Résiliation annuelle des contrats assurance emprunteur : le coup d’arrêt de la Cour de cassation
Pour la Cour de cassation, le souscripteur d’un contrat d’emprunt immobilier ne peut pas résilier un contrat assurance emprunteur en cours d’exécution.
Pour un certain nombre de juridictions du fond, les contrats d’assurance emprunteur de groupe sont considérés comme résiliables à l’échéance annuelle, à l’image des autres contrats d’assurances soumis aux dispositions de l’article L. 113-12, alinéa 2 du Code des assurances. Pour fonder leur refus de résilier un contrat d’assurance emprunteur, banques et compagnies d’assurance s’appuyaient, quant à elles, sur l’article L. 312-9 du Code de la consommation. La cour d’appel de Bordeaux1 et la cour d’appel de Douai2 ont rendu des décisions dans ce sens. Mais la Cour de cassation vient de mettre un coup d’arrêt à cet élan jurisprudentiel en cassant l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux qui avait ouvert cette nouvelle voie3. La Cour de cassation a invoqué le principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales. Pour la haute juridiction, dans la mesure où il existe un texte spécifique à l’assurance emprunteur codifié à l’article L. 312-9 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, la loi générale codifiée à l’article L. 113-12 du Code des assurances ne peut s’appliquer à ce type de contrat. Si la Cour de cassation juge que l’emprunteur ne peut pas résilier son assurance emprunteur annuellement, cet arrêt s’applique uniquement pour les contrats souscrits avant l’entrée en vigueur de la loi Hamon qui a mis en place une période de 12 mois après la date de souscription du contrat d’emprunt immobilier pour résilier le contrat d’assurance (v. l’encadré infra, L’apport de la loi Hamon).
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, le 2 novembre 2010, Madame X a souscrit deux crédits immobiliers auprès de la société CIC Sud-Ouest. Le 15 octobre précédent, elle a adhéré à deux contrats d’assurance de groupe souscrits par le prêteur auprès des sociétés Assurances du Crédit mutuel IARD et Assurances du Crédit mutuel vie. Par un courrier daté du 24 octobre 2012, elle a notifié à la banque CIC Sud-Ouest une demande de résiliation de ces deux contrats et lui a proposé de leur substituer un contrat souscrit auprès d’une autre société d’assurance. La banque a certes proposé une renégociation de la prime mais refusé la substitution de contrat au motif que « la faculté de présenter un autre contrat d’assurance que celui proposé par la banque n’est ouverte à l’emprunteur qu’au moment de la formation du contrat et non en cours d’exécution », conformément à l’article L. 312-9 du Code de la consommation.
À la suite de ce refus, Madame X a assigné la banque et les deux compagnies d’assurance aux fins de voir constater la résiliation des contrats litigieux et de les voir condamner à lui payer des dommages-intérêts. La cour d’appel de Bordeaux a accueilli favorablement la première de ces demandes, dans la mesure où à défaut de dispositions spécifiques, il n’y a pas lieu de considérer que l’article L. 3129 du Code de la consommation exclut toute faculté de résiliation de l’adhésion au contrat d’assurance de groupe souscrit par le prêteur, laquelle est soumise à l’article L. 11312 du Code des assurances, texte d’ordre public. Pour les juges du fond, la banque et les compagnies d’assurance « ne peuvent donc valablement invoquer les conditions générales du contrat de prêt, soumettant la résiliation de l’adhésion par l’emprunteur à l’accord du créancier, pour légitimer le refus de résiliation ». Dès lors, « le contrat d’assurance de groupe souscrit par Madame X, qui n’était pas exclusivement un contrat d’assurance-vie dans la mesure où d’autres risques étaient garantis, pouvait être résilié par elle à l’expiration du délai d’un an prévu à l’article L. 113-12 du Code des assurances, et qu’elle a donc valablement résilié le contrat en cause par courrier du 24 octobre 2012, avec effet au 31 décembre 2012 ». La Cour de cassation casse et annule dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 23 mars 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux. Elle remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse.