Les enjeux de la fiscalité immobilière : le point de vue des investisseurs

Publié le 16/12/2022
Loyer, immobilier
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Pour les professionnels de l’immobilier, la fiscalité constitue un sujet stratégique prioritaire. Sécurité fiscale, hausse des contrôles, le baromètre de la fiscalité immobilière donne les grandes tendances du secteur.

La 9e édition du baromètre d’Arsene Taxand, cabinet d’avocats français spécialisé en droit fiscal, dédié aux enjeux de la fiscalité immobilière depuis 2011, fait le point sur les attentes et préoccupations des professionnels du secteur. Ce baromètre a été réalisé par Arsene Taxand au premier trimestre 2022 auprès de 90 professionnels du secteur immobilier : promoteurs, fonds, foncières, gestion d’actifs, etc. Les répondants occupent en France et à l’international les fonctions suivantes de Direction générale ou Associés, Direction juridique, Direction comptable et financière, Direction fiscale, Directeur d’investissements, Asset Manager et Fund Manager ou d’autres métiers de services immobiliers.

La fiscalité, une problématique jugée prioritaire pour le secteur

Pour les acteurs de l’immobilier les sujets fiscaux conservent une place stratégique en 2021. En effet, les questions fiscales restent prioritaires lors des discussions des conseils d’administration pour 82 % des répondants, contre 81 % l’année passée en 2020. Les différents domaines de la fiscalité sont maitrisés, notamment les nouvelles obligations en matière de DAC 6. Les droits d’enregistrement, la TVA et les taxes locales restent les domaines les moins bien maitrisés. Le Baromètre de la fiscalité immobilière 2021 révèle en outre une meilleure connaissance des normes fiscale internationales et une meilleure prise en compte de celles-ci dans les décisions : 63 % des sondés (contre 59 % en 2020 et 46 % en 2019) les considèrent comme importantes, voire très importantes. La sécurité fiscale reste un sujet majeur, souligne le baromètre de la fiscalité immobilière, avec le taux effectif d’imposition, « une constante depuis la création du baromètre en 2011 ». Cependant, en 2021, alors que le sujet du taux effectif d’imposition est un peu plus citée, on note un léger recul des préoccupations portant sur les variations fréquentes de la législation, un phénomène qui peut s’expliquer au regard de la stabilité fiscale générées par les dernières lois de finances, soulignent les équipes de Arsene Taxand. « 86 % des sondés ont considéré les questions fiscales du programme présidentiel prioritaires ou faisant partie des priorités. Ce résultat est cohérent avec les considérations des conseils d’administration et reflète une attente forte des acteurs économiques en matière de fiscalité », commente Franck Llinas, associé chez Arsene au sein de le practice fiscalité immobilière. « 38 % des sondés jugent les mesures prises par le Président Macron et son gouvernement en fiscalité générale satisfaisantes ou très satisfaisantes, contre 52 % en 2021. Cette appréciation est encore plus sévère en matière de fiscalité immobilière où seuls 16 % des sondés se disent satisfaits », poursuit Franck Llinas.

Des aides fiscales jugées nécessaires

Un tiers des répondants a bénéficié des mesures fiscales prises dans le cadre de la pandémie en 2021 comme en 2020. Pour 88 % des sondés, ces mesures étaient nécessaires, un chiffre en hausse : ils n’étaient que 80 % à faire ce constat en 2020. Pour 40 % d’entre eux, les mesures sont jugées insuffisantes. 12 % les ont trouvées peu ou mal adaptées, un chiffre en baisse. Ils étaient 20 % en 2020 à les juger ainsi. Pour les équipes d’Arsene Taxand, on note ainsi une attitude moins critique vis-à-vis des mesures fiscales car les acteurs ont pu constater les effets bénéfiques des mesures, notamment en comparant avec les voisins européens. Depuis le début de la pandémie, un dispositif d’aides publiques de grand ampleur a en effet été déployé en France. Le périmètre du fonds de solidarité, initialement destiné à soutenir les très petites entreprises et les professionnels touchés par le premier confinement, n’a cessé de s’élargir pour concerner désormais les entreprises de toutes tailles affectées par des fermetures administratives ou particulièrement touchées par la crise. Si les aides octroyées lors de sa création s’élevaient à 1 500 euros par mois, dès le mois de décembre 2020, elles pouvaient atteindre 200 000 euros. Le fonctionnement du fonds de solidarité s’est poursuivi en 2021. Plus de 24 milliards d’euros ont été versés au titre du fonds de solidarité à 2 millions d’entreprises en 2021. 1,77 milliards ont été versés à 4520 entreprises au titre du dispositif dit des coûts fixes. En outre, l’application de nombreuses mesures de bienveillance (reports d’échéances et délais de paiement, remboursements accélérés de crédits d’impôts, suspensions de poursuites, remises) s’est poursuivi en 2021. Plus de 68 000 entreprises ont été bénéficiaires de ces mesures de bienveillance qui représentent au total 25 milliards d’euros d’aides.

Les contrôles repartent à la hausse

Le baromètre met en évidence une légère remontée des contrôles fiscaux. 33 % des sondés ont en effet déclaré avoir fait l’objet d’un contrôle fiscal en 2021, contre 29 % en 2020, même si le niveau de volume des contrôles n’a pas retrouvé son niveau d’avant-Covid (49 % en 2019). L’année 2021 a en effet été marquée par une reprise de l’activité de contrôle fiscal. En 2020, la crise sanitaire qui avait conduit à suspendre les contrôles fiscaux sur place de mars à juin, ceux-ci n’ayant repris que très progressivement à compter de juillet 2020. Du 17 mars au 11 mai 2020, pendant la première période de confinement, les services du contrôle fiscal se sont concentrés sur l’instruction sur pièces, avec une priorité sur les dossiers patrimoniaux à forts enjeux. Compte tenu des règles sanitaires, les relations avec les contribuables lors des contrôles sur place ont été interrompues pendant cette période. Les contrôles engagés avant la période d’état d’urgence sanitaire n’ont repris qu’à partir de juillet 2020 en fonction des priorités identifiées. La reprise des activités de contrôle fiscal, dans un contexte de fragilisation de nombreux secteurs économiques, s’est traduite par une augmentation de la part des régularisations et des procédures ciblées. Les contrôles fiscaux ont été recentrés sur la fraude à la TVA pour les entreprises et la fraude patrimoniale pour les particuliers.

