de l’art en rendant le régime de la marge bénéficiaire moins avantageux pour les négociants du secteur. Toutefois, en permettant aux États membres de généraliser le taux réduit d’au moins 5 % pour l’ensemble des transactions réalisées par les professionnels du marché de l’art, elle leur accorde la possibilité d’adopter un nouveau cadre légal favorable à l’essor de leur activité.

B – La loi de finances pour 2024 autorise l’application du taux réduit de TVA de 5,5 % à toutes les ventes réalisées sur le marché de l’art

Conformément à l’engagement du gouvernement et à la suite d’une concertation approfondie avec les organisations représentatives du secteur du marché de l’art, l’article 83 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 procède à la transcription en droit national de la directive du 5 avril 2022.

Les dispositions législatives sont issues de deux amendements identiques déposés l’un par le gouvernement41 et l’autre par des députés42 lors de la première lecture par l’Assemblée nationale du projet de loi de finances pour 2024. Elles ont été définitivement adoptées à l’article 83 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 considérée comme adoptée en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution43.

Les nouvelles mesures portent sur les points suivants :

• application du taux réduit de TVA de 5,5 % à l’ensemble des modalités d’acquisition et de vente effectuées par les commerçants du marché de l’art ;

• renforcement de l’encadrement du régime de la marge conduisant à la suppression, d’une part, de l’option pour la marge bénéficiaire, d’autre part, du régime de la marge forfaitaire.

La loi autorise la mise en œuvre du taux réduit de TVA de 5,5 % tout au long des étapes de la commercialisation des œuvres d’art, objets de collection ou d’antiquité. Toutefois, elle précise que cette disposition ne s’applique pas en cas de recours concernant le calcul de la TVA, lorsque la base d’imposition est déterminée selon le régime de la marge bénéficiaire44.

Au sujet de la définition des biens considérés, qui figure en annexe du présent article, la loi reprend la référence antérieure, laquelle n’a pas fait l’objet de modification45. À cet égard, on peut observer que l’article 98 A de l’annexe III du CGI relatif au régime particulier de TVA du secteur du marché de l’art énumère déjà en reprenant les dispositions des précédentes directives les biens concernés46. On notera que la même référence est désormais retenue pour définir le statut de photographe-auteur en matière d’exonération de la contribution foncière des entreprises47, afin de pallier les effets des abrogations adoptées et par cohérence48.

La loi tire les conséquences du changement de principe introduit par la directive en procédant à l’abrogation des dispositions suivantes, devenues sans objet :

• l’exception concernant les œuvres d’art au principe selon lequel les acquisitions intracommunautaires et les importations de biens relèvent du taux portant sur ces biens49 ;

• la mesure relative à l’application du taux réduit de TVA de 10 % en cas de cession d’œuvres d’art effectuées à titre occasionnel par les personnes qui les ont utilisées pour les besoins de leur exploitation et chez qui elles ont ouvert le droit à déduction de la TVA50 ;

• l’option pour le régime de la marge bénéficiaire51 ainsi que deux dispositions relatives à l’application dudit régime52 ;

• le régime dérogatoire de la marge forfaitaire53. En effet, cette disposition « n’ayant aucune base juridique dans la directive [la 7e directive modifiée] elle exposait de longue date la France aux remontrances des institutions européennes »54.

L’ensemble de ces mesures constitue un « facteur de simplification et de rationalisation des activités du secteur et contribueront à moyen terme à l’attractivité de la France dans ce domaine »55. Elles sont de nature également à augmenter les recettes fiscales56.

