Plus-values immobilières des non-résidents

Publié le 17/06/2019

Bercy publie ses commentaires sur les cas d’exonération de l’impôt sur les plus-values immobilières pour les non-résidents.

Bercy met à jour sa doctrine administrative relative à l’extension des cas d’exonération de l’impôt sur les plus-values immobilières pour les non-résidents opérée dans le cadre de la loi de finances pour 2019. Lors de la vente ou cession à titre onéreux d’un bien immobilier situé en France ou lors de la vente ou cession à titre onéreux de parts d’une société dont l’actif est principalement constitué d’immeubles situés en France, les non-résidents peuvent être amenés à réaliser une plus-value directement ou indirectement. En toute logique, comme c’est le cas pour les résidents de France, cette plus-value fait l’objet d’un impôt au taux de 19 % quel que soit le pays de résidence du vendeur. Elle est également supposée être soumise aux prélèvements sociaux au taux global de 15,5 %. Depuis le 1er janvier 2019, ce principe fait l’objet d’un certain nombre d’aménagements favorables aux non-résidents. Ces mesures voulues par Bercy sont directement inspirées du rapport « La mobilité internationale des Français », conduit par Anne Genetet, la députée LREM de la 11e circonscription des Français établis hors de France, au Premier ministre, le 11 septembre dernier, réclamant que les Français à l’étranger puissent bénéficier d’une fiscalité comparable à celle des résidents de France et qui prenne également en compte leurs spécificités. Précédemment, seuls les résidents avaient droit à l’exonération de la plus-value de la résidence principale. Les non-résidents bénéficiaient uniquement d’une exonération d’impôt à hauteur de 150 000 €. Le régime de l’exonération de la plus-value de la résidence principale est désormais étendu aux contribuables qui mettent en vente leur résidence principale en raison de leur départ hors de France, pour les cessions réalisées le 1er janvier 2019. Pour les résidences secondaires ou biens immobiliers d’investissement qui ne constituent pas la résidence principale de l’expatrié, ou pour les résidences principales qui ne peuvent prétendre à l’exonération totale, le délai avant lequel le cédant doit céder le bien était de 5 ans à compter du départ hors de France pour bénéficier de l’exonération de 150 000 €. Il est désormais de 10 ans.

Une exonération spécifique de 150 000 €

Conformément à l’article 150 U, II, 2° du CGI les plus-values réalisées au titre des cessions, d’un logement situé en France par des personnes physiques, non résidentes de France, ressortissantes d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales bénéficient d’une exonération d’impôt plafonnée à 150 000 € de plus-value nette imposable. La fraction de la plus-value nette supérieure à 150 000 € est imposable dans les conditions de droit commun.

L’article 43 de la loi de finances pour 2019 a assoupli les conditions d’application de cette exonération spécifique aux non-résidents. Jusqu’à présent, cette exonération était applicable lorsque les conditions suivantes étaient réunies : le cédant devait avoir la nationalité d’un État membre de l’UE et il devait avoir été fiscalement résident en France de manière continue pendant au moins deux ans à un moment quelconque antérieurement à la cession. En outre, la cession devait porter sur un logement et il devait s’agir de sa première cession taxable en qualité de non-résidente depuis le 1er janvier 2006. Enfin, l’exonération était subordonnée ou non, selon la date de cession, à une condition de libre disposition du bien. Lorsque la cession était réalisée au plus tard le 31 décembre de la cinquième année suivant celle du transfert du domicile fiscal hors de France, l’exonération s’appliquait sans considération de la libre disposition ou non du logement. Il pouvait notamment être loué à un tiers. En revanche, cette exonération était conditionnée au fait que le cédant ait la libre disposition du bien depuis le 1er janvier de l’année précédant celle de la cession, lorsque la vente s’effectuait après le 31 décembre de la cinquième année suivant celle du transfert du domicile fiscal hors de France. L’article 43 de la loi de finances pour 2019 a étendu de cinq à dix ans la durée pendant laquelle des anciens résidents peuvent bénéficier de l’exonération sur les plus-values immobilières que le bien soit à leur disposition ou non. Les fonctionnaires et agents de l’État en poste à l’étranger, qui sont domiciliés fiscalement en France, peuvent bénéficier de cette exonération. En revanche, l’exonération ne s’applique pas lorsque le bien est détenu par l’intermédiaire d’une personne morale, comme c’est le cas d’une SCI par exemple.

