Les conditions d’exercice du recours hiérarchique

Publié le 11/03/2022
Hiérarchie
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Au cours de l’année 2021, le juge administratif a apporté des précisions importantes à l’exercice du recours hiérarchique, une des garanties substantielles du contribuable en cas de contrôle fiscal.

En cas de désaccord avec l’agent en charge du contrôle fiscal, le contribuable peut solliciter un recours hiérarchique. Il s’agit d’un recours administratif pré-contentieux qui s’adresse aux supérieurs hiérarchiques de l’auteur de la décision. La garantie de ce recours consiste à procurer au contribuable un regard neuf sur son dossier et lui permet d’ouvrir un dialogue avec un nouvel interlocuteur. Le recours au supérieur hiérarchique du vérificateur ou à l’interlocuteur départemental est prévu au paragraphe 6 du chapitre Ier et au paragraphe 4 du chapitre III de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié. Ce document permet au contribuable de faire le point sur ses obligations ainsi que sur les garanties dont il bénéficie en cas de contrôle fiscal externe (vérification de comptabilité, d’un examen de comptabilité ou d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle). Les mentions contenues dans la « Charte des droits et obligations du contribuable vérifié » sont opposables à l’administration en application des dispositions de l’article L. 10 du Livre des procédures fiscales.

Une garantie substantielle

La possibilité de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis avec l’interlocuteur départemental constitue une garantie substantielle du contribuable vérifié dont la méconnaissance entache d’irrégularité la procédure. Si le contribuable exerce régulièrement ce recours avant la mise en recouvrement des impositions, l’administration fiscale ne peut procéder au recouvrement de ces impositions avant d’avoir satisfait à cette demande sauf à entacher la procédure de contrôle fiscal d’irrégularité. Dans un avis du 13 octobre dernier, le Conseil d’État a rappelé le caractère de garantie substantielle du recours hiérarchique dans toutes les procédures fiscales (CE, avis, 13 octobre 2021, n° 453241). Pour le Conseil d’État « ces dispositions assurent aux contribuables la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur et, le cas échéant, avec l’interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend ce dernier. Il en résulte que lorsque le contribuable sollicite régulièrement, avant la mise en recouvrement des impositions, un entretien en application de ces dispositions, l’administration ne peut, sans entacher la procédure d’irrégularité, procéder au recouvrement de ces impositions avant d’avoir satisfait à cette demande », (CE, 9 novembre 2015, n°374884). La possibilité de s’adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à un second interlocuteur en cas de difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle, constitue une garantie substantielle offerte à tous les contribuables, quelle que soit la procédure d’imposition qui sera ultérieurement mise en œuvre à leur encontre, précise le Conseil d’État. Un contribuable, dont les impositions ont été établies selon la procédure d’évaluation d’office mentionnée à l’article L. 74 du Livre des procédures fiscales, bénéficie-t-il de la possibilité de s’adresser, dans les conditions édictées par la Charte du contribuable vérifié, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis à l’interlocuteur départemental ou régional au cours de la vérification ? Le juge administratif répond par l’affirmative dans cet avis et apporte une réponse concernant tant la procédure contradictoire que la procédure d’évaluation d’office. En outre, le recours doit être motivé a précisé le Conseil d’État, dans un arrêt du 25 mars 2021 (CE, 25 mars 2021, n° 430593). Ainsi, pour le Conseil d’État, l’administration fiscale n’est pas tenue de donner suite à la demande d’entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, présentée au cours d’une vérification de comptabilité, qui ne fait état d’aucune difficulté affectant le déroulement des opérations de contrôle.

Le recours hiérarchique en pratique

Cette possibilité est ouverte au contribuable à deux moments distincts de la procédure contradictoire. Elle intervient en premier lieu, au cours de la vérification et avant l’envoi de la proposition de rectification, pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle ; et elle intervient, en second lieu, après la réponse faite par l’administration fiscale aux observations du contribuable (ROC) sur cette proposition, pour ce qui a trait au bien-fondé des rectifications envisagées. Pour les contribuables relevant de la procédure d’imposition contradictoire, cette garantie peut être mise en œuvre jusqu’à l’envoi de la proposition de rectification. Pour les contribuables relevant d’une procédure d’imposition d’office, cette garantie peut être mise en œuvre jusqu’à l’envoi des bases d’imposition d’office, ou, lorsqu’il n’a pas été procédé à cet envoi en application du dernier alinéa de l’article L. 76 du Livre des procédures fiscales, jusqu’à la date de mise en recouvrement. Le bénéfice de la procédure est subordonné à une demande du contribuable. Celui-ci doit donc en être informé préalablement. Les propositions de rectification mentionnent donc cette possibilité, ainsi que la personne en charge du recours hiérarchique. Les voies de recours sont personnalisées afin de permettre aux contribuables, peu familiarisés avec l’organisation administrative, de s’adresser directement aux supérieurs hiérarchiques de l’agent vérificateur, c’est-à-dire l’inspecteur divisionnaire ou principal dans le cadre du recours hiérarchique de premier niveau, l’interlocuteur (le directeur ou un de ses collaborateurs spécialement désigné par celui-ci pour conduire le recours hiérarchique de second niveau), si des désaccords importants subsistent à l’issue de ces échanges. Le nom et l’adresse administrative de l’interlocuteur, ainsi que le nom de l’inspecteur divisionnaire ou principal, supérieur hiérarchique direct du vérificateur, sont donc portés à la connaissance des contribuables vérifiés au moyen d’une mention figurant sur l’avis de vérification de comptabilité, l’avis d’examen de comptabilité ou l’avis d’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle.

Effets sur la procédure

La demande doit être formulée par le contribuable par écrit, y compris par courriel. Elle peut être effectuée sur quelque support que ce soit : sur la réponse à la proposition de rectification ou par une lettre séparée. Elle est adressée à la personne en charge du recours hiérarchique, nommément désignée sur la proposition de rectification. Le contribuable peut solliciter ce recours dès la réception de la proposition de rectification. La demande doit être formulée dans le délai de réclamation, c’est-à-dire dans le délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux, La demande formulée par le contribuable est prise en charge par le chef du service auquel appartient l’agent signataire de la proposition de rectification. Toutefois, lorsque le chef de service de l’agent signataire a apposé son visa sur la proposition de rectification, le recours est effectué par un fonctionnaire de rang plus élevé que celui qui a signé les pénalités exclusives de bonne foi, au regard de sa position dans la hiérarchie de sa direction et des fonctions qu’il y exerce, indépendamment de leurs grades respectifs. La demande de recours hiérarchique n’interrompt pas le déroulement de la procédure de rectification contradictoire. En particulier, elle ne dispense pas le contribuable de répondre à la proposition de rectification. En pratique, la réponse à la demande de recours hiérarchique pourra n’intervenir qu’après que l’administration fiscale ait apporté ses réponses aux observations du contribuable, sur les points de désaccord persistant à l’issue de ces échanges. La réponse à la demande de recours hiérarchique est apportée par écrit. Ce recours ne donne pas obligatoirement lieu à un entretien. La demande de recours hiérarchique ne suspend pas non plus, en principe, la mise en recouvrement des impositions supplémentaires notifiées. Cela étant, afin d’assurer l’effectivité du recours, la mise en recouvrement sera suspendue jusqu’à la réponse apportée à la demande de recours hiérarchique, sauf cas particuliers liés notamment aux règles de prescription. Et conformément aux dispositions de l’article L. 54 C du livre des procédures fiscales, l’exercice d’un recours hiérarchique suspend le délai de réclamation.

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