Loi de finances rectificative pour 2021 : les mesures fiscales d’un budget de transition

Publié le 31/08/2021
Budget, finance
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La première loi de finances de sortie de crise a été adoptée le 19 juillet 2021. Au programme, extinction progressive du fonds de solidarité, abandons de loyers, carry-back, réduction d’impôt sur le revenu Madelin, allègements sociaux, mais aussi mise en conformité avec le droit communautaire du prélèvement sur les plus-values mobilières des non-résidents détenant des participations substantielles.

Le Parlement a adopté la première loi de finances rectificative pour 2021 (LFR 2021) qui finance plusieurs mesures destinées à accompagner les entreprises, les salariés, les ménages vers la sortie de crise (L. n° 2021-953 du 19 juill. 2021 de finances rectificative pour 2021, JORF n°0166 du 20 juill. 2021). Ces mesures de transition qui succèdent au « quoi qu’il en coûte » portent le déficit public à un niveau record de 220 milliards d’euros en 2021. Selon Bruno Le Maire dans son discours d’orientation budgétaire du 15 juillet 2021 devant l’Assemblée nationale, il s’agit de « sortir progressivement des aides générales pour passer à un soutien ciblé, sur-mesure, pour ceux qui restent réellement en difficulté ». Ces principales mesures fiscales comportent notamment la prolongation de la déduction des abandons de loyers jusqu’au 31 décembre 2021 et l’assouplissement pour le report en arrière des déficits.

Un régime dérogatoire de carry-back

La LFR 2021 aménage temporairement le dispositif de report en arrière des déficits – carry-back (CGI, art. 220 quinquies) – sur deux points. D’une part, le montant de déficit pouvant être reporté en arrière est totalement déplafonné. D’autre part, le déficit constaté au titre d’un exercice clos entre le 30 juin 2020 et le 30 juin 2021 peut, sur option, être imputé sur les bénéfices des trois exercices précédents. Ainsi, les pertes constatées en 2020 peuvent être imputées sur les exercices 2017, 2018 et 2019. L’imputation doit être effectuée dans l’ordre suivant : sur l’exercice précédent, le cas échéant, sur l’avant-dernier exercice, et s’il ne suffit pas, sur l’antépénultième exercice.

La LFR 2021 met en place un délai d’option dérogatoire. Ainsi, l’option pourra être exercée jusqu’à la date limite de dépôt de la déclaration de résultats d’un exercice clos au 30 juin 2021 et au plus tard avant que la liquidation définitive de l’impôt dû au titre de l’exercice suivant celui au titre duquel l’option est exercée ne soit intervenue.

Pour éviter que l’assouplissement n’aboutisse à un double avantage fiscal, deux mesures ont été prévues. Pour les déficits antérieurs, les bénéfices d’imputation des trois exercices précédents sont diminués du montant des déficits constatés au titre des exercices antérieurs pour lesquels l’entreprise a déjà opté pour le report en arrière. Pour le déficit du même exercice, la créance de carry-back est minorée du montant de la créance de report en arrière déjà liquidée lorsque l’option a déjà été exercée par l’entreprise. La créance est calculée sur la base de l’impôt sur les sociétés de 25 % applicable à compter du 1er janvier 2022 et ne peut bénéficier du remboursement anticipé exceptionnel prévu par la troisième loi de finances rectificative du 30 juillet 2020.

La déductabilité fiscale des abandons de loyers est prolongée

La déductibilité fiscale des abandons de loyers par les bailleurs en faveur des entreprises locataires en difficulté, non liées, qui devait prendre fin le 30 juin 2021 a été prolongée une seconde fois jusqu’à fin 2021. Ces abandons de loyers ne sont donc pas imposables pour les bailleurs soumis aux revenus fonciers (CGI, art. 14 B), ils ne constituent pas une recette imposable pour les bailleurs relevant des bénéfice non commerciaux (par renvoi de l’article 92 B à l’article 39 du CGI) et sont intégralement déductibles pour ceux imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (CGI, art. 39).