La plus-value est déterminée selon les mêmes modalités que celles applicables aux résidents de France avec notamment la prise en compte d’un abattement pour durée de détention. Pour la détermination du montant imposable à l’impôt sur le revenu, l’abattement pour durée de détention est de 6 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième et jusqu’à la vingt-et-unième. Il passe à 4 % au terme de la vingt-deuxième année de détention. Au total, l’exonération d’impôt sur le revenu est acquise au-delà d’un délai de détention de vingt-deux ans. S’agissant des prélèvements sociaux, l’abattement pour durée de détention est de 1,65 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième et jusqu’à la vingt-et-unième. Il passe à 1,60 % pour la vingt-deuxième année de détention et à 9 % pour chaque année au-delà de la vingt-deuxième. L’exonération des prélèvements sociaux est donc acquise au-delà d’un délai de détention de trente ans.

Le plafonnement à 150 000 € de la plus-value exonérée s’apprécie au niveau du cédant.

Des concubins, ou des indivisaires, constituent chacun un cédant unique et font à ce titre l’objet d’une taxation distincte en matière d’imposition des plus-values. Par suite, l’appréciation du plafonnement à 150 000 € de la plus-value exonérée s’effectue individuellement au niveau de la quote-part de plus-value réalisée par chacun des concubins ou coindivisaires. En revanche, dans le cas d’un bien cédé conjointement par un couple marié, les époux sont considérés comme des co-cédants. Toutefois, il est admis d’apprécier le plafonnement à 150 000 € de la plus-value exonérée comme en matière d’indivision, c’est-à-dire au niveau de la quote-part du bien, et donc de la plus-value revenant à chacun des époux et non au regard de la plus-value totale réalisée par le couple. Un couple marié pourrait donc prétendre à une exonération plafonnée à 300 000 € sur le montant total de la plus-value dans l’hypothèse où il céderait un bien détenu conjointement.

Cession de la résidence principale

Avec le vote de la loi de finances pour 2019, les personnes physiques peuvent lors de leur expatriation se prévaloir d’une exonération d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dus sur la plus-value générée par la cession de leur ancienne résidence principale. Jusqu’ici seuls les résidents de France pouvaient se voir exonérer d’impôt sur ce type de plus-value. Précisons que cette différence de traitement a été validé par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 27 oct. 2017, n° 2017-668 QPC), qui a jugé conformes à la constitution les dispositions de l’article 150 U, II-1° du CGI réservant l’exonération d’impôt de la plus-value réalisée lors de la cession de leur résidence principale aux seules personnes physiques domiciliées fiscalement en France, au motif que la différence de traitement existant entre les résidents et les non-résidents fiscaux français du fait des dispositions contestées était « en rapport avec l’objet de la loi et fondée sur des critères objectifs et rationnels ». Cette nouvelle mesure, prévue à l’article 244 bis A-1 du CGI, s’applique aux contribuables ayant transféré leur domicile fiscal hors de France dans un État de l’Union européenne ou dans un État de l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures et qui n’est pas un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A. Pour bénéficier de l’exonération d’impôt sur la plus-value de cession de leur ancienne résidence principale, ils doivent pouvoir remplir plusieurs conditions cumulatives. La cession de leur ancienne résidence principale doit être réalisée au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle du transfert de résidence fiscale hors de France. Le bien en question ne devra pas avoir été mis à la disposition de tiers, tant gratuitement qu’à titre onéreux, entre la date du départ de France et celle de la cession. Cette exonération s’appliquera également à la cession des dépendances immédiates et nécessaires de cet immeuble, à la condition que leur cession intervienne simultanément avec celle de l’immeuble. Ces deux régimes d’exonération ne peuvent être cumulés. Dès lors un contribuable ayant déjà bénéficié de l’exonération de l’article 150-U-II-2° ne pourra se prévaloir de la nouvelle exonération prévue à l’article 244 bis A-1 du CGI. De même, un contribuable ayant déjà bénéficié de l’exonération de l’article 244 bis A-1 du CGI ne pourra se prévaloir de la nouvelle exonération prévue à l’article 150-U-II-2° du CGI. Ces assouplissements s’appliquent aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2019.

