Loi Pacte : les évolutions pour l’assurance-vie et l’épargne retraite

Publié le 22/05/2019

Après un long parcours parlementaire, la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) a été adopté définitivement. Assurance-vie, épargne retraite : le point sur les évolutions pour l’épargne (hors PEA).

Dix mois après sa présentation en conseil des ministres, la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) a achevé son parcours parlementaire le 11 avril dernier. Pas moins de 221 articles qui concernent autant la médiatique privatisation d’Aéroport de Paris, que l’intéressement, le financement de l’entreprise, la recherche publique et l’entrepreneuriat, la propriété industrielle, les véhicules autonomes, la certification des comptes, les administrateurs salariés, etc. Son objectif : favoriser la croissance des entreprises françaises, orienter l’épargne vers leur financement, et associer les salariés aux bénéfices. Le point sur l’assurance-vie, l’épargne salariale et l’épargne retraite (Les modifications relatives aux PEA et PEA-PME feront l’objet d’un développement ultérieur).

Harmonisation des régimes d’épargne retraite

La loi Pacte uniformise l’architecture générale des produits épargne retraite, sans toutefois les fusionner. Elle favorise également la portabilité des droits pour s’adapter aux profils de carrière.

Pour compléter leur pension issue du régime obligatoire, les actifs disposent de nombreux dispositifs d’épargne retraite, difficilement lisibles. Leurs règles de fonctionnement diffèrent. Selon que l’actif est salarié d’entreprise, professionnel libéral, agent de la fonction publique, il n’a pas accès aux mêmes dispositifs.

Ainsi, le plan d’épargne pour la retraite collective (Perco), et l’assurance-vie collective dite Article 83 (par référence à l’article 83 du Code des impôts – CGI – auquel il est soumis) sont des produits collectifs souscrits dans le cadre d’une entreprise.

Le Perco peut être alimenté par le salarié, qui y verse son intéressement, sa participation ou son épargne personnelle, et par l’employeur, qui n’y est pas obligé. Au contraire, le contrat Article 83 est un régime dit « cotisations définies », cela signifie que l’employeur s’engage à verser régulièrement une cotisation à chaque bénéficiaire. Le salarié effectue des versements volontaires sauf si l’accord instituant le dispositif dans l’entreprise a prévu une cotisation obligatoire du salarié.

Le contrat Madelin s’adresse uniquement aux travailleurs non-salariés ; quant au plan d’épargne retraite populaire (Perp), il est accessible à tous les actifs. Ces deux derniers sont alimentés par le souscripteur seul.

Si l’épargnant change de profession et de statut, il peut donc être amené à disposer de plusieurs dispositifs d’épargne retraite. De plus, les règles actuelles de transfert sont complexes : un contrat Madelin et un Article 83 peuvent être transférés vers un Perp, mais pas l’inverse. De même, un Article 83 peut être transféré vers un contrat Madelin, alors qu’un Perco ne peut pas être reversé sur un autre produit d’épargne retraite.

Portabilité des dispositifs

Pour mettre fin à cette situation, la loi Pacte autorise la portabilité de tous les dispositifs : il sera possible de conserver un plan d’épargne retraite à la suite d’un changement de situation. Comment ? En disposant d’un unique produit d’épargne retraite. À cet effet, l’article 71 de la loi crée le plan d’épargne retraite (PER), sous l’article L. 224-1 du Code monétaire et financier (CMF), qui va regrouper plusieurs dispositifs existants : le Perp, le Madelin, l’Article 83, le Perco.

En pratique, et pour tenir compte de l’origine des versements, le PER sera composé de trois compartiments : un PER individuel et deux PER collectifs.

Le plan individuel de type Perp, a vocation à recueillir les versements volontaires des épargnants. Les deux supports collectifs se distinguent selon la nature des versements. Le premier support collectif, correspondra à l’actuel Perco, et recevra des versements issus de l’épargne salariale. Le second support collectif sera un contrat à affiliation obligatoire, type l’actuel contrat Article 83.

Les droits individuels en cours de constitution seront transférables vers tout autre PER sans emporter de modification des conditions de leur rachat ou de leur liquidation. Ainsi, à chaque changement de vie professionnelle, tout actif pourra transférer l’encours dont il dispose vers son nouveau produit d’épargne retraite, sans frais s’il a détenu son produit pendant 5 ans.

Sortie et acquisition de la résidence secondaire

La loi Pacte modifie les modes de sortie et les clauses de sorties anticipées.