Des relations plus apaisées avec l’administration fiscale ?

Le baromètre réalisé par Arsene Taxand révèle également une légère amélioration des relations avec l’administration fiscale puisque : 12 % des sondés jugent que leurs relations avec l’administration fiscale se sont améliorées, contre 7 % en 2020, faisant suite à plusieurs années de forte détérioration et une stabilisation en 2020. « Une tendance qui s’explique sans doute par une meilleure écoute et compréhension de l’administration fiscale des acteurs concernés durant la crise de la Covid-19 », analyse Franck Llinas. Toutefois, l’appréciation de la qualité de l’action de l’administration fiscale est plus sévère : 36 % des sondés la jugent bonne, contre 43 % en 2020, et aucun répondant ne l’a qualifiée de très bonne, contre 14 % en 2020. Cette amélioration des relations avec l’administration fiscale est sans doute aussi le fruit du travail de Bercy à recréer des relations apaisées avec les contribuables, initié depuis quelques années, comme en témoigne, par exemple, la création du droit à l’erreur, dans le cadre de la loi pour un État au service d’une société de confiance, dite ESSOC de 2019. Et les missions de contrôle fiscal priorisent désormais également l’accompagnement des contribuables de bonne foi. En 2021, 43 000 dossiers se sont terminés de manière apaisée, par une régularisation durant le contrôle sur pièces. Bercy a retravaillé ses offres d’accompagnement fiscal personnalisé dédiées aux entreprises : intervention de l’administration fiscale, à la demande de l’entreprise, pour des opérations récurrentes à fort enjeu financier, ou à des étapes-clés de développement économique, ou encore en cas de restructuration d’une entreprise (rachat d’une entreprise, définition d’un prix de cession, méthode de valorisation d’actifs, désengagement d’une activité, aide à une société liée, développement à l’international nécessitant une expertise fiscale au regard des stipulations d’une ou plusieurs conventions fiscales…). 827 PME ont été accompagnées en 2021. Pour les ETI et les grandes entreprises, Bercy a mis au point une offre de partenariat afin de répondre de manière sécurisée à leur problématiques fiscales. En 2021, 10 nouveaux groupes ont intégré ce partenariat fiscal dédié.

L’impact de la crise du Covid sur les stratégies d’investissement

Après deux années de crise Covid, plusieurs tendances se confirment. La majorité des professionnels de l’immobilier interrogés (64 %) estiment que la crise de la Covid a une influence sur leur stratégie d’investissement, un chiffre en baisse par rapport à l’année précédente. Ils étaient alors 70 % à faire ce constat. Un répondant sur deux estime nécessaire de repenser ses besoins immobiliers. Ils n’étaient 46 % à l’envisager en 2021. Par ailleurs, 89 % pensent que la crise aura une incidence sur le marché immobilier en termes de besoin de m2 des utilisateurs, contre 86 % en 2021. La prudence reste toutefois de mise. Les deux tiers des sondés ne pensent pas accélérer leur stratégie d’arbitrage en raison de la pandémie. Pour Franck Llinas « le marché devrait être plus dynamique en 2022 qu’en 2021 avec moins d’acteurs attentistes (18 % contre 28 % en 2021) et plus d ‘acteurs qui se positionnent à l’achat comme à la vente (46 % contre 29 % en 2021) ». Mais la croissance de l’inflation et le durcissement de la politique monétaire des banques centrales pourraient changer la donne. « L’augmentation des taux d’emprunt ainsi qu’une crainte de correction de valeur observées depuis quelques semaines pourraient mettre à mal ces pronostics », poursuit Franck Llinas.

Les grandes tendances en matière d’investissement évoluent

Par rapport à 2021, tous les facteurs de difficulté ont augmenté. Le niveau de prix reste l’obstacle le plus important en matière d’investissement (avec 3,36 pts, sur une échelle de 1 à 4 où 4 représente le facteur plus important et 1 le facteur le moins important). Les difficultés liées au financement présentent également une nette progression (3,02 pts versus 2,75 pts en 2021). En 2022, la tendance observée dans les précédents baromètres se confirme. Les entrepôts restent le premier actif ciblé par les acteurs de l’immobilier en France et à l’international (55% contre 45 % en 2021 et 37 % en 2020), plébiscité pour son fort potentiel de croissance. L’intérêt pour les commerces augmente. Cités par 11 % des investisseurs en 2021, ils intéressent désormais 22% des professionnels du secteur : une amélioration nette et assez surprenante au regard de la conjoncture économique et sanitaire. En revanche, les logements reculent nettement avec des perspectives de croissance divisées par 2 (14 % en 2022 contre 31 % en 2021). Enfin, l’investissement dans les bureaux continue à être le type d’actif le moins prisé, même si on voit une timide amélioration en termes de potentiel de croissance : ils sont 7 % à faire cette analyse en 2022 contre 5 % en 2021. Les résidences services attirent également de plus en plus d’investisseurs (résidence seniors, étudiantes, co-living, co-working, hôtellerie). Enfin, les deux tiers (77 %) des professionnels interrogés constatent une hausse des investissements responsables dans l’immobilier.

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