Remises et transactions : l’administration fiscale dresse son bilan

Publié le 28/10/2021
Bilan financier
vect0r/AdobeStock

Diminution des demandes de remises gracieuses, augmentation des règlements d’ensemble, signature de deux CJIP : l’administration fiscale rend compte de sa politique pour l’année 2020.

Parallèlement aux réclamations contentieuses, qui portent sur le bien-fondé de l’imposition, les contribuables peuvent déposer auprès de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) des demandes de remises gracieuses concernant l’impôt qu’ils doivent déclarer et payer. Ces demandes de remises gracieuses visent à obtenir de la part de l’administration fiscale une remise partielle ou totale de l’impôt dû. Les demandes de transaction visent, quant à elles, à obtenir une atténuation des amendes fiscales ou des mesures de majoration d’impôts, lorsque ces pénalités ne sont pas définitives. Ces différentes demandes sont encadrées par les articles L. 247 et suivants du Livre des procédures fiscales (LPF, art. L. 247). Comme chaque année, et conformément à l’article L. 251 A du LPF (LPF, art. L. 251 A), modifié par l’article 262 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, Bercy publie un rapport sur l’application de sa politique de remises et de transactions à titre gracieux. L’administration fiscale y fait figurer le nombre, le montant total, le montant médian et le montant moyen des remises accordées, répartis par type de remise accordée et par imposition concernée, pour les personnes morales comme pour les personnes physiques. L’administration fiscale publie les mêmes informations pour les règlements d’ensemble et présente également les conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP) qui ont été signées en matière fiscale en 2020.

Diminution des demandes de remises gracieuses

Le nombre de demandes de remises gracieuses, qui visent à obtenir de l’administration fiscale une remise partielle ou totale de l’impôt dû ou une atténuation des pénalités, est en nette diminution (-38,8 % par rapport à l’année 2019). 61,6 % d’entre elles ont été traitées dans le délai d’un mois. Dans 67,9 % des cas, ces demandes ont abouti à des remises partielles ou totales. La majorité des demandes (61,66 %) portent sur les principaux impôts des particuliers, comme l’impôt sur le revenu, la taxe d’habitation ou encore la contribution à l’audiovisuel public. Cette diminution du nombre de demandes de remises gracieuses s’explique tout d’abord par la suppression progressive de la taxe d’habitation qui se traduit mécaniquement par une baisse des demandes afférentes (247 247 demandes en 2019 contre 125 555 en 2020, soit une chute de -49,2 %). En matière d’impôt sur le revenu, la diminution des demandes est également très sensible (118 272 demandes en 2019 contre 48 524 en 2020, soit une chute de -59 %). Pour Bercy, la mise en place du prélèvement à la source – en adaptant la charge fiscale aux capacités financières actualisées des ménages et en évitant le décalage dans le temps entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt – limite les risques d’incident de paiement, et donc les demandes de remises gracieuses. Autre élément décisif : les mesures d’accompagnement déployées pendant la crise sanitaire, notamment le report d’échéance de l’impôt direct, la suspension des pénalités, l’accélération du traitement des demandes de remboursement qui ont vraisemblablement permis de contenir les demandes de remises ou de modération d’impôt. Enfin la loi ESSOC du 10 août 2018 (L. n° 2018-727 du 10 août 2018), qui a introduit le principe du droit à l’erreur a facilité les demandes de mise en conformité et est sans doute à l’origine d’un effet positif sur le nombre de demandes gracieuses.