Conclusion

On peut se réjouir du choix effectué par le gouvernement en se fondant sur la directive du 5 avril 2022 d’appliquer le taux réduit de TVA de 5, 5 % à l’ensemble des transactions du marché de l’art. Il est néanmoins regrettable que la directive et, partant, la législation française continuent de se référer à la définition des œuvres d’art telle qu’elle a été fixée par la directive du 14 février 1994 reprise par celle du 28 novembre 2006. Cette définition présente aujourd’hui un caractère limitatif et peu en adéquation avec le perpétuel renouvellement des pratiques artistiques et un marché de l’art en constante évolution. L’adoption de la directive du 5 avril 2022 aurait pu être l’occasion d’une révision de cette définition par la prise en compte d’autres formes de création artistique reconnues telles que les œuvres vidéo, ainsi que de leurs modalités d’exploitation notamment sous le contrôle des ayants droit57.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Article 3.
  • 2.
    Le présent article ne traite pas des objets d’occasion.
  • 3.
    L. Vassy, « Fiscalité : directive TVA : le gouvernement annonce une décision d’ici fin 2023 », Le Quotidien de l’art, 6 mars 2023.
  • 4.
    L. Vassy, « Fiscalité : directive TVA : le gouvernement annonce une décision d’ici fin 2023 », Le Quotidien de l’art, 6 mars 2023.
  • 5.
    Rapport Art Basel-UBS 2023, Clare McAndrew, 2023.
  • 6.
    Ministère de la culture, présentation du budget 2024, projet de loi de finances du ministère de la culture, dossier de presse, 27 sept. 2023, p. 16.
  • 7.
    Aux termes des dispositions des articles 98 et 99 de la directive du 28 novembre 2006, les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits qui ne peuvent pas être inférieurs à 5 % de la base d’imposition.
  • 8.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2022/542, 5 avr. 2022, cons. 3.
  • 9.
    Le budget de l’UE est financé, à hauteur de 11 % en 2022, par le transfert par les États membres d’une contribution égale à 0,3 % de la TVA qu’ils perçoivent.
  • 10.
    Le décret n° 95-172 du 17 février 1995 a transposé en droit interne la liste des biens concernés ; BOI-TVA-SECT-90-10-20140411, 11 avr. 2014. Il a été codifié à l’article 98 A de l’annexe 3 du CGI, section VIII « régimes spéciaux » du chapitre 1 du titre II « TVA ».
  • 11.
    Sous-section 1 « régime de la marge bénéficiaire », section 2 « régime particulier des assujettis-revendeurs » du chapitre 4 du titre XII de la directive du 28 novembre 2006 ; CGI, art. 297 A ; BOI-TVA-SECT-90-20-420150506, 6 mai 2015, § 170.
  • 12.
    La définition de l’assujetti-revendeur est la suivante : « Tout assujetti qui, dans le cadre de son activité économique, achète ou affecte aux besoins de son entreprise, en vue de leur revente, des biens d’occasion, des objets de collection ou d’antiquité, que cet assujetti agisse pour son compte ou pour le compte d’autrui en vertu d’un contrat de commission à l’achat ou à la vente » (Cons. UE, dir. n° 2006/112/CE, 28 nov. 2006, article 311-1) ; BOI-TVA-SECT-90-20-420150506, 6 mai 2015 § 140.
  • 13.
    Pour les années 2023 à 2025, le seuil est fixé pour les artistes auteurs à 47 600 € (CGI, art. 293 B-III-2).
  • 14.
    Cons. UE, dir. n° 2006/112/CE, 28 nov. 2006, art. 314 ; CGI, art. 297 A-1 ; BOI-TVA-SECT-90-20-20150506, 6 mai 2015, § 210. En ce qui concerne en particulier les ventes aux enchères publiques, voir les articles 333 à 337 de la directive du 28 novembre 2006 ; BOI-TVA-SECT-90-20-20150506, 6 mai 2015, § 150.
  • 15.
    Le régime de taxation sur la marge bénéficiaire s’applique soit de façon globale soit au coup par coup : BOI-TVA-SECT-90-20-20150506, 6 mai 2015.
  • 16.
    BOI-TVA-SECT-90-20-20150506, 6 mai 2015, § 290.
  • 17.
    Seule peut être déduite la TVA portant sur les éléments qui ont grevé le coût de l’intervention de l’assujetti-revendeur : BOI-TVA-SECT-90-20-20150506, 6 mai 2015, § 350-360.
  • 18.
    Cons. UE, dir. n° 2006/112/CE, 28 nov. 2006, art. 316 ; CGI, art. 297 B ; BOI-TVA-SECT-90-40-20150305, 4 mars 2015, § 30-100.
  • 19.
    L’option court à partir du premier jour du mois suivant celui de la demande jusqu’à la fin de la deuxième année civile suivante. Elle est renouvelable par tacite reconduction par période de deux années civiles (CGI, art. 297 B).
  • 20.
    CGI, art. 297 C ; BOI-TVA-SECT-90-20-20150506, 6 mai 2015 § 490-520.
  • 21.
    CGI, art. 297 A-III, issu de l’article 16-III de la loi n° 94-1163 du 29 décembre 1994 de finances rectificative pour 1994 ; BOI-TVA-SECT-90-40, 4 mars 2015, § 180-250.
  • 22.