En cas de cession d’un immeuble, de droits relatifs à un immeuble ou de parts de sociétés qui relèvent de l’article 1655 ter du Code général des impôts (CGI), il convient de déposer une déclaration établie sur l’imprimé n° 2048-IMM-SD. En cas de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière, il convient de déposer une déclaration établie sur l’imprimé n° 2048-M-SD. En cas de perception d’autres revenus en France soumis à l’impôt sur le revenu, le montant de la plus-value doit être reporté dans le formulaire 2042 C (case 3VZ) afin d’être pris en compte dans le calcul du revenu fiscal de référence. En principe, cette déclaration doit comporter la désignation d’un représentant fiscal. Cependant, il existe une dispense automatique de désignation d’un représentant fiscal dans trois situations. Lorsque le cédant est domicilié, établi ou constitué dans un État membre de l’Union européenne (UE) ou dans un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France certaines conventions d’assistance administrative (Islande et Norvège). Quand la cession est réalisée pour un prix inférieur ou égal à 150 000 €. Ce seuil s’apprécie par cédant. Ou quand la cession bénéficie d’une exonération de plus-value au regard tant de l’impôt sur le revenu que des prélèvements sociaux compte tenu de la durée de détention du bien (22 ans pour l’impôt sur le revenu et 30 ans pour les prélèvements sociaux).

La question des prélèvements sociaux

Afin de se mettre en conformité avec la jurisprudence communautaire, l’article 26 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 a supprimé les prélèvements sociaux (CSG et CRDS) qui pesaient jusqu’alors sur les revenus du capital des non-résidents. Dans plusieurs jurisprudences rendues en 2000 (CJUE, 15 févr. 2000, nos C-34/98 et C-169/98, Commission c/France) et 2015 (CJUE, 26 févr. 2015, n° C-623/13, Min. c/de Ruyter), la Cour de justice européenne a examiné si deux contributions sociales françaises, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) pouvaient être prélevées sur les salaires, les pensions, les allocations de chômage et les revenus du patrimoine de travailleurs qui, bien que résidant en France, étaient soumis à la législation de sécurité sociale d’un autre État membre, généralement parce qu’ils exerçaient une activité professionnelle dans ce dernier État. La CJUE a jugé que les deux contributions en cause présentaient un lien direct et suffisamment pertinent avec la sécurité sociale, du fait qu’elles avaient pour objet spécifique et direct de financer la sécurité sociale française ou d’apurer les déficits du régime général de sécurité sociale français. Elle en a conclu que, s’agissant des travailleurs concernés, le prélèvement de ces contributions était incompatible tant avec l’interdiction du cumul des législations applicables en matière de sécurité sociale conformément au règlement n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, qu’avec la libre circulation des travailleurs et la liberté d’établissement. Dans la mesure où les personnes concernées, en tant que travailleurs migrants, sont soumises à la sécurité sociale dans l’État membre d’emploi, leurs revenus, qu’ils proviennent d’une relation de travail ou de leur patrimoine, ne peuvent pas être soumis dans l’État membre de résidence, en l’occurrence la France, à des prélèvements présentant un lien direct et suffisamment pertinent avec les branches de la sécurité sociale. En effet le produit de ces prélèvements sociaux est destiné au financement du système de sécurité sociale français. Dans la mesure où il finance des prestations qui ne bénéficient qu’aux seules personnes assurées au régime français de sécurité sociale, une telle imposition est contraire au principe d’unicité de la législation applicable à un travailleur. Cette évolution concerne les expatriés installés dans un pays de l’Espace économique européen (Union européenne, Islande, Lichtenstein, Norvège) ou en Suisse, et non soumis à un régime français de protection sociale, mais qui relèvent du régime obligatoire de sécurité sociale d’un autre de ces États. Les nouvelles dispositions prévoient une exonération de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2019, au titre des plus-values immobilières imposées au prélèvement prévu à l’article 244 bis A du CGI réalisées par des personnes qui, par application des dispositions du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, relèvent en matière d’assurance maladie d’une législation soumise à ces dispositions et qui ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français. Dans ce cas, seul le prélèvement de solidarité de 7,5 % est dû, dans la mesure où il est affecté au budget de l’État et non au financement de la sécurité sociale.