Les transactions fiscales

Le recours aux transactions par les services fiscaux est traditionnellement encouragé lorsqu’il permet d’éviter des procédures contentieuses et ainsi d’améliorer le recouvrement des sommes dûes au Trésor. Lorsqu’un dialogue est possible avec l’entreprise en dépit d’un désaccord sur l’application correcte du droit, elle consiste à privilégier autant que possible une conclusion apaisée des contrôles fiscaux, garantissant que les recettes recouvrées par l’État le sont définitivement, c’est-à-dire qu’elles ne seront pas contestées devant le juge. La modération des amendes fiscales, majorations d’impôt et pénalités de recouvrement dans le cadre prévu par la loi vise ainsi à sécuriser le recouvrement de l’impôt, faciliter son consentement et permettre aux services du contentieux de se concentrer sur les véritables sujets de désaccord juridique de fond. Le projet de transaction est transmis au contribuable qui dispose d’un délai franc de trente jours à compter de la date de réception de la lettre pour faire connaître son acceptation ou notifier son refus. Parce qu’elles portent généralement sur des impositions supplémentaires mises à la charge des contribuables à la suite de contrôles fiscaux, les transactions permettent de sécuriser des recouvrements en faisant supporter au contribuable un niveau de pénalités atténué. En 2020, le nombre de transactions a diminué de 20,3 %. Dans plus de 64 % des cas, elles ont été conclues avant mise en recouvrement (1 968 transactions). Sur la période 2018-2020, le montant moyen des modérations consenties sur les pénalités dans le cadre d’une transaction avant mise en recouvrement s’élève à 23 083 €. Le montant moyen des modérations consenties sur les pénalités dans le cadre d’une transaction après mise en recouvrement s’élève à 31 749 €.

Les règlements d’ensemble

Les règlements d’ensemble s’appliquent aux sujets particulièrement complexes marqués par une forte incertitude juridique sur les modalités d’application du droit à une situation de fait. L’administration fiscale conclut avec l’usager un accord global qui inclut une atténuation des droits par rapport à la lecture initialement retenue par l’administration de contrôle dans sa proposition de notification. Le règlement d’ensemble d’un dossier est destiné à accélérer la conclusion d’un contrôle et atténuer le risque contentieux. Il ne s’agit pas d’un dispositif spécifique mais d’une étape de la procédure de contrôle. Pour Bercy, lorsque l’appréciation du montant des bases notifiées est contestée par le contribuable et ne peut être établie avec certitude, cette méthode peut apparaître préférable à un long contentieux à l’issue incertaine.

Le règlement peut ainsi être mis en œuvre en cas de :

  • difficultés à établir avec suffisamment d’exactitude le quantum des rectifications, par exemple pour l’évaluation d’un prix de cession

  • ou en présence d’un véritable aléa juridique, parce qu’il n’existe pas de précisions doctrinales ou de jurisprudence sur le sujet.

L’accord couvre le montant des bases notifiées et les pénalités envisagées, afin de maximiser les montants d’impôts perçus tout en minimisant le risque contentieux. 128 règlements d’ensemble ont été signés en 2020. En 2019, seuls 116 règlements d’ensemble avaient été signés, ce chiffre est donc en légère progression. Le montant des modérations consenties dans le cadre de ces accords, en revanche, a diminué de moitié : 854 millions d’euros contre plus de 1,6 milliard d’euros en 2019. Mais cette chute est proportionnelle à celle des montants initiaux des droits et pénalités concernés, de 3,1 milliards d’euros à 1,4 milliard d’euros en 2020.

Deux CJIP

En 2020, deux CJIP ont été conclues. Inspiré du Deferred Prosecution Agreement américain, cet outil juridique permet au procureur de la République d’offrir à une entreprise la possibilité de négocier une amende sans procès afin d’éviter des poursuites. Ce mode de règlement alternatif a été créé dans le cadre de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi Sapin 2 (L. n° 2016-1691, 9 déc. 2016) pour les cas de corruption, trafic d’influence ou de blanchiment de fraude fiscale et a été étendu aux cas de fraude fiscale par la loi n° 2018-898 relative à la lutte contre la fraude fiscale du 23 octobre 2018 (L. n° 2018-898, 23 oct. 2018). C’est au procureur de la République d’apprécier au cas par cas l’opportunité de conclure une CJIP avec l’entreprise concernée. La CJIP vise à sanctionner sévèrement et rapidement l’entreprise tout en permettant la poursuite de son activité. Pour calculer l’amende d’intérêt public, le parquet doit la proportionner à la gravité des manquements constatés et au profit illicite réalisé, en respectant un plafond fixé à 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé par référence aux trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements. La CJIP doit faire l’objet d’une validation par le président du tribunal judiciaire à l’issue d’une audience publique. La première CJIP a été signée avec la société Bank of China Limited pour des faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale, avec à la clef une amende d’intérêt public de 3 millions d’euros et 900 000 euros de dommages et intérêts versés à l’administration fiscale. La seconde CJIP a été signée avec la société Swiru Holding AG pour des faits de complicité de fraude fiscale commise par des personnes physiques, avec une amende d’intérêt public de 1,4 million d’euros.

X