    AN, commission des finances, rapp. n° 1745, 1re session (1994-1995), par P. Auberger, p. 126. « Le nouveau régime issu de la 7e directive communautaire n’apporte pas de changement fondamental au régime applicable jusqu’alors » ; SLF, instr., 17 févr. 1995, relative à la TVA. Régime applicable à compter du 1er janvier 1995 aux biens d’occasion, aux œuvres d’art et aux objets de collection ou d’antiquité.
  • 23.
    BOI-TVA-SECT-90-40, 4 mars 2015, § 180-250.
  • 24.
    BOI-TVA-SECT-90-40, 4 mars 2015, § 190.
  • 25.
    BOI-TVA-SECT-90-40, 4 mars 2015, § 200.
  • 26.
    BOI-TVA-SECT-90-40, 4 mars 2015, § 180.
  • 27.
    BOI-TVA-SECT-90-40, 4 mars 2015, § 220-230. BOI-TVA-SECT-90-40, 4 mars 2015, § 180.
  • 28.
    Cons. 6.
  • 29.
    Cons. 2.
  • 30.
    Cons. 4.
  • 31.
    Cons. 4 à 7 et 16.
  • 32.
    Cons. 3.
  • 33.
    Nouvelle rédaction de l’article 98 de la directive du 28 novembre 2006 issue de l’article 1-6 de la directive du 4 avril 2022.
  • 34.
    L’article 1-7 de la directive du 5 avril 2022 abroge l’article 98 bis de la directive du 28 novembre 2006.
  • 35.
    L’article 1-12 de la directive du 5 avril 2022 abroge les dispositions de l’article 103 de la directive du 28 novembre 2006.
  • 36.
    Cons. UE, dir. n° 2006/112/CE, 28 nov. 2006, article 103-1 ; CGI, art. 278-0 bis (taux réduit de 5,5 %) ; BOI-TVA-SECT-90-40-201150304, 4 mars 2015, § 1.
  • 37.
    Cons. UE, dir. n° 2006/112/CE, 28 nov. 2006, art. 103-2- ; CGI, art. 278-0 bis (taux réduit de 5,5 %) ; BOI-TVA-SECT-90-40-201150304, 4 mars 2015, § 250. Toutefois, les cessions des droits patrimoniaux des auteurs des œuvres de l’esprit sont taxées à la TVA au taux de 10 % (CGI, art. 279-g).
  • 38.
    L’article 1-20 de la directive du 5 avril 2022 modifie les dispositions de l’article 316-1 de la directive du 28 novembre 2006.
  • 39.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2022/542, 5 avr. 2022, cons. 6.
  • 40.
    À titre d’illustration des possibilités offertes désormais par la directive en matière d’application d’un taux réduit de TVA à un secteur d’activité on peut citer l’équitation. En effet, l’annexe 3 modifiée de la directive insère un nouveau point 11 bis relatif « aux équidés vivants et aux prestations de services liées aux équidés vivants ». C’est en se fondant sur cette disposition qu’à la suite d’un amendement parlementaire « L’enseignement et la pratique de l’équitation, les animations et les activités de démonstration aux fins de découverte de l’environnement équestre et de familiarisation avec celui-ci ainsi que l’accès aux installations sportives destinées à l’utilisations d’équidés » sont à nouveau soumis au taux réduit de TVA de 5,5 % (ajout d’un O à l’article 278 O bis du CGI issu de l’article 88 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024).
  • 41.
    Amendement n° I-5326.
  • 42.
    Amendement n° I-4795.
  • 43.
    Au total, le processus d’adoption de la loi de finances a donné lieu au recours à cinq reprises de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.
  • 44.
    Nouvelle rédaction du I de l’article 278-0 bis du CGI issu de l’article 83-6° de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023.
  • 45.
    En fait, la réécriture du I de l’article 278-0 bis du CGI fait référence au second alinéa du 1° du I de l’article 297 A du CGI qui est relatif au régime de la marge bénéficiaire.
  • 46.
    V. note 10.
  • 47.
    CGI, art. 1460-2 bis.
  • 48.
    Il s’agit de l’article 83-I-7° de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
  • 49.
    L’article 83-I-5° de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 modifie l’article 278-0 B du CGI.
  • 50.
    Nouvelle rédaction de l’article 278 septies du CGI issue de l’article 83-I-8°-b de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
  • 51.
    L’article 83-I-8°-d de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 abroge l’article 297 B du CGI.
  • 52.
    Il s’agit des articles 83-I-8°-c et 83-I-8°-d issus de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
  • 53.
    L’article 83-I-8°-c de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 abroge le III de l’article 297 A.
  • 54.
    Sénat, commission des finances, rapp. n° 128 (2023-2024), par J.-F. Husson, T II, fasc. 1.
  • 55.
    Exposé sommaire des amendements n° I-5326 et n° I-4795.
  • 56.
    Une étude commandée par le Comité professionnel des galeries d’art à Clare McAndrew prévoit une hausse des recettes fiscales comprises entre 40 et 650 millions de dollars grâce aux prévisions d’emplois créés et à l’accroissement des ventes effectuées, Devorah Lauter, Arnet News, 18 oct. 2023, https://www.artnet.com/.
  • 57.
    V. les travaux réalisés au sein de l’Institut Art & Droit en 2016, afin d’apporter plusieurs modifications à l’article 98 A de l’annexe 3 du CGI (v. http://artdroit.org).
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