À l’avenir, au moment de la retraite, les épargnants pourront récupérer leur épargne issue de versements volontaires sous forme de capital (aujourd’hui le Perp autorise la sortie en capital au moment de la retraite, à hauteur de 20 % seulement). Une restriction : s’ils ont opté pour une sortie en rente viagère lors de l’ouverture de leur plan car cette option sera irrévocable.

La sortie en rente viagère ou en capital, comme actuellement, sera possible pour les sommes épargnées sur le plan collectif type Perco. En revanche, seule une sortie en rente sera possible pour le support d’épargne retraite collectif à affiliation obligatoire, type article 83.

La loi Pacte harmonise les cas de sortie anticipée. Il sera possible de récupérer son épargne de façon anticipée en cas de décès du conjoint ou partenaire de pacs, invalidité de l’épargnant, de son conjoint ou partenaire de pacs ou d’un enfant, situation de surendettement, expiration des droits au chômage, ou en cas de cessation d’une activité non salariée à la suite d’un jugement de liquidation.

Quid de l’acquisition de la résidence principale comme cause de sortie anticipée ? Actuellement possible pour le Perco, elle sera admise pour le plan individuel (le nouveau Perp), mais pas pour le plan collectif à affiliation obligatoire (type article 83).

Fiscalité : peu de changements

La loi Pacte ne modifie pas la fiscalité jusqu’alors applicable. Dans la phase de constitution de l’épargne, l’épargnant pourra toujours déduire de son revenu imposable les versements volontaires, dans la limite de 10 % des revenus professionnels, nets de cotisations sociales et de frais professionnels, avec un plafond maximal de déduction de 30 893 euros.

Pour alimenter le PER, la loi Pacte a prévu une incitation fiscale : l’épargnant pourra puiser dans son contrat d’assurance-vie, pour reverser des fonds sans son PER. Ce transfert PER sera fiscalement neutre : la plus-value qui sera éventuellement constatée à l’occasion du transfert PER ne sera pas imposable à l’impôt sur le revenu, dans la limite de 4 600 euros pour une personne seule et 9 200 euros pour un couple. L’article 125-0 A du CGI modifié encadre ce transfert : le rachat total ou partiel doit être effectué avant le 1er janvier 2023 et plus de cinq années avant l’atteinte par le titulaire du bon ou du contrat de l’âge légal de la retraite.

En cas de sortie en rente viagère, pas de changement. Les rentes du nouveau plan individuel suivent le régime fiscal des rentes à titre gratuit, seront imposables à l’impôt sur le revenu, dans les mêmes conditions que les pensions de retraite versées par les régimes obligatoires, c’est-à-dire après application d’un abattement forfaitaire de 10 %. La rente viagère versée à la sortie du Perco sera comme aujourd’hui imposée sur une fraction de son montant, déterminée par l’âge du bénéficiaire.

En cas de sortie en capital, le capital sera imposé s’il correspond à des versements volontaires. Par conséquent, la sortie du nouveau Perp devrait être taxée, l’intégralité du capital devrait être soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Certes, les modalités d’imposition doivent encore être fixées par ordonnance, mais cette option fiscale rend la sortie en capital peut attractive, surtout si elle fait passer le contribuable à la tranche supérieure du barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Pour le plan collectif, la loi ne prévoit pas de changement : le capital restera exonéré d’impôt sur le revenu.

Assurance-vie : transfert en interne

L’assurance-vie a donné lieu à de nombreux débats. Plusieurs mesures ont été adoptées visant à la rendre transférable et plus transparente. La transférabilité des contrats est introduite, sans perte de l’antériorité fiscale, mais limitée en interne. Ainsi, un vieux contrat aux performances décevantes pourra être transféré vers un contrat plus récent, aux conditions plus intéressantes (fonds en euros mieux rémunéré, frais de versement et de gestion moins élevés) à condition de rester au sein de la même compagnie d’assurance. Aussi, à la différence du « fourgoussage » de 2005, « le transfert n’est pas limité à un contrat de type monosupport (en fonds euros) vers un contrat de type multisupports avec un engagement minimum en unités de compte (ou en eurocroissance), mais à tous les contrats, même de multisupports à multisupports », comme le précisent les auteurs de l’amendement à l’origine de la transférabilité.

Transparence accrue

L’article 72 de la loi Pacte renforce l’information des épargnants détenteurs de contrats d’assurance-vie selon deux axes. Tout d’abord, les assureurs devront mieux informer les épargnants sur les performances de leurs fonds en euros, qu’il s’agisse de contrats en cours ou de vieux contrats qui ne sont plus commercialisés. En pratique, les compagnies devront publier sur leur site internet, les taux de rendement et de valorisation offerts sur l’ensemble de leurs contrats, dans les 90 jours suivant le 31 décembre de l’année de revalorisation. Cette information devra être disponible pour une durée minimale de 5 ans.

L’autre axe de transparence porte sur les frais prélevés sur les unités de comptes. L’obligation d’information précontractuelle devra indiquer, pour chaque unité de compte, la performance brute de frais, la performance nette, et l’ensemble des commissions prélevées sur une période passée (dont la durée sera fixée par décret). De plus, cette information devra mentionner « notamment les éventuelles rétrocessions de commission perçues au titre de la gestion financière des actifs représentatifs des engagements exprimés en unités de compte par l’entreprise d’assurance, par ses gestionnaires délégués, y compris sous la forme d’un organisme de placement collectif, ou par le dépositaire des actifs du contrat dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de l’Économie », selon l’article L. 522-5 I 12° du Code des assurances.

L’assurance-vie fait sa transition écologique

La loi Pacte encourage la diffusion des fonds labellisés investissement socialement responsable (ISR) via les contrats d’assurance-vie. L’article 72, prévoit qu’à compter de 2020, les compagnies d’assurance seront contraintes de proposer des unités de compte ISR, vertes ou solidaires dans chacun de leurs contrats multisupports. Selon le nouvel article L. 131-1-2 du Code des assurances, ces unités de comptes doivent être composées de valeurs mobilières, d’OPC ou d’actifs :

  • « pour une part comprise entre 5 % et 10 %, de titres émis par des entreprises solidaires d’utilité sociale agréées (…) ou par des sociétés de capital-risque (…) ou par des fonds communs de placements à risque (…) sous réserve que l’actif de ces fonds soit composé d’au moins 40 % de titres émis par des entreprises solidaires,

  • ayant « obtenu un label reconnu par l’État et satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique »,

  • ou ayant « obtenu un label reconnu par l’État et satisfaisant aux critères d’investissement socialement responsable ».

À compter de 2022, les compagnies devront obligatoirement proposer les trois types. Bien entendu, les épargnants resteront libres de souscrire ou non.

Capital-investissement

La loi Pacte tend à encourager les investissements actions, qui représentent aujourd’hui seulement 20 % des encours de l’assurance-vie. Pour ce faire, elle tente de rendre plus attractifs les fonds eurocroissance, dont une partie est investie en actions par l’affichage d’un rendement unifié pour tous les assurés d’un même contrat, à l’instar des fonds euros. Pour mémoire, ces contrats, créés en 2014 offrent une garantie en capital à une échéance de 8 ans.

Les fonds éligibles à l’eurocroissance seront aussi plus nombreux, s’ouvrant au capital-investissement non coté.

En outre, la loi rend possible l’investissement, à travers des unités de compte, dans des fonds professionnels spécialisés (FPS). Le gouvernement ne fixera pas les conditions d’accès aux épargnants, selon leur situation financière, leurs connaissances en la matière et les fonds concernés. Les FPS éligibles à l’assurance-vie pourront investir dans tous types d’actifs non cotés, dont les cryptoactifs comme les bitcoins.

Enfin, la loi Pacte assouplit les modalités de rachat en titres rendu possible depuis 2016 (C. mutualité, art. L. 223-2). Lors du rachat le souscripteur peut en effet opter pour un règlement sous forme de titres ou parts de sociétés plutôt que de capitaux, à condition de le notifier à son assureur par lettre recommandée à chaque retrait. Avec la loi Pacte, l’option retenue par le souscripteur vaudra pour chaque rachat.

Contrats en déshérence

La loi Pacte s’est également penchée sur les contrats d’assurance-vie non réclamés pour en réduire l’ampleur. Depuis la loi Eckert de juin 2014, les assureurs sont déjà contraints à rechercher les bénéficiaires et à les contacter dans un délai de 15 jours qui suit la réception d’un avis de décès, la prise de connaissance des coordonnées du bénéficiaire ou le terme prévu pour le contrat. Après réception de ces documents, les assureurs disposent d’un délai d’un mois pour procéder au versement.

En cas de non-respect de ce second délai, l’assureur encourt une pénalité à hauteur du double du taux légal durant deux mois puis au triple du taux légal. Aucune sanction n’est prévue en revanche en cas de manquement au délai de 15 jours. L’absence de pénalité n’incite pas au respect de cette échéance.

Pour recadrer les assureurs, la loi Pacte prévoit d’appliquer des pénalités à hauteur du double du taux légal durant un mois puis au triple du taux légal en cas de manquement au délai de 15 jours.

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