Par ailleurs, les communes et groupements de communes à fiscalité propre peuvent renoncer à la part de taxe foncière due en 2021 sur les propriétés bâties qui leur revient, due par les bailleurs qui accordent une remise totale sur les loyers commerciaux dus en 2020 par des personnes physiques et morales de droit privé gérant des discothèques. Elles peuvent également directement décider d’un dégrèvement de cette taxe au profit des discothèques.

Extinction progressive du fonds de solidarité et traitement fiscal des aides

La LFR 2021 prolonge le fonds de solidarité jusqu’à fin août 2021 au moins, le gouvernement étant autorisé à le prolonger par décret pour quatre mois. Depuis le 1er juin 2021, seules les entreprises soumises à une interdiction d’accueil du public ou exerçant leur activité principale dans les secteurs les plus touchés par la crise du Covid-19 peuvent bénéficier des aides du fonds de solidarité. Par ailleurs, la loi clarifie le régime applicable aux aides versées en 2021. Seules les aides versées au titre du fonds de solidarité aux entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la crise sanitaire font l’objet d’une exonération fiscale et sociale. Les autres sont assujetties aux impôts sur le bénéfice et aux contributions et cotisations sociales. Il s’agit de :

  • l’aide destinée à compenser les coûts fixes des entreprises ;

  • l’aide aux personnes physiques et morales exploitant des remontées mécaniques ;

  • l’aide destinée à tenir compte des difficultés d’écoulement des stocks de certains commerces à la suite des restrictions d’activité.

Agriculteurs : la déduction pour aléas est prolongée

La LFR pour 2021 prolonge l’assouplissement temporaire des conditions d’utilisation de la déduction pour aléas (DPA) mis en place par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020. En pratique, les sommes correspondant à la déduction pratiquée et leurs intérêts capitalisés non encore rapportés au 1er avril 2021 peuvent être utilisées au cours des exercices clos entre le 1er avril 2021 et le 31 décembre 2021 pour faire face aux dépenses nécessitées par l’activité professionnelle prévues pour l’application du régime de la déduction pour épargne de précaution (CGI, art. 73, II-2).

Allègements sociaux : le plan Covid 3

La LFR pour 2021 adapte les mesures d’aides au paiement des cotisations et contributions sociales des salariés et mandataires sociaux. Elles sont cette fois-ci destinées à accompagner la reprise d’activité des employeurs de moins de 250 salariés, dont l’activité principale relève des secteurs S1 et S1 bis (tourisme, hôtellerie, restauration, sport, culture, transport aérien, événementiel). Les professionnels faisant l’objet de mesures d’interdiction d’accueil du public bénéficient du dispositif d’aide Covid 2 à l’identique, pour la durée correspondante à l’interdiction prolongée. L’aide passe de 20 à 15 % du montant des rémunérations des salariés ouvrant droit à la réduction générale de cotisations patronales. Elle est prévue jusqu’au 31 août 2021 mais pourra être prolongée jusqu’à fin 2021.

Pour les travailleurs indépendants et non-salariés agricoles éligibles à l’aide Covid 3, les conditions sont les suivantes : entreprises de moins de 250 salariés, des secteurs S1 et S1 bis et remplissant l’éventuelle condition de baisse de chiffre d’affaires prévue par décret. Les micro-entrepreneurs relevant du régime micro-social qui remplissent ces mêmes conditions d’éligibilité de l’aide Covid-3 peuvent déduire de leur chiffre d’affaires ou recettes déclarés pour les échéances mensuelles ou trimestrielles de 2021 le montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs recettes de mai 2021.

Ces mesures sont conditionnées à la non-condamnation de l’employeur pour travail dissimulé au cours des cinq années précédentes.

Prélèvement sur les plus-values mobilières des non-résidents : mise en conformité avec le droit communautaire

La LFR pour 2021 a mis en conformité au droit communautaire le prélèvement applicable aux gains résultant de la cession ou du rachat de droits sociaux ainsi qu’à certaines distributions réalisées par des personnes physiques dont le domicile fiscal est situé à l’étranger, ou par des personnes morales dont le siège social est situé hors de France, et détentrices d’une participation de plus de 25 % (CGI, art. 244 bis B). Désormais, sont exonérées de prélèvement les organismes de placement collectif étrangers (OPC) présentant des caractéristiques similaires aux OPC de droit français. La loi va plus loin en instituant un droit à restitution en faveur des personnes morales étrangères dont le siège social est situé dans un État membre de l’Union européenne, d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou d’un État ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative. Ce droit porte sur la part de prélèvement qui excède l’impôt sur les sociétés théoriques dont elles auraient été redevables si leur siège avait été situé en France. Cette mesure, applicable aux plus-values réalisées à compter du 30 juin 2021, fait suite à un arrêt du Conseil d’État jugeant que ce prélèvement était contraire aux principes de liberté d’établissement et de libre circulation des capitaux (CE, 14 oct. 2020, n° 421524, AVM International Holding).

Pour les particuliers : réduction Madelin et IR-don au culte

La LFR pour 2021 a prolongé, pour la troisième fois, l’application du taux majoré de la réduction d’impôt sur le revenu dite « Madelin », pour les souscriptions au capital de PME, ou de parts de fonds commun de placement dans l’innovation (FCPI) ou de fonds d’investissement de proximité (FIP) jusqu’en 2022 (CGI, art. 199 terdecies-0 A). La prorogation du taux majoré concerne également la réduction d’impôt en faveur des sociétés foncières solidaires (CGI, art. 199 terdecies-0 AB). Pour mémoire, la réduction Madelin s’élève à 18 % (taux de droit commun), ou 25 % (taux majoré) des versements effectués au titre de l’ensemble des souscriptions éligibles, retenus dans la limite annuelle de 50 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 100 000 euros pour les contribuables soumis à une imposition commune. Pour les FCPI et les FIP, ces limites sont fixées à 12 000 et 24 000 euros. L’application du taux majoré est subordonnée à l’autorisation de la Commission européenne. La mesure devrait s’appliquer au plus tôt aux versements effectués à partir du 1er janvier 2022. En 2020, le taux majoré n’a pu s’appliquer qu’à partir du 10 août et en 2021 à partir du 9 mai.

Par ailleurs, la LFR 2021 prévoit une majoration exceptionnelle du taux de la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons effectués au profit des associations cultuelles, de 66 à 75 %. Cette mesure concerne les dons et versements, y compris l’abandon exprès de revenus ou produits, effectués entre le 2 juin 2021 et le 31 décembre 2022 au profit d’associations cultuelles ou d’établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle (CGI, art. 200). Les versements seront retenus dans une limite de 554 euros pour ceux effectués au cours de l’année 2021, revalorisée dans la même proportion que la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu pour les dons consentis en 2022, mais ne seront pas pris en compte pour apprécier la limite de 20 % du revenu imposable applicable à la généralité des dons.

En outre, la LFR pour 2021 exonère d’impôt sur le revenu les majorations exceptionnelles perçues par les étudiants en médecine ayant effectué des gardes pendant la première vague de l’épidémie de Covid-19, c’est-à-dire entre le 1er mars et le 30 avril 2020, et dans la limite de 7 500 euros. Reste à savoir si les contribuables concernés, pour obtenir le bénéfice de l’exonération, devront corriger leur déclaration en ligne ou faire une réclamation.

Enfin, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) est à nouveau prolongée. Elle pourra être versée jusqu’au 31 mars 2022. La prime sera exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu dans la limite de 1 000 euros, ou à 2 000 euros pour certaines entreprises.

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